Restauration collective : Terrena et Compass en lien étroit pour mieux valoriser la viande bovine
Depuis un an, le groupe de restauration collective Compass Group France échange avec Terrena pour faire évoluer ses pratiques d’achat en viande bovine. L’enjeu : préserver ses volumes d’approvisionnement et pérenniser la filière bovine.
Depuis un an, le groupe de restauration collective Compass Group France échange avec Terrena pour faire évoluer ses pratiques d’achat en viande bovine. L’enjeu : préserver ses volumes d’approvisionnement et pérenniser la filière bovine.
Le 7 septembre 2022, le groupe Compass et La Coopération agricole signaient une convention afin d’œuvrer ensemble à la pérennité des filières agricoles et officialisaient ainsi plusieurs mois d’échanges. « Nous discutions avec Compass sur la situation des filières alimentaires et sur la restauration collective, depuis plus d’un an. La restauration a clairement un rôle à jouer dans la souveraineté alimentaire, avec les 10 millions de repas servis par jour, mais il fallait déjà connaître les contraintes de chacun, explique Sarah Slous, responsable des relations avec la distribution à La Coopération agricole, et l’idée d’une charte est intervenue afin que ses bonnes pratiques d’achat puissent se développer. »
Signataire du pacte Restaurons Demain, le groupe de restauration veut s’affirmer comme un acteur engagé dans le financement de la transition des filières françaises en réalisant plus de 80 % de ses achats en France. En favorisant l’augmentation de la part des produits issus de modèles agricoles estimés plus vertueux, son objectif est d’accroître significativement ses achats auprès des coopératives agricoles françaises à l’horizon 2030 sur les principales catégories existantes que sont les produits laitiers, les viandes, les céréales et les fruits et légumes. « À ce jour, cette part représente 25 à 40 % selon les filières. Le groupe ambitionne sur ces catégories de monter à 60 % », explique Edouard Albertini, directeur achats et logistique de Compass Group.
Équilibre de la filière bœuf
L’enjeu est important puisque le groupe livre près de 1 million de repas par jour en restauration collective, dont 300 000 dans les cantines scolaires à travers sa marque Scolarest. Aujourd’hui, Sodiaal est, par exemple, l’un de ses fournisseurs pour le lait ou encore Terrena pour la viande. C’est d’ailleurs sur ce sujet de la filière bœuf que le groupe a entamé un travail de longue haleine depuis novembre 2021 avec le groupe coopératif Terrena. Compass affiche clairement la volonté de modifier sa manière d’acheter pour participer à la meilleure rémunération des agriculteurs, à la pérennité de la filière et dans une volonté aussi de réduire son empreinte carbone.
« L’idée est de sortir d’un modèle de la restauration très commanditaire », Edouard Albertini, directeur achats de Compass Group
Le groupe a, en effet, lancé une feuille de route pour atteindre la neutralité carbone en 2040 sur l’ensemble des scopes, dont le scope-3 qui touche à ses fournisseurs. « L’idée est de sortir d’un modèle de la restauration qui est très commanditaire pour aller vers plus de dialogues sur les besoins de chacun, jusqu’à l’éducation du consommateur sur ce qu’est un produit de qualité, d’où il vient, comment il est fabriqué et combien il coûte », souligne le directeur achats.
Acheter des carcasses plutôt que des pièces
Ainsi, le projet d’équilibre de la filière bœuf grâce à la rationalisation du nombre de bovins élevés versus les pièces de bœuf réellement consommées a été entamé avec le groupe Terrena. « On essaye de trouver des solutions en partant de leur modèle économique et on voit comment on peut s’y adapter. Nos clients sont assez ouverts à ce type de discours de préservation de la filière et du prix nécessaire, mais à quel niveau ils sont prêts à l’entendre est plus complexe », détaille Edouard Albertini.
