« L’internationalisation du secteur pourrait se poursuivre »
LM : Quelle analyse faites-vous de l’opération menée par Smithfield ?
Christian Renault : L’opération s’inscrit dans une tendance générale à l’internationalisation. En France, près de 40 % du chiffre d’affaires de l’agroalimentaire est réalisé par des entreprises appartenant à des groupes mondiaux. Le secteur de la viande reste un peu à l’écart. Son industrialisation est plus tardive et les modèles de consommation y sont davantage nationaux. Mais, le phénomène arrive. Deux des plus gros transformateurs de volaille (sans élevages en amont) sont américains : Cargill et Moy Park. En Angleterre, OSI a récemment acquis Pagley. Le mouvement d’internationalisation vient des Etats-Unis, plus que de l’Union européenne. Dans l’Hexagone, Fleury Michon va sur la pointe des pieds en Italie. C’est quasiment le seul. