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La maîtrise des boiteries, c’est possible 

Diminuer de moitié les boiteries est un objectif atteignable. La preuve, les Anglais y sont parvenus !

Un parcours humide ou difficile augmente le risque de boiteries. © D. Hardy
Un parcours humide ou difficile augmente le risque de boiteries.
© D. Hardy

Au Royaume-Uni, les boiteries sont une préoccupation majeure. En 2004, la prévalence troupeau de la boiterie était de plus de 97 % avec en moyenne 10 % d’animaux atteints par élevage. Les Anglais ont voulu éradiquer cette maladie et se sont fixés pour objectif de réduire de moitié le nombre de boiteries en 10 ans. L’objectif a été largement atteint grâce à la mise en place d’un plan de lutte national et à son strict respect par les éleveurs. La filière ovine anglaise a donc continué sur sa lancée et a fixé les objectifs de passer sur la barre des 5 % de prévalence troupeau en 2016 et sous les 2 % d’ici 2021.

Cette forte mobilisation autour des boiteries est motivée d’une part par l’aspect bien-être animal, car cette affection cause beaucoup de douleur pour le sujet atteint, et d’autre part à travers la considération économique. Des experts anglais ont évalué que le coût des boiteries pour la filière ovine avoisinait les 95 millions d’euros par an. En effet, les boiteries provoquent une baisse de productivité pouvant atteindre 18 % à laquelle s’ajoutent une croissance plus lente des agneaux et une accélération des réformes. Le plan de lutte anglais s’articule autour de cinq axes : la quarantaine, la gestion des risques, le traitement des dermatites podales, la réforme et la vaccination. « Toute introduction de nouveaux animaux dans un troupeau n’est pas anodine, expliquait Raphaël Jacquet de MSD Santé animale lors de son intervention à Tech-ovin, il faut veiller à la bonne santé des animaux lors de l’achat, regarder l’état des pattes avant et arrières et refuser systématiquement l’entrée d’animaux boiteux sur la ferme ». Il est également essentiel d’observer un délai de quarantaine satisfaisant avant de mélanger les nouveaux animaux au troupeau ainsi que lors de l’isolement d’animaux boiteux. Il faut attendre la guérison complète de celui-ci avant sa réintroduction auprès de ses congénères.

Des pratiques à revoir pour maitriser les boiteries

Les Anglais n’ont pas ciblé seulement l’animal comme source et vecteur de contamination, mais ils ont également pris en compte l’environnement du troupeau et ont donné aux éleveurs des clés pour la gestion des facteurs de risques liés à la conduite d’élevage. La génétique est un levier que l’éleveur va pouvoir actionner, en favorisant des races plus résistantes, avec des bons aplombs. « Il faut veiller à fournir une alimentation bien équilibrée car une carence en telle ou telle chose peut entrainer une baisse d’immunité et favoriser le développement des maladies », poursuit Raphaël Jacquet. Il est nécessaire de surveiller la qualité des sols foulés par les animaux, si un parcours est à risque ou si une litière chauffe, il faut revoir ses pratiques. Certaines pratiques qui étaient jusqu’à récemment plébiscitées pour traiter les boiteries sont à oublier aujourd’hui. C’est le cas notamment du parage agressif qui visait jusqu’alors à éliminer les parties infectées avec un large périmètre de tissus sains. Cela risque au contraire d’aggraver la situation, premièrement en causant une souffrance très importante à l’animal, et deuxièmement en mettant à l’air libre des parties fragiles qui peuvent s’infecter à leur tour. La gestion des risques pointe également les facteurs extérieurs à l’élevage, notamment la météo. Cette variable est plus difficilement maitrisable pour l’éleveur mais sa surveillance doit être accrue lorsqu’il y a une hygrométrie importante par exemple, afin de détecter au plus tôt les infections.

Une réforme sévère préserve le troupeau

En effet, qu’il s’agisse de fourchet, de piétin ou de dermatite digitée contagieuse ovine (CODD), ces maladies sont particulièrement contagieuses au stade précoce et leur propagation peut être très rapide. « Si l’éleveur ne parvient pas à distinguer un piétin jeune d’un fourchet, ce qui arrive car il y a peu de différence, nous recommandons de traiter avec un pédiluve qui est alors efficace, mais seulement si le nombre d’animaux infectés n’est pas trop important », précise Raphaël Jacquet. Il existe en France un vaccin contre le piétin qui peut être utilisé en prévention ou en traitement. Les meilleurs résultats en vaccination sont obtenus lorsque l’ensemble du troupeau est inclus dans le programme de vaccination (y compris les béliers). Pour finir, Raphaël Jacquet insiste : « l’éleveur se doit d’être intransigeant sur ses réformes. Dès qu’un animal récidive dans la maladie, il faut à tout prix éviter que ce ne soit l’ensemble du troupeau qui se retrouve impacté ».

Une action limitée du pédiluve

Le pédiluve ne doit être utilisé que si toutes les bonnes conditions d’utilisation sont réunies. Il faut toujours garder à l’esprit que l’efficacité curative reste très limitée :

- Nettoyage impératif des pieds avant de passer dans le pédiluve
- Utiliser des produits adaptés et respecter les notices (ex. : sulfate de zinc à 15 % pendant 15 min dans 15 cm de hauteur de bain)
- Il faut faire passer en premiers les animaux les moins malades
- Après le passage dans le pédiluve, les animaux doivent se tenir debout pendant une vingtaine de minutes sur un sol bétonné sec.

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