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Océane Balland, 21 ans, agricultrice : « je travaille 70 à 80 heures par semaine pour un revenu de 1500 euros »

Océane Balland, 21 ans, fille et petite-fille d'agriculteur, a repris la ferme familiale en Haute-Saône à 100% fin 2023. Passionnée par ce métier depuis toute petite, la jeune éleveuse se confie sur la réalité de son quotidien, ses revenus, ses peurs et ses projets d’avenir.

Océane Balland, jeune agricultrice, avec un veau charolais
Océane Balland, à la tête d'une exploitation de 250 vaches allaitantes en Haute-Saône
© Océane Balland

Vous avez repris la ferme familiale le 31 décembre comme ça se passe ?

Océane : J’avais repris 30% des parts l’an dernier et là j’ai repris la totalité. Mon père reste m’aider pour la paperasse.
 

Pouvez-vous me décrire votre exploitation ?

J’ai 260 bêtes dont 100 mères en vaches charolaises sur 250 hectares dont 140 hectares d’herbe. J’ai un salarié.

Voir nos articles sur l’installation

Vous aurez 22 ans le 29 mars comment qualifierez-vous votre quotidien aujourd’hui ?

C’est beaucoup de travail et pas beaucoup de temps pour moi. Mais je n’ai jamais pris de temps pour sortir même quand j’étais salariée sur l’exploitation. Depuis la reprise j’ai plus de décisions à prendre et l’administratif est plus prenant qu’auparavant. A tous les rendez-vous avec les banques, les conseillers, je dois être présente. Quand j’étais associée l’an passé je me permettais de m’absenter de ces rendez-vous pour aller nourrir les bêtes. Je voyais ça comme une perte de temps. 

Ce qui me pèse c’est l’administratif et les prix qui ne vont pas en ce moment

Il faut que j’apprenne à gérer mon emploi du temps. En même temps avec les animaux on ne peut rien prévoir. Ce qui me pèse c’est l’administratif et les prix qui ne vont pas en ce moment. C’est un métier très dur physiquement et je trouve qu’on est assez seuls, on n’est pas assez aidés, assez guidés sur le plan administratif.

Lire aussi : Océane Future agricultrice : « Il y a beaucoup trop de préjugés sur les femmes en agriculture »

Combien d’heures de travail réalisez-vous et pour quel revenu ?

Cette semaine, où les vêlages ont été un peu compliqués, j’ai travaillé plus de 85 heures. En général c’est plutôt entre 70 et 80 heures. Pour un revenu de 1500 euros, c’est plus que ce que j’avais imaginé. Mais sur 1500, 900 vont servir à la reprise des parts. Après les assurances et le crédit pour la maison il ne me reste presque plus rien.
 

Vous y étiez préparée ?

J’étais au courant, si on veut gagner de l’argent il ne faut pas faire ce métier, c’est un métier passion.
 

Vous sentez-vous en décalage par rapport aux jeunes de votre âge ?

Je me sens en décalage mais j’assume. Je sors peu, j’ai peu de vacances, pas de week-end. J’ai perdu certains amis qui ne comprenaient pas la contrainte des vêlages.

Lire aussi : Installation en bovins viande : « J’ai dû adapter mon projet bâtiment au contexte économique »

Comment appréhendez-vous l’avenir avez-vous des projets sur l’exploitation ?

Pour l’instant je reste tel quel, mais j’ai le projet de réduire le nombre de vaches pour en avoir de plus jolies et de plus calmes. Ca fait deux trois ans que je travaille sur les génisses en restant un maximum avec elles pour un gain de temps au vêlage et pour la suite. Quand une vache ne laisse pas téter le veau, c’est compliqué il faut utiliser les cornadis, attacher la patte, cela demande beaucoup de temps. 

J’ai le projet de réduire le nombre de vaches pour en avoir de plus jolies et plus calmes

Et depuis cet hiver, je ne donne plus à manger aux vaches qu’une fois le dimanche (au lieu de deux) pour avoir un peu plus de temps et privilégier ma santé. Ca fait mal au ventre de ne pas avoir le temps pour son conjoint ou voir ses parents. Je n’ai vu aucune différence sur le poids ou le comportement des vaches sinon j’aurais arrêté tout de suite. J’ai la maladie de l’endométriose et certaines semaines ne sont pas faciles.

Vous pourriez faire appel aux services de remplacement ?

