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Maison de la transhumance
Qui sont les éleveurs herbassiers de Provence-Alpes-Côte-d’Azur ?

Sans terre, les éleveurs herbassiers cherchent en permanence de l’herbe pour leur troupeau. Ils se stabilisent quand ils peuvent et attendent une meilleure reconnaissance.

Les herbassiers sont des éleveurs ovins viande sans terre du sud-est de la France, dans le Var et les Bouches-du-Rhône majoritairement, qui circulent de place en place de pâturage, de la plaine à la montagne, tout au long de l’année. En Crau, les élevages mobilisent surtout les regains de prairies irriguées appelés localement quatrièmes coupes à l’automne et en hiver, et les coussouls (sections de pâturage dans la Crau sèche) au printemps. Pendant cette saison, certains herbassiers complètent le pâturage par des herbes de printemps, des avoines ou orges semées dès le mois de septembre et consommées à un stade herbacé après l’hiver. Les troupeaux des herbassiers varois pâturent des restoubles (champs moissonnés dont il ne reste que les chaumes, parfois sursemés afin de produire une pâture plus abondante), des campas (champs en friches et de faible qualité), des vignes à l’automne et en hiver et surtout des parcours boisés pendant l’hiver et au printemps. De ce fait, les systèmes herbassiers correspondent à une forme d’élevage pastoral d’intérêt pour l’entretien des paysages, la défense des forêts contre les incendies et le maintien de la biodiversité végétale et animale.

Des éleveurs sans terre mais pas sans savoir

L’accès au foncier repose essentiellement sur des accords oraux et des conventions pluriannuelles de pâturage dans des espaces où le multiusage est caractéristique (chasse, tourisme, agriculture). L’association de l’élevage et des productions végétales crée des synergies qui permettent d’améliorer la durabilité des deux parties (bouclage des cycles des nutriments, résilience face aux aléas climatiques et de marché…). Le couplage de ces activités, notamment dans le cadre de l’élevage herbassier, apparaît donc comme prometteur voire nécessaire pour répondre aux enjeux actuels de sécurité alimentaire et d’engagement dans la transition agroécologique. De plus, les systèmes herbassiers présentent peu de capital à acquérir en dehors du troupeau (brebis Mérinos d’Arles ou Mourerous généralement) et du minimum d’équipement nécessaire (véhicules et petit matériel). Ainsi, ils sont considérés comme une voie d’installation privilégiée, en particulier hors cadre familial. Le terme « installation » s’entend ici davantage comme le fait de se mettre à son compte que comme une stabilisation géographique qui s’oppose au concept d’herbassier. Néanmoins, il existe un certain flou sur la définition d’herbassier en termes du degré de mobilité des troupeaux et de modalités d’accès au foncier qui rend difficile l’estimation du nombre d’éleveurs considérés comme tel.

Une étude sur les herbassiers du Sud-Est

Du fait de leur fonctionnement bien particulier, les systèmes herbassiers sont fragilisés par un contexte technique, juridique et politique adapté à d’autres modèles d’élevage. Pour que leur activité perdure, il est primordial de soutenir ces éleveurs et de faire reconnaître leur contribution à l’intérêt général. Faute d’informations récentes, la Maison de la transhumance, à Salon-de-Provence dans les Bouches-du-Rhône, a étudié les herbassiers du sud-est de la France et les a comparés avec les bergers sans terre des Pyrénées-Atlantiques et les pastori vaganti d’Italie du Nord. En parallèle de recherches bibliographiques sur ces trois modèles d’élevage, la réalisation d’entretiens avec quatorze personnes-ressources (Cerpam et Maison régionale de l’élevage notamment) a conduit à l’identification, entre autres, de quinze éleveurs anciennement ou actuellement herbassiers qui ont été rencontrés. Les entretiens effectués portaient sur la trajectoire de vie des herbassiers, le fonctionnement technique de leur élevage et les difficultés auxquels ils font face.

