Quand l’amont investit dans le commerce et la distribution

La prise de contrôle par la Cooperl d’un réseau de boucheries illustre les velléités croissantes des coopératives de conquérir des positions dans le commerce traditionnel. Tour d’horizon des très nombreuses initiatives individuelles et collectives relevées ces derniers mois.
Rédaction Réussir
Les coopératives agricoles françaises, si elles ont compris très tôt l’avantage de disposer de leurs propres usines de collecte et de transformation, ont laissé passer, il y a quarante ans, le train de la grande distribution. Soucieux de gagner un peu d’indépendance à l’égard des grandes enseignes, les producteurs agricoles s’essaient aujourd’hui aux investissements dans le commerce, de gros et de détail, de proximité ou « alternatif » comme les Amap. Des manœuvres significatives mais qui restent discrètes, les coopératives ne souhaitant pas froisser des géants de la GMS qui ont assuré le succès de leurs marques et… en restent les principaux diffuseurs.
Le dernier épisode de cette sourde guerre de position, c’est l’annonce par Cooperl Arc Atlantique qu’il reprenait Défi Viandes, un réseau de 83 boucheries de centre-ville (voir Les Marchés Hebdo n° 89). Une acquisition modeste en termes de distribution. Mais un investissement suffisamment symbolique, dans un contexte de guerre des prix du porc, pour inciter les dirigeants de Cooperl à parler « d’achat d’opportunité » et d’afficher leur volonté de « ne pas perturber » leurs « autres clients ». L’initiative n’est pas sans rappeler la création en 2009 d’Ecomiam, une entreprise bretonne de vente directe de viande surgelée qui, si elle n’est pas l’émanation des coopératives, est fournie exclusivement par des groupements de producteurs.
Comme la création d’un réseau de distribution en propre coûte cher, les coopératives s’appuient de plus en plus sur leur réseau très dense de magasins de libre-service agricole.
Des « Paniers de mon terroir » aux « Sens du terroir »
Gamm Vert, numéro un des circuits de jardinerie et propriété d’InVivo, a ainsi récemment développé son offre alimentaire en proposant un concept clé en main de rayon alimentaire : « Les Sens du Terroir », une gamme de produits régionaux fabriqués par des agriculteurs et des artisans locaux « au juste prix pour le consommateur et pour le producteur ».
Les coopératives disposant de leur propre réseau de jardineries accompagnent, voire anticipent ce mouvement. C’est le cas de la Sicaseli, dans le Lot, dont le magasin de Figeac a été le premier à proposer une gamme de produits régionaux et une boucherie traditionnelle commercialisant uniquement une viande locale. De son côté, Unéal a ouvert en octobre 2010 des rayons « Panier de mon terroir » dans quatre magasins à l’enseigne Gamm Vert, Point Vert et Magasin Vert du nord de la France, en s’appuyant sur la production de fermes et d’exploitations locales. Enfin, les jardineries Maïsadour (31 points de vente dans le Sud-Ouest) ont annoncé la création d’une gamme de pâtes artisanales et la signature d’un partenariat avec la Coopérative du Haricot Tarbais.
Vers des magasins dédiés
Certes, la part alimentaire dépasse encore rarement 10 % du chiffre d’affaires total de ces magasins « verts », dont le cœur d’activité reste la jardinerie, l’animalerie et le matériel agricole. La commercialisation de produits frais, comme la viande ou les produits laitiers, réclame en outre un degré élevé de professionnalisme. Aussi la tentation est-elle grande de franchir le pas en créant de véritables magasins dédiés. La coopérative agricole du Rouret, dans les Alpes-Maritimes, ou encore celle de Thônes (la coopérative du reblochon), en Haute-Savoie, s’y sont essayées avec succès. En 2008, les coopératives Unicor et Arcadie Sud-Ouest ont ouvert à Onet-le-Château un concept original de halles de vente, les Halles de l’Aveyron. Celles-ci couvrent, sur 700 m2, plus de 2 000 références. On n’en saura cependant pas plus sur le succès du magasin. Unicor ne souhaite pas évoquer le sujet « au niveau national ». Au cas, sans doute, où la grande distribution en prendrait ombrage.