Un dernier témoin
Je salue à mon tour la mémoire de Jean Herbert qui vient de s’éteindre à Paris à 96 ans. Il fut non seulement le patron du Théâtre des Deux-Anes, le président des Francs Mâchons et le fondateur de l’Académie Rabelais, mais aussi un admirateur du journaliste et écrivain d’Henri Béraud – nous en avions parlé à maintes reprises car nous partagions le même goût pour sa verve et sa liberté de ton. Il était d’ailleurs le président d’honneur de l’Association créée à la mémoire de Béraud, et le dernier de ses amis personnels encore vivants. Prix Goncourt 1922 pour « Le martyr de l’obèse », polémiste ravageur du Gringoire de l’entre -deux-guerres, auteur provocant de « Faut-il réduire l’Angleterre en esclavage ? » et de « Popu roi », Henri Béraud avait sans nul doute trouvé en Jean Herbert un interlocuteur qui savait ce que manger voulait dire, mais aussi un amateur de beaux textes (et… de jolies femmes). D’une surprenante verdeur jusqu’à un âge très avancé, Jean Herbert promenait volontiers sa silhouette de boxeur dans les bistrots à vins parisiens, avant de remonter le soir à Pigalle vers son cher théâtre. Il était également une source inépuisable d’anecdotes drolatiques sur les grands cuisiniers de son époque, Fernand Point et Alexandre Dumaine notamment. Ses amis chansonniers et ses compagnons bachiques l’ont porté en terre jeudi dernier à Montmartre. Qu’il repose en paix à l’ombre de la vigne de la Butte !