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France Brebis laitière : "Cinq euros pour 200 g d'ossau-iraty, ça ne passe pas"

L’association interprofessionnelle de la filière ovin lait a profité du Salon international de l’agriculture pour faire passer des messages d’urgence sur la perte de revenus des producteurs français.

France Brebis laitière cherche du revenu pour les producteurs
© B. Morel

« Depuis deux ans, nos demandes d’aides au ministère restent sans réponse. » C’est avec dépit et colère que Sébastien Rossi, président de France Brebis laitière, rappelle la situation très tendue dans laquelle se trouve la filière ovin lait, lors d’un moment convivial organisé par l’association le 28 février, profitant du Salon international de l’agriculture.

Si les laiteries ont réussi à combler un peu les trous dans la trésorerie des éleveurs, causés par l’inflation, l’augmentation du prix du lait atteint un palier. « La consommation des fromages au lait de brebis a perdu 10 à 12 % en 2023, explique l’éleveur de brebis laitières corse. Avec moins de ventes, donc moins d’argent qui entre, les entreprises ne peuvent pas continuer éternellement à mettre la main au portefeuille. D’où la demande d’aide publique. »

30 % d’augmentation du prix du lait nécessaire

Les entreprises laitières ont en moyenne passer des hausses de 20 à 25 % du prix du lait, mais selon les professionnels, il faudrait au moins 30 % d’augmentation pour permettre aux producteurs de vivre de leur métier.

Deux facteurs expliquent la baisse globale de consommation en France, selon Jean-Marc Chayrigues, vice-président de l’association interprofessionnelle. « La baisse du pouvoir d’achat écarte les fromages au lait de brebis et les produits non essentiels du panier des Français et l’augmentation du prix du lait occasionne un effet de seuil, au-dessus duquel les consommateurs ne sont pas disposés à payer. Par exemple, la portion de 200 g d’Ossau-Iraty à plus de cinq euros, cela ne passe pas. »

Une rémunération juste pour vivre du métier

 

 
Sébastien Rossi, président de France Brebis laitière et éleveur en Corse s'inquiète du manque d'attractivité de cette production.
Sébastien Rossi, président de France Brebis laitière et éleveur en Corse s'inquiète du manque d'attractivité de cette production. © B. Morel

Sébastien Rossi s’inquiète du péril face auquel se trouve la filière ovin lait française, avec un manque de renouvellement des générations, très peu d’installations avec en principale cause, le manque d’attractivité du métier. « On ne veut pas entendre parler d’un revenu minimum comme cela a été proposé et débattu par le président de la République, insiste le président de France Brebis laitière. Nous voulons être rémunérés au juste prix, celui qui nous fait vivre et qui nous permette de nous améliorer. »

Il revient sur les nombreuses attentes sociétales visant des productions animales. « Certaines enseignes de la grande distribution vont communiquer sur telle ou telle pratique jugée vertueuse, sans pour autant demander leur positionnement aux éleveurs. Nous voulons également avancer mais il faut se concerter pour cela. » Il rappelle que toute mise en œuvre de nouvelles pratiques a un coût et doit être aidée et réfléchie collégialement.

Fromages de brebis bio : grisaille en industrie, beau fixe pour l’artisanat

Le Salon du fromage et des produits laitiers se tient du 25 au 27 février en parallèle du Salon international de l’agriculture à Paris. Les fabrications à base de lait de brebis sont dynamiques, malgré l’inflation qui impacte la consommation.

« Pour le lait de brebis bio, il faut être au bon endroit, au bon moment. » La fromagerie Le Bec, en Bretagne, élargit année après année son offre de fromages et yaourts au lait de brebis bio, qui trouve sa clientèle. Les professionnels des filières laitières françaises et internationales se retrouvent tous les deux ans au Salon du fromage et des produits laitiers, pour trois jours de rencontres, de business et d’échanges commerciaux à Paris, en parallèle du Salon international de l’agriculture.

Les producteurs, laiteries et fromageries spécialistes du lait de brebis sont optimistes quant à l’avenir de la filière bio. « Le lait de brebis est déjà un marché de niche, le bio plus encore, souligne Gilles Fabre, de la laiterie éponyme, située en Aveyron. Nous travaillons essentiellement avec le groupe Biocoop et nous pratiquons des prix très raisonnables, cela nous évite de sortir du panier des consommateurs. »

Des produits à forte valeur ajoutée

Le peu de disponibilité de lait de brebis bio sur le marché français permet aux fabricants et à la distribution de fonctionner quasiment en flux tendu. « Notre gamme bio est en plein développement, un peu à contre-courant de la tendance nationale, reconnaît Vincent Pratlong, gérant de la fromagerie du Fédou, en Lozère. Ce qui prime avant tout, c’est la qualité de nos fromages, c’est là-dessus que comptent nos clients, avant même le label bio. »

 

 
Jean-Marc Chayrigues, vice-président de France Brebis laitière,  souligne les efforts faits par les laiteries pour soutenir le revenu des producteurs.
Jean-Marc Chayrigues, vice-président de France Brebis laitière, souligne les efforts faits par les laiteries pour soutenir le revenu des producteurs. © B. Morel

La moitié des éleveurs qui livrent la fromagerie du Fédou produisent du lait de brebis bio. « Les autres, en conventionnel, ont des pratiques très proches du bio, la seule différence va principalement porter sur la fertilisation des sols. Nous portons un message de naturalité de nos produits en accord avec notre terroir. » Des produits à forte valeur ajoutée et en petit volume permettent ainsi de soutenir la filière laitière ovine bio.

L’industrie subit de plein fouet l’inflation

Un crémier tempère : « Dès qu’on parle de bio industriel, là, le marché n’est plus le même est c’est beaucoup plus compliqué. » Jean-Marc Chayrigues, de France Brebis laitière, renchérit : « En brebis laitière, et particulièrement en bio, on distingue deux circuits de commercialisation dont les tendances sont opposées. D’une part, les circuits courts, avec des entreprises artisanales et des petits volumes placés sur des marchés de niche n’enregistrent pas ou peu de perte de consommation et d’autre part, la grande distribution souffre beaucoup plus violemment du contexte inflationniste, avec un choix plus drastique effectué par les Français sur les produits de consommation courante. » Les industriels espèrent dans les prochains mois un retour du pouvoir d’achat pour leurs concitoyens.

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