Mal-être en agriculture : où en est-on ?
Organisée par la MSA, la deuxième rencontre « mal-être en agriculture : en parler et agir », le 20 avril à Bobigny, a permis de faire le point sur la mise en œuvre du plan d’action pour lutter contre le suicide des agriculteurs.
Organisée par la MSA, la deuxième rencontre « mal-être en agriculture : en parler et agir », le 20 avril à Bobigny, a permis de faire le point sur la mise en œuvre du plan d’action pour lutter contre le suicide des agriculteurs.
« Mal-être en agriculture : en parler et agir » : le 20 avril 2023, s’est tenue au siège de la MSA à Bobigny la deuxième rencontre des professionnels de l’accompagnement à l’initiative du Conseil de l’agriculture française (Caf). L’occasion de partager les expériences sur les actions concrètes de prévention et de faire le point sur ce qui a longtemps été un sujet tabou dans le milieu.
Le mal-être en agriculture en chiffres-clés
« On ne gère bien que ce que l’on mesure bien », ainsi Arnaud Rousseau, président fraîchement élu de la FNSEA, a conclu la journée organisée par la MSA.
On sait que les assurés agricoles présentent un risque plus élevé de décès par suicide que la population générale. Ce risque est supérieur de 43,2% pour les personnes âgées de 15 à 64 ans par rapport aux assurés tous régimes de la même tranche d’âge, selon une étude de la MSA menée en 2021 à partir des données de 2015 et 2016. Un sur-risque s’élevant à 36,3% pour les non-salariés et à 47,8% pour les salariés agricoles.
Sophie Cot-Rascol, responsable de la plateforme Agri’écoute, cellule d’assistance psychologique destinée aux adhérents MSA, précise que 3003 appels ont été reçus en 2022, la plupart se trouvant en état de détresse élevé.
Un premier indicateur que la MSA est aujourd’hui en mesure de compléter par beaucoup d’autres. Ainsi Nadia Joubert, directrice des statistiques à la CCMSA, a présenté le 20 avril l’outil de cartographie dynamique GéoMSA qui propose un module mal-être comprenant plus de 100 indicateurs. Parmi eux : le taux de tentatives de suicide dans la population agricole.
Quelles causes du mal-être en agriculture ?
Quelles sont les raisons du mal-être des agriculteurs ? Selon Sophie Cot-Rascol, dans le Top 3 des raisons recueillies par la plateforme Agri’écoute arrivent : la pression financière, les contraintes administratives et la charge de travail.
« « Je n’ai pas le temps d’être malade », « je ne tombe malade que quand je suis en vacances »…J’ai entendu ça des centaines de fois, vous agriculteurs vous avez un rapport existentiel à votre travail et existentialiste à votre entreprise », a complété Olivier Torres, professeur des universités, président de l’observatoire Amarok, rappelant que les agriculteurs travaillent 55 heures par semaine contre 36 heures en moyenne pour l’ensemble des Français.
Le changement climatique génère de plus en plus de stress
Aux situations économiques et aux accidents de la vie, s’ajoutent désormais « le changement climatique qui génère de plus en plus de stress pour les agriculteurs, la surcharge administrative et la multiplication des contrôles », a commenté Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France. « Le mal-être est aussi souvent lié à la relation à la société ».
Une impression confirmée par plusieurs témoignages lors de la journée. Gérard Cavé, président de la MSA Loire-Atlantique – Vendée a par exemple pointé du doigt l’appel lancé par France nature environnement pour signaler toutes atteintes aux haies. Une démarche qui s’apparente à un « appel à la délation » déplore l’élu et qui pèse sur le moral des agriculteurs.
Journée #MalEtreAgriAgissons @76sebwin ➡️ La situation économique, le changement climatique, les accidents de la vie et aussi le stress lié aux contrôles administratifs peuvent être des causes du mal être des agriculteurs. pic.twitter.com/24AV6eG6fQ
— Chambres d'agriculture France (@ChambagriFrance) April 20, 2023
Quelles actions de prévention ?
Si le mal-être en agriculture est désormais un phénomène connu, « la vraie difficulté reste la détection » des situations difficiles, a rappelé Pascal Cormery, président de la CCMSA, le 20 avril. Suite à la publication du rapport du député Olivier Damaisin fin 2020, une feuille gouvernementale a été mise en place en 2021, dont l’un des objectifs était la mise en place d’un comité de pilotage par département pour regrouper tous les interlocuteurs sur le sujet, la mise en place de référents locaux au sein des 35 caisses locales de la MSA, et la formation de 5000 sentinelles sur le terrain (bénévoles et professionnels volontaires ayant pour mission de repérer et orienter les agriculteur, salariés et non-salariés) d’ici fin 2023. Les comités et référents locaux sont désormais en place dans quasiment tous les départements à l’exception des Dom.
L'objectif des 5000 sentinelles formées d'ici fin 2023 est atteignable
A date 2854 sentinelles sont aujourd’hui actives, dont 750 salariés de la MSA, selon Magalie Rascle, directrice adjointe déléguée aux politiques sociales de la Caisse centrale de la MSA. « L’objectif des 5000 d’ici fin 2023 est atteignable », explique-t-elle soulignant que beaucoup de personnes sont en attente d’une formation.
Olivier Damaisin devient coordinateur national
Nommé pour deux ans depuis le 1er avril succédant à Daniel Lenoir, le nouveau coordinateur national interministériel du plan de lutte contre le mal-être en agriculture, Olivier Damaisin, a évoqué rapidement ses priorités pour les mois à venir.
Je veux aller sur le terrain
« Je veux aller sur le terrain pour améliorer les choses », a-t-il déclaré. L’ancien député veut « mettre en place avec tous les coordinateurs départementaux » le « système d’alerte » créé par Daniel Lenoir. L’enjeu : « réagir plus vite » quand il « y a des remontées d’urgence ».
Une autre priorité est d’avancer sur l’accompagnement des transitions agricoles a indiqué en parallèle l’adjointe au coordinateur national Anne-Marie Soubielle à nos confrères d’Agra Presse. Par ailleurs un nouveau chantier a été ajouté au plan interministériel : intitulé « conciliation vie personnelle et familiale », il couvre les enjeux liés à la parentalité, aux addictions, aux violences intra-familiales, ou encore à la lutte contre la précarité notamment chez les salariés.