Plan Œufs 2030 : combien de nouveaux bâtiments, quelle part de l'alternatif, quelle stratégie de filière ?
Produire plus d’œufs pour répondre à la demande des consommateurs, tout en continuant le virage de la transition vers l’alternatif et en répondant aux enjeux sociétaux, voilà le plan de la filière œuf pour ces six prochaines années.
Produire plus d’œufs pour répondre à la demande des consommateurs, tout en continuant le virage de la transition vers l’alternatif et en répondant aux enjeux sociétaux, voilà le plan de la filière œuf pour ces six prochaines années.
224. C’est le nombre d’œufs qu’un Français a consommé en 2023, soit 24 de plus qu’il y a dix ans, un record historique. Alors que la consommation ne cesse de progresser, avec des achats des ménages en hausse de 3 % en volume en 2023 et encore de 5,2 % sur les quatre premiers mois de 2024, la production ne suit pas.
La France premier producteur d’œufs d’Europe
Certes, la France a récupéré sa place de premier producteur européen d’œufs, qu’elle avait perdue à cause de la grippe aviaire. Avec 14,9 milliards d’œufs l’an dernier la production française a progressé de 4 % par rapport à la catastrophique année 2022 mais reste encore en retard de 4,2 % par rapport à son niveau de2021. « Pour 2024, les prévisions de l’Itavi sont à la stabilité, +0,1 %, mais il est possible qu’avec les remises en place on renoue avec la croissance » explique Loïc Coulombel, vice-président du CNPO, lors d’une conférence de presse.
Garantir la souveraineté en œuf
C’est pour garantir la souveraineté de la France en œuf que la filière se montre volontariste dans son plan pour l’horizon 2030, alors que les dynamiques de consommation et de production ne vont pas dans le même sens.
« Nous avons besoin de 300 nouveaux poulaillers d’ici 2030»
« Nous avons besoin de 300 nouveaux poulaillers d’ici 2030, soit 300 millions d’euros d’investissement pour suivre le rythme de la consommation » annonce Yves-Marie Beaudet, président du CNPO.
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Un objectif ambitieux quand on considère les freins administratifs et sociétaux à la construction de nouveaux bâtiments, et que la filière poulet de chair est tout autant volontariste. Et qui devra s’appuyer sur des jeunes éleveurs, et donc renforcer l’attractivité du métier.
« L’investissement était de 30 €/poule il y a deux ans, on est à 50 €/poules à cause de l’inflation »
Ces 300 bâtiments correspondent à six millions de poules, soit un million de places par an. Pour atteindre un tel parc, la filière attend un accompagnement des autorités pour simplifier les démarches et faciliter le financement. « L’investissement était de 30 €/poule il y a deux ans, on est à 50 €/poules à cause de l’inflation », explique Loïc Thomas, président du Snipo.
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Objectif 90 % des poules en élevages alternatifs
Autre axe majeur de ce plan, le bien-être animal. Le CNPO affiche un objectif de 90 % des poules en élevage alternatif (sol, plein-air ou bio) dans six ans. Les nouveaux bâtiments construits seront tous alternatifs, c’est la loi. Il faudra aussi convertir vers du sol des élevages de poules en cage, la démarche est déjà entreprise dans plusieurs régions. Des investissements à hauteur de 450 millions d’euros, selon Loïc Thomas, à raison de 30 €/poule pour convertir un bâtiment de cages vers le sol. En 2023, 73 % des poules françaises étaient élevées en élevages alternatifs, à comparer à une moyenne européenne de 40 %.
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Développer un maillage territorial
« 60 % de la production d’œuf est dans l’Ouest, il faut penser à rapprocher l’œuf du consommateur et repenser le maillage territorial » avance Yves-Marie Beaudet, évoquant aussi la directive européenne sur les temps de transport qui pourrait laisser certains élevages en difficulté par rapport à la distance aux abattoirs. Autre réflexion, la mise en place d’un « corridor sanitaire », une zone de protection de 10 km autour des couvoirs sans nouvelles activités d’élevages, pour protéger ces derniers en cas de nouvelle épidémie de grippe aviaire.
Offrir davantage de garanties aux éleveurs
La filière souhaite garder le cap de la contractualisation, déjà largement mise en place par rapport à d’autres filières. « C’est un gage de pérennité pour les élevages, notamment bio ou Label Rouge en difficulté en ce moment », estime Yves-Marie Beaudet. « Vu le montant des investissements, les éleveurs ne se lancent pas sans un contrat sur une durée au moins aussi longue que l’amortissement » précise Loïc Thomas.
« Lancer une réflexion sur l’élargissement d’Egalim au marché de la restauration hors domicile ».
Contractualisation que le CNPO aimerait bien étendre aux grossistes, proposant « de lancer une réflexion sur l’élargissement d’Egalim au marché de la restauration hors domicile ».
Renforcer les liens au sein de la filière œufs
Le CNPO a émis le souhait de s’ouvrir à l’amont comme à l’aval, et évoque une volonté de discussion avec des associations de consommateurs. Une démarche alors que les liens entre amont et grande distribution sont assez tendus. D’une part, la filière affirme avoir ses prix de ventes, conformément à Egalim, par suite de la baisse des cours de l’aliment. Des replis pas toujours assez visibles en rayon selon certains.
Assurer un financement à l'ovosexage
De l’autre, la question de l’ovosexage est loin d’être réglé. L’accord en cours avec la grande distribution prendra fin d’ici la fin de l’année. « L’objectif est de le pérenniser sur une durée plus longue, la renégociation est en cours », explique Yves-Marie Beaudet. Mais selon des professionnels, la grande distribution n’est pas vraiment volontariste.
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De quoi alimenter les craintes d’une filière exposée aux distorsions de concurrence puisque seules la France et l’Allemagne ont adopté cette politique.
Ovoesexage : « Ce n'est pas à l'éleveur ou au couvoir d'assumer ces coûts »
Les deux derniers ministres de l’agriculture se sont pourtant engagés à harmoniser les règles européennes. « Ce n'est pas à l'éleveur ou au couvoir d'assumer ces coûts » tranche Loïc Thomas.
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Autre réflexion, demande de l’amont depuis plusieurs mois, intégrer les autres coûts de production dans les indicateurs Egalim, c’est-à-dire plus seulement l’aliment, mais aussi la main d’œuvre, les assurances et bien sur l’énergie. La encore, il faudra convaincre la GMS.
Tous les œufs marqués à la ferme à l’horizon 2025 ?
La réglementation européenne impose le marquage des œufs sur le lieu de production tout du moins le code (de 0 à 3 selon le mode d’élevage) et les lettres du pays, à compter de novembre 2024. Si, dans un premier lieu, la France a demandé une dérogation, le CNPO juge que la filière est apte à mettre rapidement en place cette nouvelle mesure réglementaire, d’ici mi-2025. « Ce marquage du code et du pays est une garantie supplémentaire de traçabilité » explique Yves-Marie Beaudet. Les œufs destinés à la vente directe, que ce soit à la ferme ou sur les marchés ne sont pas concernés.