Dans la plaine de Crau ou dans des élevages plus économes

Par rapport aux années quatre-vingt-dix, le profil des herbassiers a changé : on retrouve davantage de familles avec enfants, moins itinérantes. Historiquement, les herbassiers constituaient progressivement leur troupeau en échange du gardiennage de celui d’un autre éleveur. L’achat de lots de brebis est maintenant plus fréquent qu’il y a trente ans et cette pratique est en déclin. Les circuits de commercialisation semblent plus variés au sein d’un élevage et souvent orientés en partie vers de la vente directe. D’après les enquêtes, il existe deux grandes stratégies de production qui dépendent de la localisation des élevages. Les éleveurs de la plaine de Crau mobilisent davantage de prairies cultivées (quatrièmes coupes) dont les parcelles sont de taille importante. Les coûts d’achat d’herbe sur pied sont ainsi plus élevés mais la facilité de gestion en parcs (filets mobiles) et la qualité de la ressource alimentaire permettent de produire un nombre d’agneaux par actif relativement élevé. Dans le reste de la région, le modèle herbassier se base davantage sur des troupeaux de taille moindre, dont l’élevage demande peu de dépenses (accès aux places de pâturage qui se rapproche de la gratuité, déplacements à pied) et qui génère davantage de valeur ajoutée par agneau (vente directe et pour la reproduction). Ces deux tendances se déclinent sous différentes formes en fonction des milieux disponibles (collines ou prés) et des affinités pour un mode de gestion (gardiennage ou conduite en parcs), des circuits de commercialisation et pour la mobilité.

Une itinérance à la recherche de l’herbe

Généralement, les herbassiers tendent à se stabiliser au cours de leur vie. Les deux causes majeures sont la mise en place de partenariats souvent informels mais durables avec des agriculteurs et des propriétaires terriens mais aussi des changements de contexte familial. Barbara Van Daële et Vincent Diemert évoquent leurs débuts dans les Bouches-du-Rhône : « T’as pas d’autres plans que les plans que tu vas trouver au fur et à mesure. Tous les jours on cherchait de l’herbe, tous les jours on trouvait de l’herbe ». Puis le circuit de pâturage se stabilise et des accords plus formels se mettent en place : « Au bout d’un moment, c’est plus vraiment herbassier. Tu commences à avoir des arrangements avec la commune, avec le département. Ça restera toujours un peu un truc d’herbassier parce que la majorité des endroits où tu vas, t’as pas d’accords, t’as pas de papiers, tu sais même pas à qui c’est mais c’est quand même pas tout-à-fait pareil que certains types qu’on connaît qui savent pas où ils vont l’année d’après parce qu’aussi ça leur plaît ». On retrouve l’idée que l’itinérance ou la stabilisation des herbassiers dépend aussi des affinités de chacun pour un mode de vie. Barbara ajoute : « L’herbe c’est un peu une maladie ». Néanmoins, le couple considère que la situation d’herbassier est éphémère : « C’est vraiment un truc opportuniste quoi, ça dure le temps que ça dure ».

Lors des entretiens, un besoin de communication important auprès des organismes agricoles et des collectivités territoriales sur l’élevage herbassier a été identifié. À court terme, la création d’une brochure informative à destination de ces acteurs constituerait une première étape vers une meilleure prise en compte de ces systèmes et de leurs particularités dans les démarches administratives. Dans le même sens, une rencontre régionale dans un élevage herbassier serait envisageable pour faire interagir les acteurs du pastoralisme de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. La Maison de la transhumance, la Maison régionale de l’élevage, le Cerpam et l’Association des communes pastorales Sud Paca, notamment, pourraient être associés dans ces démarches de communication. À moyen terme, la création de Groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE) semble être une piste intéressante pour consolider les partenariats entre les herbassiers et les agriculteurs et ainsi sécuriser l’accès à une partie des places de pâturage.

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