C’est dur de trouver des jeunes pour s’occuper des animaux. Pour labourer une parcelle pas de soucis, mais pour les vêlages ou s’occuper des veaux malades le soir c’est plus compliqué. Moi je connais chacune de mes vaches. Du coup ces semaines-là je passe un peu plus de temps à faire les tâches, je finis plus tard, mais je le fais. 

Lire aussi : Renouvellement des générations : « La sécurisation du foncier est un enjeu majeur »

Avez-vous des projets de valorisation ou diversification ?

Je mets quelques génisses de boucherie à Intermarché et ça me tenterait bien de développer cette valorisation auprès d’autres magasins.

Voir : Jeunes agriculteurs : Emmanuel Macron met Océane, 19 ans, à l’honneur

Vous avez repris l’exploitation au moment où vos collègues bloquaient les routes, comment l’avez-vous vécu ? Ca ne vous a pas découragée ?

Ca ne m’a pas découragée car je sais qu’en ce moment pas grand-chose ne va. J’aurais aimé participer à ce mouvement nécessaire car nos charges sont beaucoup trop élevées par rapport aux prix. Malheureusement j’étais en pleine période de vêlages.
 

Vous passez un peu moins de temps sur les réseaux sociaux mais continuez à communiquer sur votre métier auprès des jeunes…

Oui, j’ai commencé très jeune sur les réseaux. J’ai suivi un enseignement à l’école puis je me suis mise à faire des montages photos et vidéos. A l’époque je cherchais sur internet des exemples de jeunes femmes conduisant des tracteurs ou s’occupant des animaux pour avoir un exemple et je n’en trouvais pas. 

Je veux inciter les jeunes à percevoir la réalité du métier d'agriculteur avant qu'ils s'installent

J’ai pensé à la génération future : qui va leur dire qu’on peut être en tailleur le soir et en cote de travail toute la semaine, qu’on peut faire ce métier en tant que femme ? Aujourd’hui je cherche plutôt à passer un message de réalité aux jeunes. Je veux les inciter à percevoir la réalité avant qu’ils s’installent. Les jeunes veulent s’installer quand ils sont salariés et ont alors tous leurs week-end et jours fériés, ensuite ils peuvent changer d’avis.

Lire aussi : Installation en Gaec : « Malgré mon jeune âge, les associés m’ont rapidement fait confiance »

Le journaliste Martin Weill était chez vous hier, vous lui avez expliqué votre métier pour quel type d’émission ?

C’est pour une émission sur les jeunes dans le milieu rural. Il est venu deux jours sur la ferme. Il m’a suivi dans mon travail, et me posait deux à trois questions dès qu’il pouvait. 

Le journaliste Martin Weill est venu deux jours sur la ferme

Il a appris à poser une boucle à un veau. Hier je m’étais levée à 4h15 pour une césarienne, la journée a été extrêmement longue. 

Lire aussi notre dossier : Ils expliquent leur métier d'agriculteur sur les réseaux sociaux

Un projet de loi est en préparation pour aider au renouvellement des générations, quelle mesure serait nécessaire selon vous pour encourager les futurs jeunes agriculteurs ?

Il faudrait faire respecter la loi Egalim pour que l’on soit payés correctement, par rapport à nos coûts de production.
 

Un autre message à faire passer ?

Oui, quand on a 15-16 ans on entend toujours qu’il y a un suicide tous les deux jours en agriculture, ça fait peur mais pas assez. J’ai 22 ans et j’ai de plus en plus peur surtout les samedi et dimanche où l’on ne voit personne. Avec toutes les charges que l’on a on comprend ces personnes qui ont décidé de partir. Quand on a besoin de parler, d’exprimer ses peurs, ses doutes, on n’a pas personne en dehors de notre entourage. Je trouve ça dommage.

Nous avons beaucoup de personnes pour nous faire les rations, s’occuper de la culture du blé… mais personne ne passe pour nous demander comment on va

De quel soutien auriez-vous besoin ?

Il faudrait que l’on soit plus accompagnés, nous avons beaucoup de personnes pour nous faire les rations, s’occuper de la culture du blé… mais personne ne passe pour nous demander comment on va.

J’ai très peur du burn-out c’est une phobie

Avez-vous peur du burn-out ?

Oui j’ai très peur du burn-out, c’est une phobie. Ca fait deux trois ans déjà que j’y pense mais depuis que mon père a déménagé le 15 janvier je m’en rends encore plus compte.

Lire aussi : « J’ai rencontré une assistante sociale de la MSA et je me suis effondrée en pleurs »

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