L’objectif : acheter des carcasses et non plus des pièces afin de maximiser l’équilibre matière et éviter aussi le gaspillage. Aujourd’hui, Compass utilise près de 1 700 tonnes de viande de bœuf par an pour la préparation de ses repas. En travaillant avec les éleveurs sur la sélection de races à viande dédiées à la consommation, le groupe estime qu’il est possible de réduire de 20 % le nombre de vaches abattues par an, soit 6 000 vaches en moins. Il est question aussi de travailler davantage les races à viande que la vache laitière, pour assurer la régularité des volumes.
Des changements dans la manière de vendre
Le travail est en cours avec les différentes équipes de Compass et Terrena pour formaliser les choses. Du côté de Compass, les équipes achat vont devoir reprendre les volumes pour les faire correspondre à des carcasses, tandis que du côté de Terrena, il est question de réfléchir à la forme que prendra cette nouvelle relation. Un contrat pluriannuel avec des clauses de revoyure sur les prix, par exemple, ou toute autre solution est à l’étude. Compass se prépare en tout cas à changer sa méthode d’achat, et de fait, sa manière de vendre. « Nous savons que nous aurons davantage de bavettes à cuisiner, alors que nous avions l’habitude d’acheter que du sauté, par exemple. Il va y avoir un travail avec nos chefs cuisiniers », précise Edouard Albertini. Ce travail va logiquement modifier les menus du groupe, en parlant plus de produit, de saisonnalité, de territoire. « La pédagogie sera nécessaire parce que les menus vont changer », insiste-t-il.
La volaille et les légumineuses aussi
Terrena travaille également sur la filière volaille avec Compass pour trouver un équilibre entre les cuisses, les filets et les ailes. Enfin, un travail au plus long cours sera mené sur les légumineuses. L’objectif du groupe de restauration est d’augmenter de 30 à 40 % d’ici à 2030 la consommation de ces légumineuses, qui avoisine actuellement les 570 tonnes. Au-delà de la production, l’outil de transformation est un des enjeux. « Nous avons un fonds de dotation de 500 000 euros. Rien ne nous empêche de créer des projets avec des outils de transformation », indique-t-il.
Les projets dans la viande et la volaille devraient être opérationnels fin 2024 au plus tard, tandis que le travail sur les légumineuses sera sur un temps plus long.
à retenir
1 700 tonnes de viande de bœuf achetées par an
Objectif : réduire de 20 % le nombre de vaches abattues
1 million de repas servis par Compass par jour
L’avis de
Thierry Villelegier, directeur de La Nouvelle Agriculture et partenariats commerciaux à Terrena
« Nous poussons à la contractualisation avec nos clients »
« Si le sujet sur les légumineuses est plus prospectif, nous sommes bien avancés avec Compass sur la volaille et le bœuf. L’objectif est d’aboutir avant la fin de l’année pour que cela soit opérationnel en 2023 ou 2024 en fonction des filières. À date, nous en sommes encore à chercher les bons équilibres tant en matière de volumétrie que de modèle économique. Mais le travail a été entamé il y a quelques mois déjà avec dans l’idée de réorganiser nos ventes et les achats de Compass pour améliorer l’approvisionnement français en viande et répondre aux enjeux de la loi Egalim. La Nouvelle Agriculture, notamment, entre dans le cadre des 50 % de produits durables demandés. En dehors de toute négociation, on s’est mis autour de la table en toute transparence : comment en nombre de bêtes, en nombre de têtes, sur quel volume, quel prix, on pouvait réorienter les achats de Compass vers de l’équilibre matière. On s’est aperçus que les problèmes n’étaient pas insurmontables, et que des assortiments équilibrés sont possibles en jouant sur des gammes en frais et surgelés. Les équipes travaillent ensemble pour bâtir un accord tripartite entre éleveurs, transformateurs Galliance ou Elivia et Compass. À Terrena, nous poussons à la contractualisation avec nos clients, cela permet de sécuriser les deux parties. C’est dans notre stratégie. »