Grand Angle Ovin zoome sur les enjeux environnementaux
Pour 2022, Grand Angle Ovin s’est paré de vert et a largement abordé le sujet des enjeux environnementaux et des adaptations de la filière ovine pour répondre à ces défis.
Le 12 mai, Grand Angle Ovin se tenait pour sa troisième édition à Paris, avec une transmission en direct dans quatre antennes de l’Institut de l’élevage. Dans la capitale, à Limoges (Haute-Vienne), Beaucouzé (Maine-et-Loire), Laxou (Meurthe-et-Moselle) et Castanet-Tolosan (Haute-Garonne), les participants ont apprécié les nombreuses présentations. Si la matinée était consacrée à l’économie de la filière et les pistes d’adaptation à l’inflation et aux conséquences de la guerre en Ukraine, l’après-midi était dédiée à l’environnement et à la proactivité de la filière ovine dans le domaine.
Les impacts de l’agroécologie sur le travail
Les modes de productions agricoles évoluent pour limiter les impacts sur l’environnement. « La mise en place de pratiques agroécologiques n’est pas neutre et influe sur la durabilité sociale de l’élevage », annonce Sophie Chauvat, de l’Institut de l’élevage. À l’échelle de l’exploitation, ces pratiques peuvent remettre en question la perception de son travail par l’éleveur, son organisation et l’équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privée. Avec des systèmes bas intrants, les éleveurs interrogés reconnaissent passer plus de temps à observer et à être présents au milieu de leurs animaux, sans que cela ne représente une surcharge de temps de travail. De même, si un éleveur décide de passer à davantage de pâturage dans son système, le travail change, avec moins de temps passé sur le tracteur, mais plus de surveillance et d’entretien des clôtures par exemple. « Globalement, la quantité de travail reste la même, mais de nouvelles tâches apparaissent tandis que d’autres diminuent ou disparaissent », reprend Sophie Chauvat. « On n’est plus dans l’application d’une recette, c’est un travail qui fait plus appel à nous-mêmes », témoigne un éleveur. Sans mode d’emploi prêt à l’usage, les éleveurs se sentent plus stimuler intellectuellement pour trouver des solutions sans les recours aux produits chimiques. Acquérir de nouvelles compétences représente un challenge plaisant pour ceux qui se lancent dans l’aventure : gestion de l’herbe, homéopathie, ostéopathie.
Une meilleure acceptation sociale et sociétale
La santé des éleveurs semble également impactée par le passage à des pratiques plus en accord avec la protection de l’environnement. « La baisse d’utilisation de produits chimiques procure un sentiment de meilleure santé physique », explique la chargée d’études sociologiques. Pour autant, les éleveurs qui s’investissent dans les pratiques agroécologiques peuvent ressentir un stress dû à l’absence partielle de maîtrise face aux aléas climatiques, qui pouvaient dans certains cas être jugulés par les intrants de synthèse. La reconnaissance de la société, avec l’impression d’être « moins pollueur » participe également au bien-être de l’éleveur.
Enfin, sur une échelle plus grande, les élevages participent à l’économie de leur territoire qui est perçu comme une ressource exploitable. La densité de population et l’attrait touristique d’une région vont impacter directement la vente directe ainsi que le dynamisme de l’emploi local. Enfin, un éleveur qui se lance dans les pratiques agroécologiques va devancer les demandes de son voisinage, la cohabitation, notamment avec des néoruraux ne se passera que mieux. « Il faut se mettre à l’écoute des gens. Ne pas se croire en terrain conquis », témoigne un éleveur.
L’efficience alimentaire comme critère de sélection
Et en effet, le terrain de l’environnement est loin d’être conquis. Les professionnels de la filière ovine ont cependant pris les devants pour intégrer cette dimension dans un grand nombre d’études et de travaux qui touchent en premier lieu la production mais aussi la transformation et la distribution.
