Aller au contenu principal

S’adapter au changement climatique en ovin viande dans le Sud-Ouest

Une diversité de leviers mis en place par les éleveurs du Sud-Ouest pour la sécurisation du système fourrager et sur la conduite du troupeau a été répertoriée dans le cadre d’une collaboration entre le projet européen LiveAdapt et le dispositif Inosys Réseaux d’élevage.

« Trouver des ressources pâturables toute l’année »

Thierry Chanut est éleveur d’agneaux d’herbe en plein air intégral en agriculture biologique dans le Lot. Le changement climatique se traduit sur l’exploitation par des épisodes de sécheresse qui impactent les luzernes et les prairies temporaires, phénomène d’autant plus problématique qu’il fait peu de stocks de foin, utilisé seulement si nécessaire en affouragement au pré.

Pour pallier ce manque de ressources l’été, Thierry Chanut a trouvé de nouvelles surfaces à pâturer : friches broyées où les brebis Causses du Lot peuvent valoriser les ligneux et pâturage de l’avoine. Il réfléchit également à faire pâturer les luzernes irriguées d’exploitations voisines. Les partenariats entre éleveurs et cultivateurs sont bénéfiques des deux côtés, en donnant accès à un large panel de fourrages qui sont fertilisés lors du passage des animaux. Pour un partenariat qui fonctionne, Camille Ducourtieux de la Chambre d’agriculture de Dordogne rappelle que « le dialogue est essentiel et les conditions de partenariat doivent être établies en amont de la pratique : calendrier prévisionnel de pâturage et d’interventions, anticipation des risques potentiels et mise à plat des coûts économiques engendrés. » Thierry Chanut pense aussi revoir son calendrier de production en passant en agnelage d’automne pour engraisser les agneaux à l’herbe à six ou sept mois. Dans ce système, le point de vigilance est le parasitisme, avec un suivi mensuel par coprologie.

« Optimiser la ressource fourragère »

Marie-Pierre Serrait et Victor Boudet sont naisseurs engraisseurs d’agneaux de bergerie sous le Label Rouge Agneau fermier du Quercy dans le Lot. Le changement climatique se traduit pour eux par une chaleur estivale marquée qui empêche tout pâturage entre le 15 juillet et le 15 octobre et impacte l’état corporel des animaux. Le pâturage est toutefois rendu possible pendant l’hiver grâce à des températures plus clémentes. Les animaux sortent donc de mars à mi-juillet pour préparer la mise bas de mai et la lutte se fait à l’herbe au mois d’août pour un agnelage en décembre. Les éleveurs distribuent en complément une ration de grains en bergerie. « Des mesures de la qualité de l’herbe (Brix pour les sucres rapides, les nitrates pour le taux de protéines, le pH et le potentiel redox) permettent d’assurer l’équilibre de la ration » rappelle Rodolphe Puig de la Chambre d’agriculture du Lot. Ils font également pâturer l’avoine en pure, qui résiste bien à la sécheresse avec un système racinaire profond et qui est appréciée des brebis au stade jeune. Le pâturage des céréales aide aussi à gérer les adventices et maladies et diminue le risque de verse. Ils ont également avancé les mises bas d’avril à février/mars pour éviter les fortes chaleurs. Enfin, ils ont investi dans des panneaux photovoltaïques pour sécuriser leurs revenus.

« S’adapter tout en étant acteur de la lutte contre le réchauffement climatique »

Émile Fabries est éleveur d’agneaux de bergerie sous label rouge Agneau fermier des pays d’Oc dans le Tarn. Le changement climatique se traduit chez lui par des températures plus élevées tout au long de l’année. La fenaison se fait quinze jours plus tôt et les stocks de printemps sont utilisés l’été en bâtiment, et l’hiver. Enfin, l’eau manque pour l’implantation estivale des dérobées. Émile Fabries a choisi d’implanter des légumineuses car elles stockent de l’azote, nécessitent peu d’intrants et limitent donc les rejets de gaz à effet de serre. La luzerne résiste à la sécheresse et est un bon précèdent pour céréales. La féverole est très appréciée par les brebis. L’éleveur ne pratique plus le labour mais utilise des couverts végétaux pour capter l’azote et stocker du carbone. Il a choisi « le sorgho qui fait des bons rendements de matière sèche et repart dès qu’il pleut, avec de la phacélie qui a un système racinaire qui structure le sol, ou du sarrasin, ça ne coûte pas cher et pousse l’été ». Il a isolé le toit de la bergerie, et gagne ainsi en confort thermique. Il réfléchit à l’installation de ventilateurs, notamment pour faciliter l’agnelage fin juillet. En effet, les températures sont difficilement supportables au-dessus de 25 °C pour les agneaux et 30 °C pour les brebis. Les brasseurs d’air présentent l’intérêt de diminuer la température ressentie et de chasser les mouches.

