Vers un label alimentaire méditerranéen ?
> Jean-Louis Guigou, délégué général de l'Ipemed.
C'est de l'avenir politique et économique de la Méditerranée et de son pourtour dont il fut question lors de la conférence inaugurale du Medfel à Perpignan avec un zoom plus précis sur l'agroalimentaire. « Il n'y a pas quarante solutions », expliquait d'entrée de jeu Jean-Louis Guigou, délégué général de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) en faisant référence aux flux de réfugiés qui se lancent, au prix de leur vie souvent, dans la traversée vers l'Europe. « La seule solution donc, c'est de parvenir à aider les pays d'origine de ces migrants à se développer. Nous avons connu de tels épisodes dans le monde, souvenez-vous des boat-people en Asie, des afflux de Mexicains aux USA plus récemment… »
Les consommateurs sont attentifs à l'origine, il faut en profiter
” Ancien patron de la Datar, il insiste ensuite sur la nécessité de passer à une conjonction d'intérêts pour aboutir à un développement partagé des deux rives de la Grande Bleue. « Les pays du Maghreb sont très dépendants du Nord, notamment pour les céréales, il faut passer de l'échange commercial à la coproduction, il faudrait qu'il ne s'agisse plus de vendre aux Maghrébins, mais de s'associer à eux pour produire. » Rebondissant sur ces propos, Jean-Louis Rastoin (Montpellier SupAgro) invitait lui aussi à la construction d'une politique euroméditerranéenne pour aider les pays du Sud à développer leurs productions localement, à les améliorer qualitativement et quantativement. Président de la FNSEA, Xavier Belin a fait part de ses doutes. « Le multilatéral a sérieusement du plomb dans l'aile, aujourd'hui nous devons travailler suivant l'axe Nord-Sud, bien plus que dans le multilatéral ou le bilatéral Est-Ouest. »
Une grande politique agricole Nord-Sud ?« Notre Sud, ce sont aussi 300 millions de consommateurs, et nous avons des intérêts communs importants comme éviter la décomposition des territoires ruraux. Nos problématiques sont proches sur cette question. Nous pouvons aussi nous rapprocher sur la question du changement climatique qui ne pourra être réglée sans aborder la question alimentaire. Enfin, nous avons aussi intérêt à innover ensemble. Les problématiques actuelles des pays du nord de l'Afrique, notamment en termes de climat, seront aussi les nôtres demain », plaide-t-il encore.
Le processus de Barcelone étant pour le moins en panne depuis les révolutions en Afrique du Nord, faut-il en passer par la création d'un label agroalimentaire méditerranéen ? « C'est une idée, mais il faudra que les industriels se débrouillent seuls sur cette question, car le politique ne fera rien. Aujourd'hui, les consommateurs sont attentifs à l'origine, il faut en profiter », appuye Jean-Louis Guigou. Et même voir plus loin, imaginer une politique agricole plus ambitieuse, entre pays du Sud et en connexion avec la politique agricole européenne… « Nous avons travaillé sur cette question au moment de la réforme de la Pac 2013, quand nous avons fait cette proposition à l'Union européenne, il nous a été gentiment répondu que c'était déjà trop compliqué à 28 ! », conclut Jean-Louis Rastoin. Yann Kerveno