Sindy Throude, spécialiste de l’évaluation environnementale à l’Institut de l’élevage, a présenté les démarches de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) dans les États partenaires de Greensheep. Ce projet européen a pour ambition de faire diminuer de 12 % les émissions de GES en élevage ovin laitier et allaitant d’ici 10 ans. Cinq pays ont pris part à l’aventure. La France et l’Irlande (voir ci-dessous) sont les deux pays les plus en avance sur la question avec des démarches touchant spécifiquement l’élevage ovin.
En France, les leviers sont nombreux. Des surfaces additionnelles pour limiter le recours aux intrants chimiques jusqu’à la génétique, aucune piste n’est laissée de côté. « Si on arrive, grâce à la sélection, à rendre les brebis laitières plus efficientes et qu’avec 100 grammes de concentrés en moins dans la ration, elles parviennent à maintenir leur niveau de production, imaginez l’économie à l’échelle de la filière », insiste Gilles Lagriffoul, de l’Institut de l’élevage. L’efficience alimentaire semblerait être, d’après le projet Smarter, un caractère héritable en sélection génétique.
L’éleveur ne doit pas être seul face à ces modifications
« L’élevage ovin doit faire face à de nombreux défis qu’il lui faut surmonter. Nous avons besoin de tous les éleveurs et de tous les systèmes, conclut Brigitte Singla, éleveuse de brebis laitières et secrétaire générale de la FNO. Il faut savoir être pragmatique, coller avec le besoin d’efficience et les contraintes du terrain. On ne peut pas demander que l’éleveur courbe toujours l’échine et qu’on lui dise « fais comme ça ou comme ça ». La société veut plus de pâturage, et nous entendons cette demande, mais comment faire avec la prédation ? Il faut définir ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Les éleveurs ne doivent pas rester seuls face à toutes ces modifications ».
L’Irlande, aux origines du vert
Le programme Origin Green a permis aux éleveurs irlandais d’anticiper les demandes environnementales des acheteurs de viande à l’export.
Avec 90 % de leur viande qui est exportée, les Irlandais sont à l’écoute des exigences de leurs acheteurs et des tendances de consommation. Dès 2012, l’État a mis en place le programme Origin Green, qui prône la durabilité de la production agroalimentaire sur toute la chaîne de fabrication, du champ à l’assiette. « Il s’agit d’anticiper les grands groupes internationaux qui mettent en place des démarches RSE (responsabilité sociétale des entreprises) », appuie Germain Milet, de Bord Bia, l’interprofession de la viande irlandaise.
Un label qui pourrait devenir obligatoire
La troupe ovine nationale est en croissance (+ 4 % en nombre de brebis entre 2020 et 2021) et les élevages ovins irlandais sont majoritairement identifiés à deux systèmes calés sur la pousse de l’herbe : agneau des plaines et agneau des collines. La production est donc compétitive mais en cohérence avec une approche environnementale. « L’adhésion au programme Origin Green est d’ores et déjà une condition sine qua none pour accéder à certains marchés à l’export, souligne Germain Milet. Il est très probable que le label devienne une norme pour tous les élevages irlandais dans quelque temps. » Seulement 55 % des élevages ovins irlandais sont aujourd’hui adhérents à Origin Green (contre plus de 90 % pour les filières bovines) mais cette proportion sera donc très vraisemblablement amenée à augmenter. Les élevages sont audités tous les 18 mois et différents paramètres zootechniques sont alors vérifiés : pâturage, logement des animaux, âge à l’abattage, renouvellement du troupeau. La gestion du sol et des surfaces passe également au crible via des analyses ou le renouvellement des prairies. À la suite de quoi l’éleveur reçoit un rapport détaillant son bilan carbone et les émissions de gaz à effet de serre de son élevage. Il peut comparer ses résultats grâce à des données de groupes sur plusieurs indicateurs tels que l’usage d’engrais, la gestion des pâturages ou l’usage de concentrés.