« Des couverts et du pâturage pour sécuriser le système fourrager »

Jérôme Mahuzies élève des agneaux de bergerie sous label rouge Agneau fermier des pays d’Oc dans le Tarn. Le changement climatique se traduit par un manque d’eau à partir de juillet. L’irrigation des couverts et le pâturage de ceux-ci sont devenus mission impossible et les animaux sont donc rentrés en bâtiment l’été. La bergerie est également trop chaude l’été et les agneaux en contre saison ont des problèmes pulmonaires, entraînant une surmortalité saisonnière. Jérôme Mahuzies réfléchit donc au réaménagement de son bâtiment pour pouvoir continuer à faire des agneaux en contre-saison. Pour compenser le manque de fourrage en été, l’éleveur implante des couverts qui préparent aussi le sol avant l’implantation de céréales. Composés de trèfle d’Alexandrie, d’avoine diploïde et de colza fourrager, ils sont pâturés en août et septembre. Pour être plus autonome en protéines, il envisage de faire de la luzerne irriguée. Il réfléchit aussi à créer un petit lac pour stocker l’eau résultant des pluies hivernales et ainsi irriguer les couverts. Les brebis sortent dès février pour augmenter leur temps de pâturage. La révision des calendriers de pâturage devient nécessaire avec le changement climatique : « il faut décaler autant que possible la saison de pâturage en automne hiver et éviter le gaspillage de l’herbe au printemps (avec du pâturage tournant dynamique par exemple) » explique Anne-Julie Métivier de la Maison de l’Élevage du Tarn. Cette modification du calendrier est facilitée en système ovin car les brebis peuvent sortir sur des prairies humides malgré une portance limitée des sols et valorisent bien l’herbe même si elle est courte.

Côté biblio

Les fiches détaillées par exploitation sont à retrouver sur idele.fr > Adaptation au changement climatique et gestion des aléas : témoignages d’éleveurs, rédigées par Soline Schetelat d’Idele, en collaboration avec Camille Ducourtieux de la Chambre d’agriculture de Dordogne, Rodolphe Puig de la Chambre d’agriculture du Lot, Aurélie Madrid d’Idele et Anne-Julie Metivier de la Maison de l’élevage du Tarn.

Les plus lus

Agneaux à l'engraissement en Afrique du Sud
De l’intérêt des levures dans la ration des brebis et des agneaux
Le fabricant de levures Lallemand présentait une série d’études confirmant l’intérêt de l’ajout de levures vivantes dans la…
<em class="placeholder">Florent et Charles Souyris et Philippe Galtier, Gaec de Cuzomes</em>
Aveyron - « Nous avons investi pour travailler 35 heures par semaine dans notre élevage ovin »
Dans l’Aveyron, les trois associés du Gaec de Cuzomes montrent comment ils ont optimisé la productivité du travail et la…
<em class="placeholder">Mathilde Poulet</em>
« Je travaille comme technico-commerciale avant de m’installer en élevage ovin »
Prendre son temps pour construire un projet viable et profiter de l’expérience du terrain en amont, voilà les objectifs de…
Manon Fleuroux élève un troupeau de 60 brebis
« Nous devons nous réapproprier la mort de nos animaux »
Manon Fleuroux élève un troupeau de 60 brebis à Montréal dans l’Aude et est engagée dans la création d’un abattoir mobile. Suivie…
Samuel Bulot, président de l’Institut de l’élevage.
« L’Institut de l’élevage doit venir dans les cours des fermes »
Samuel Bulot a été élu président de l’Institut de l’élevage le 13 juin. Éleveur laitier bio en Côte-d’Or, il mesure l’…
Ludovic Gilbert et Théo Haller
"Reprendre la ferme de papy, du rêve à la réalité"
Depuis son enfance, Théo Haller a rêvé de reprendre l’exploitation de son grand-père maternel décédé lorsqu’il avait dix ans,…
Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir Pâtre
Consultez les revues Réussir Pâtre au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Réussir Pâtre