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"En investissant 350 000 euros, nous avons sécurisé notre revenu et retrouvé de la sérénité en passant des vaches allaitantes aux brebis laitières"

Le Gaec des causses de Magrin, à Gabriac en Aveyron, vient de terminer sa toute première campagne laitière. Cette exploitation familiale, traditionnellement spécialisée en bovins allaitants, a misé sur la brebis laitière pour sécuriser son revenu.

Christine et Hervé Bessière sont époux et associés, à la tête d’un cheptel de 350 brebis lacaunes qui produisent du lait pour la filière roquefort, transformé par la laiterie Gabriel Coulet. Jusqu’en 2022, le Gaec des causses de Magrin élevait 63 vaches limousines sur une surface agricole utile (SAU) de 90 ha. Il produisait des broutards, des génisses destinées à la reproduction et des vaches engraissées pour une boucherie locale. Hervé Bessière s’est installé en 1999 en reprenant une ferme voisine, dont il a conservé pendant dix ans le troupeau de brebis viande, lui conférant ainsi une solide expérience en élevage ovin. Son épouse Christine l’a rejoint en 2016, à la suite d’une carrière de technicienne ovine, au sein de l’organisme Unotec.

Sécuriser pour mieux transmettre

« Nous avons sauté le pas de la conversion l’année dernière, après une réflexion finalement assez rapide », relate l’éleveuse. « Malgré une maîtrise des charges maximale et la recherche de valeur ajoutée, nous étions déçus par une marge insuffisante. Nous avons donc décidé de nous orienter vers le lait de brebis, en filière Roquefort pour bénéficier de la sécurité d’une filière de qualité, ce qui nous manquait en vache allaitante. Nous avons aussi pensé à la transmission. Nous avons trois filles. Si une ou plusieurs souhaitent reprendre, nous leur laisserons un outil plus sécurisé, avec un cheptel mieux adapté à la main-d’œuvre féminine. » Le couple a été accompagné par Unotec afin de réaliser cette transition.

De la stabulation à la bergerie

Pour le logement des brebis, la stabulation des vaches, construite en 2012 sur une surface de 918 m², a été totalement repensée. « Nous avons tout cassé à l’intérieur pour repartir de zéro », relate Hervé Bessière. Ainsi, sans extension, le bâtiment abrite aujourd’hui quatre aires paillées, trois tapis, une salle de traite et un tank. Avec un potentiel maximal de 467 individus, la nouvelle bergerie accueille toutes les brebis en lactation, et les agnelles avec une aire dédiée. Selon Vincent Vaysset, le technicien d’Unotec qui suit l’élevage, « le point fort de la stabulation est sa bonne isolation. Cela a permis de ne pas avoir à financer de travaux sur la structure du bâtiment. Une ventilation mécanique a juste été installée, pour aérer l’été et lutter contre l’humidité l’hiver ». Les autres investissements étaient liés à la mise aux normes, avec la création d’une fumière et l’installation d’une poche pour récupérer les jus et les eaux blanches, ainsi qu’à la création de cellules de stockage.

Une transition bien organisée

Les événements se sont plutôt bien enchaînés. Les agnelles sont arrivées en décembre 2021, logées momentanément dans la vieille étable de la ferme. Les travaux dans la future bergerie ont démarré en mai 2022, après la mise à l’herbe du troupeau de vaches, vendues à l’automne, sauf quinze qui restent sur l’exploitation. La campagne de traite a commencé le 3 novembre pour se finir le 26 juin. « Au niveau de la salle de traite, nous avons commencé les travaux de maçonnerie en juillet pour une livraison de la machine à traire 24 postes le 10 octobre », explique Christine Bessière.

Un assolement inchangé

Côté sol, les exploitants n’ont pas vraiment modifié leur assolement. L’exploitation comporte beaucoup de prairies naturelles, s’étendant sur 60 ha. Sur les 30 ha de terres arables, cinq servent à la production d’orge d’hiver, le reste produit du foin de mélange luzerne-dactyle et de l’enrubannage à base de ray-grass et trèfle. « Nous avons juste ajouté des légumineuses dans l’assolement », confie Hervé Bessière. En outre, les brebis pâturent au fil, sur sept hectares au printemps, puis sur 30 ha après les récoltes. Une quinzaine de vaches sont toujours présentes sur l’exploitation, valorisant les prairies trop éloignées pour les brebis. « La grande part de prairies naturelles est un atout plutôt qu’un handicap surtout avec le réchauffement climatique », estime Christine Bessière. « Nous produisons du lait avec des charges assez faibles grâce à la qualité de notre herbe. Le pâturage des brebis va en plus améliorer la flore de nos prairies, car elles font moins de dégâts que les vaches et nettoient beaucoup mieux. »

Une première campagne encourageante

Christine et Hervé Bessière se sont fixés des objectifs précis en se lançant dans le lait de brebis. « Nous visons d’augmenter notre excédent brut d'exploitation [EBE] de 20 000 euros avec un objectif de production de 320 à 330 litres par brebis, sans dépasser 35 % de charges alimentaires. » À ce jour, le bilan comptable n’est pas encore disponible, mais les objectifs techniques sont atteints, voire dépassés. Il faut dire que le couple a misé sur la génétique. « Nous avons acheté les agnelles à la coopérative Ovitest pour nous assurer une excellente génétique et un statut sanitaire au top ! ». Dans le but de conserver le renouvellement tous les ans, avec un bon niveau de sélection, la majorité des brebis est inséminée. À la fin de la campagne, 317 brebis sont passées à la traite avec un rendement moyen de 298 l. « C’est un résultat qui se rapproche de la moyenne des brebis adultes du bassin. C’est donc excellent pour des jeunes en première lactation ! », remarque Vincent Vaysset. « La qualité du lait était aussi au rendez-vous avec des valeurs constamment au-dessus de la moyenne ». Avec 0,10 € de primes qualité, le lait du Gaec des causses de Magrin a été payé 1,23 €/l. « En production laitière, la qualité est enfin reconnue et rémunérée ! s’enthousiasme l’éleveuse. De plus, en sachant avant la campagne combien notre lait va être payé, nous avons gagné énormément en sérénité. C’est inestimable ! »

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