Océane Future agricultrice : « Il y a beaucoup trop de préjugés sur les femmes en agriculture »
A 19 ans, Océane est agricultrice et active depuis déjà 5 ans sur les réseaux sociaux. Elle se destinait à ce métier depuis longtemps mais a dû se battre pour y arriver, convaincre et faire face aux moqueries. Sur Facebook, sur Instagram et sur YouTube, elle montre son quotidien, cultive et défend l’agriculture au féminin. Entretien.
A 19 ans, Océane est agricultrice et active depuis déjà 5 ans sur les réseaux sociaux. Elle se destinait à ce métier depuis longtemps mais a dû se battre pour y arriver, convaincre et faire face aux moqueries. Sur Facebook, sur Instagram et sur YouTube, elle montre son quotidien, cultive et défend l’agriculture au féminin. Entretien.
Elle n’a que 19 ans mais l’idée de devenir agricultrice l’habite depuis plusieurs années déjà. Depuis le collège, sa décision était prise. Elle s’est donc orientée vers une troisième professionnelle de l’enseignement agricole et a poursuivi vers un bac pro CGEA (Conduite et gestion de l’entreprise agricole) . Et aujourd’hui, son rêve est devenu réalité. Océane Balland s’est installée en juillet 2020 en Haute-Saône, sur 40 ha de la ferme familiale pour produire le foin et les céréales. Elle est aussi salariée de son père à temps partiel pour l’élevage bovin d’une centaine de vaches allaitantes charolaises.
Voir : Jeunes agriculteurs : Emmanuel Macron met Océane, 19 ans, à l’honneur
La jeune agricultrice estime pourtant qu’il est encore difficile pour une femme de se faire une place dans ce métier. Si elle se met en avant sur les réseaux sociaux, c’est donc avant tout pour ça : pour témoigner que c’est possible et changer le regard porté sur l’agriculture au féminin. La communication fonctionne et la jeune femme est repérée par les médias. En février 2020, elle était à l’honneur sur France 3 Bourgogne Franche-Comté. Le long des routes de son département, elle a été aperçue aussi sur une affiche, posant au milieu de ses vaches, portant haut le savoir-faire des jeunes agriculteurs haut-saônais.
Mais derrière la douceur des traits de son visage, se cache un caractère combatif. Océane Future Agricultrice présente sur les réseaux depuis 2015 et désormais agricultrice veut défendre le statut de la femme en agriculture. Et si elle ne parle pas de revendications féministes contre les idées machistes, c’est pourtant ce qui anime en grande partie sa communication. Au volant de son tracteur qui n’allait qu’à 2 à l’heure ce 22 juillet pour retourner des andains de luzerne, elle a bien voulu répondre à nos questions.
. Pourquoi êtes-vous sur les réseaux sociaux ?
Océane Balland - Au départ, à cause de la discrimination, des moqueries. Je me suis dit que si personne ne faisait quoi que ce soit, le monde n’allait pas changer pour les femmes. Il y a beaucoup trop de préjugés sur les femmes en agriculture. Quand j’étais au collège, j’ai subi des moqueries, même de la part des professeurs, quand je parlais de mon projet de devenir agricultrice.
. Sur quels réseaux sociaux êtes-vous présente ?
Océane - Je suis sur Facebook avec 30 000 abonnés, sur Instagram avec 16 800 abonnés et sur YouTube avec 41 300 abonnés. Quand j’ai commencé, je ne me montrais pas. Je filmais seulement les bêtes. Maintenant, je ne me cache plus du tout. J’assume mon métier.
. Le post dont vous êtes le plus fier ?
Océane - C’est le post que j’ai fait sur Twitter et Instagram le 8 mars 2020, pour la journée internationale des droits des femmes. J’ai expliqué qu’on pouvait être agricultrice et pour autant avoir des talons, être maquillée… Cette année, j’ai refait le même type de texte.
« Si personne ne fait quoi que ce soit, le monde ne va pas changer pour les femmes en agriculture. »
. Votre meilleure audience ?
Océane - C’est une vidéo sur YouTube qui a dépassé les 2 millions de vues. Honnêtement, je ne sais pas trop pourquoi. C’est un film pas trop long, pas trop court, qui montre le ramassage des pailles. Il y a beaucoup de prises de vues. Ca a beaucoup plu, notamment peut-être aux plus jeunes. J’ai beaucoup d’enfants qui regardent mes vidéos.
. Un bad buzz que vous n’avez pas aimé, un post que vous regrettez ?
Océane - Pas de bad buzz, franchement non. Et pas de regrets non plus. Mes posts sont très réfléchis. Je fais attention. Sur les réseaux, il faut quand même rester vigilants. En 6 ans, je n’ai pas eu aucun souci.
. Le post qui vous a le plus amusé ?
Océane - C’est le post le jour de mon anniversaire, avec des photos de moi dans la vie de tous les jours. En général, je montre mon visage mais je ne poste pas de photos de moi en entier. Là, j’étais en robe. Les gens étaient surpris. Ils m’ont dit : « on ne pensait pas que tu étais aussi féminine ». Je poste rarement des photos en dehors du cadre de travail. Seulement pour mon anniversaire et à Noël aussi.
« Il y a toujours des femmes qui sont choquées que je puisse conduire de gros tracteurs. »
. Le post qui vous a marqué ?
Océane - Tous les post marquent un peu. A chaque fois, il y a différentes personnes qui commentent. Il y a toujours des femmes qui sont choquées que je puisse conduire de gros tracteurs. Moi, c’est ça qui me choque, que les gens puissent être choqués. Conduire un tracteur, ça demande de savoir faire les réglages et c’est plutôt technique. Mais pourquoi les femmes n’y arriveraient pas ?
. Le post qui vous a énervé ?
Océane - Il y a des commentaires masculins qui peuvent m’énerver et qui peuvent même venir d’hommes politiques. Ces garçons ou ces hommes me parlent de vaisselle, de cuisine. J’ai eu des réactions du style : « le ménage, il se fait pas » ou encore « c’est qui qui étend ton linge ? ». C’est leur choix de s’exprimer et je ne réponds pas. Je les ignore. Mais j’estime qu’ils n’ont aucun respect. Je peux être agricultrice et m’occuper de ma vaisselle et de mon linge.
. Votre modèle sur les réseaux sociaux, un exemple à suivre ?
Océane - Non, je n’ai pas vraiment de modèle parce que je n’ai pas vu beaucoup de femmes quand j’ai commencé. Pour moi, l’exemple à suivre n’est pas dans les réseaux sociaux, c’est celui de ma maman. Elle a vécu plein de choses difficiles mais elle n’a jamais baissé les bras. Elle sait toujours rester forte. C’est mon exemple au quotidien.
. Quel a été votre déclic pour vous lancer ?
Océane - Ce sont les moqueries que j’ai subies. Je me suis dit qu’il fallait réagir. Je me mets à la place des autres filles qui voudraient qu’on les soutienne. Je me demande « comment elles vont faire, comment elle-vont se battre ? ».
. Combien de temps passez-vous par jour sur les réseaux sociaux ?
Océane - J’ai ralenti un peu le rythme depuis mon installation. J’y passe en moyenne 1 h 30 par jour. Un peu dans la journée mais surtout le midi quand je mange et le soir. J’aime les réseaux sociaux et il n’y a pas de raison d’arrêter.
. Quels conseils donneriez-vous à un agriculteur ou une agricultrice qui veut se lancer ?
Océane - De ne pas se laisser décourager par les autres, de ne pas avoir peur de critiques, de ne pas s’empêcher de faire des choses qu’on a envie de faire.
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