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Sans céréales ni traitements, les brebis en biodynamie

Léa et Raphaël Dubuis ont fait le pari de reprendre une ferme au cœur du Bugey, dans l’Ain. Ils mènent leur troupe de brebis laitières en biodynamie en accord avec leurs principes.

« Quand nous avons repris la ferme en 2014, nous avons dû repartir de zéro », se remémorent Léa et Raphaël Dubuis, tous les deux non issus du milieu agricole. Le couple de trentenaire a démarré une activité mixte à la bergerie de Morgelas, à Saint-Rambert-en-Bugey, au cœur de l’Ain, avec l’idée d’atteindre un effectif de troupeau laitier de 120 lacaunes et un troupeau allaitant de 100 Thônes et Marthod.

Une logique économe, naturelle et à l’écoute des besoins des brebis

« Nous devions être trois associés, mais finalement le troisième n’est resté que deux ans et nous avons dû revoir nos objectifs à la baisse. » Les deux éleveurs traversent deux périodes compliquées, l’une décidée avec l’arrêt des traitements antiparasitaires et la deuxième subie avec la prédation du lynx qui leur fait perdre une vingtaine de brebis. « Nous avons décidé d’arrêter les brebis allaitantes et nous avons basculé les Thônes et Marthod en lait, profitant des aptitudes mixtes de la race, souligne Raphaël Dubuis. Notre objectif était alors clairement de produire un maximum, avec la double traite, un projet d’agrandissement de la fromagerie à 100 000 euros, l’augmentation du cheptel, etc. »

Se recentrer sur l’essentiel

En juillet 2020, le couple endure une épreuve de la vie, avec le décès d’un enfant. « Nous avons mis un an à nous redresser, pour nous remettre vraiment au travail. Cela nous a complètement changés, nous avons levé le pied sur le côté productiviste pour nous recentrer sur l’essentiel », explique Léa Dubuis. Le couple souhaite libérer plus de temps pour leur vie familiale et ne plus voir l’élevage comme une contrainte : « On peut aimer son métier sans en être l’esclave » devient leur leitmotiv.

Léa et Raphaël repensent de fond en comble la conduite de l’élevage. À l’arrêt des antiparasitaires s’ajoutent l’arrêt de distribution de céréales dans la ration, le passage en monotraite, l’abandon du projet de nouvelle fromagerie. La ferme se diversifie avec l’acquisition de cinq vaches allaitantes. « Nous aimerions acheter deux vaches laitières pour pouvoir produire de la tomme et de la raclette pour étoffer notre gamme de produits laitiers car avec la monotraite nous ne pouvons plus faire ces fromages avec le lait des brebis », explique Léa, pétillante.

Démarche biologique et biodynamique

La totalité de la production de la bergerie de Morgelas est vendue en direct, soit sur la ferme, soit sur deux marchés, ou bien à un restaurateur, une épicerie et à un fromager local. La production des brebis laitières représente 11 000 litres de lait par an, contre 15 000 litres lorsque le troupeau était en double traite, intégralement transformée en lactiques, crèmes dessert et yaourts. L’ensemble de la ferme est conduit dans une démarche bio et en suivant les enseignements de la biodynamie. « Nous ne sommes pas certifiés car cela coûte cher et nos clients ne nous le demandent pas. Cela nous laisse également une certaine souplesse dans la pratique », apprécie Léa Dubuis.

Certes, lors de l’arrêt des antiparasitaires, les éleveurs ont enregistré des pertes dans le cheptel, mais « il fallait tenir bon et voir au long terme. Nous avons passé plus de temps à observer le comportement des brebis au pâturage et nous les avons mis de préférence sur des parcelles de sous-bois, avec une grande diversité floristique. Les brebis font alors de l’automédication avec les plantes médicinales qu’elles consomment ». Si à la base la volonté était surtout de faire baisser les charges de vétérinaire, le couple ne reviendrait pas en arrière aujourd’hui.

Médecine alternative et kinésiologie

Pour eux, le métier d’éleveur prend enfin tout son sens en laissant plus de liberté à leurs brebis. Ils travaillent sur la connexion qu’ils ont avec leurs animaux. « Nous avons fait des formations autour de la kinésiologie, qui est une forme de communication animale, en lien avec les médecines alternatives. Nous avons des attentes envers nos brebis et elles ont des besoins en retour », explique Léa. Par exemple, les éleveurs ont trouvé le compromis de laisser les agneaux un mois et demi sous la mère. « Nous avons des beaux agneaux et agnelles pour la vente et la reproduction et nos brebis ont pu avoir du temps avec leur progéniture. » Cependant, la Thônes et Marthod ayant un fort instinct maternel, il arrive que des brebis se tarissent au sevrage de l’agneau. « Nous souhaitons passer en Manech tête rousse par absorption, il y en a déjà environ 30 brebis que nous avons mises avec des béliers achetés directement dans les Pyrénées. »

Plus aucun concentré dans la ration

L’autre pavé dans la mare, c’est d’arrêter l’apport de concentrés dans la ration des brebis toute l’année. « Nous ne pouvions pas produire de céréales sur l’exploitation car nous avons une très grosse pression de sangliers dans la région. Nous achetions alors tous nos concentrés, soit entre sept et dix tonnes par an, et le coût alimentaire était excessivement élevé », argumente Raphaël Dubuis. Les éleveurs ont consenti à perdre en volume de lait. « Au final, on s’y retrouve car le lait est plus riche, plus fromageable. Nous faisons en moyenne un fromage de plus avec un litre de lait qu’avant avec la ration de concentrés. »

Grâce à cette concession, la bergerie de Morgelas est 100 % autonome sur l’alimentation des brebis. Le foin est issu d’une partie des 55 hectares de prairies permanentes et l’enrubannage est fait avec les cinq hectares de luzerne et de sainfoin. Seule la paille est encore achetée. Néanmoins, les éleveurs doivent faire preuve de toujours plus d’adaptation et fonctionnent en flux tendu. « Il y a de moins en moins d’herbe en été, nous nous posons la question s’il est toujours cohérent de faire du lait à cette période », doute Léa Dubuis. Pour Raphaël et Léa, les objectifs de travail et de vie sont clairs : limiter les frais, bloquer un peu les investissements tout en trouvant des solutions pour poursuivre leur route et de conduire leur troupeau en accord avec ce qui leur tient à cœur. « La biodynamie nous a ouvert les yeux, notre ferme, notre vie personnelle et notre environnement forment un ensemble où tout est lié. »

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