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Dans le Gard
L’abattoir du Vigan relancé par une « start-up » d’éleveurs

Suite à sa fermeture, un groupe d’éleveurs s’est constitué en coopérative pour reprendre la gestion de l’abattoir du Vigan dédié aux circuits courts. Ils assurent eux-mêmes le fonctionnement.

Quelle meilleure réponse aux antiviande qui ont condamné à mort le plus petit abattoir de France ? S’unir pour le relancer. Huit mois après la vidéo de L214 (février 2016), l’abattoir du Vigan dans le Gard fermait ses portes. Après quinze années de gestion difficile, la Communauté de communes du pays viganais jetait l’éponge. Une catastrophe pour les producteurs cévenols (bovin, ovin, porcin, caprin), trop éloignés d’autres abattoirs. « L’abattoir était un acteur économique essentiel pour l’agriculture de nos régions basée sur le pastoralisme et la vente directe, explique Stéphane Thiry, éleveur de bovins viande. Équipée d’une salle de découpe et offrant différents services, l’outil était tout à fait adapté à nos besoins ». Il est désormais le gérant de la Coopérative bouchère paysanne qui a repris l’abattoir et l’a remis en activité le 20 mai 2018. Dès sa fermeture, en octobre 2016, une vingtaine de producteurs ont constitué un collectif pour en reprendre la gestion. Après quelques péripéties administratives et un appel d’offres européen, ils ont pu signer un bail emphytéotique de 18 ans. Le loyer est de 1 000 euros par mois. Il a fallu trois mois pour le remettre en route et obtenir l’agrément sanitaire. L’abattoir n’a pas de salarié. Son fonctionnement est assuré par les éleveurs coopérateurs rémunérés à la tâche.

Une attention particulière au respect de l’animal

Les éleveurs tacherons volontaires ont obtenu le certificat de compétences pour manipuler les animaux vivants en abattoir. Habilités pour assurer toutes les tâches jusqu’à la mort de l’animal, ils sont une vingtaine à tourner sur les différents postes (réception des animaux, bouverie, étourdissement, saignée, habillage, éviscération, pesée) selon leurs disponibilités. Ayant le statut de tâcheron, ils viennent avec leur matériel (bottes, couteaux, fusil…) hormis les vêtements. « Nous portons une attention toute particulière au risque de reprise de conscience, assure Stéphane Thiry. Du moment où l’animal est étourdi jusqu’à sa mort, une personne surveille tout au long du mode opératoire qu’il n’y ait pas de reprise de conscience. Si nécessaire, un moyen alternatif est mis en œuvre immédiatement. Nous avons vraiment mis l’accent sur le respect de l’animal. » La coopérative s’est assurée l’appui d’une éthologue (spécialiste du comportement animal) pour concevoir le parcours des animaux (bruit, lumière, température, couleur des matériaux, tenues vestimentaires, rideaux occultants, tapis de sol…).

Un abattage par semaine pour toutes les espèces

Une des éleveurs tâcherons avait déjà travaillé en abattoir. Il a formé ses collègues, qui ont aussi suivi une formation en hygiène. « Nous avons été bien épaulés par la DPPP (services sanitaires), ajoute-t-il. Nous avions le même objectif de bien faire les choses et de placer la barre très haut. » La coopérative se veut exemplaire également sur les aspects environnementaux. « Nous avons pris une société qui fournit de l’énergie verte et locale et nous réduisons au maximum les consommations d’énergie. Nous travaillons aussi sur la réduction de l’usage des plastiques. Les déchets sont recyclés à 70 % par le biais d’un élevage canin », explique le gérant.

Un abattage est effectué tous les mardis pour toutes les espèces. Selon les volumes, six à huit personnes interviennent sur l’ensemble de la chaîne. « Ça nous prend beaucoup de temps et ça impacte le travail sur nos exploitations, explique le gérant. Ceux qui viennent travailler à l’abattoir sont très investis. » Lui-même y consacre deux jours et demi par semaine et a dû prendre un salarié sur son exploitation. Le travail administratif est très lourd. Les tâcherons sont rémunérés selon le nombre de bêtes abattues. La somme totale est répartie entre toutes les personnes présentes. Et, ils bénéficient d’un tarif préférentiel pour l’abattage de leurs animaux. La découpe, lorsqu’elle est réalisée à l’abattoir (le jeudi), est effectuée en prestation de service par un boucher.

Doubler le volume d’activité

Après deux ans de fonctionnement, la situation reste fragile. Les frais de mise en route ont été importants car du matériel s’était dégradé suite au manque d’entretien et à la fermeture prolongée. Tout le capital social (17 000 €) y a été investi. La coopérative a bénéficié d’une aide au développement de la vente directe, sur fonds européens, pour financer un consultant pendant la phase de construction du projet. Mais, rien de plus. L’abattoir traitait 200 tonnes par an avant sa fermeture (jusqu’à 500 t au plus fort de l’activité). Sur le dernier exercice, le volume a atteint 55 tonnes (21 t de porcs, 19 t d’agneaux, 12 t de bovins, 3 t de chevreaux) et le compte d’exploitation est quasiment à l’équilibre. « Idéalement, il faudrait doubler ce volume, calcule Stéphane Thiry. Il y a du potentiel, surtout en porcs. Nous gagnons de nouveaux clients chaque semaine. À la fermeture, beaucoup d’éleveurs s’étaient réorganisés autrement voire avaient arrêté la vente directe. Nous croyons au projet. Nous sommes une start-up. » Un projet d’atelier de transformation (charcuterie) et de marque d’identification des produits au territoire cévenol est à l’étude. Un réseau d’abattoirs, dans lesquels sont impliqués des producteurs, est en cours de constitution, avec l’idée de créer un label « Abattage paysan » pour « faire reconnaître auprès des consommateurs les efforts que nous faisons », dévoile Stéphane Thiry.

Soutien d’une association de protection de la nature

La coopérative bouchère paysanne, qui a opté pour le statut de SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif constituée sous forme de SARL), regroupe 85 producteurs dont plus de la moitié en ovins. Parmi les adhérents, il y a aussi des consommateurs, la chambre d’agriculture et une association de protection de la nature - Goupil Connexion -, spécialisée dans la faune sauvage et qui « a fait le choix de travailler quotidiennement avec [les éleveurs] afin de promouvoir le lien qui les unit au territoire et à la faune sauvage locale. Les troupeaux et les hommes sont des acteurs, souvent sans le savoir, de la magnifique diversité biologique de nos territoires. » L’association assure le recyclage d’une partie des déchets de l’abattoir (10 %) par des vautours.

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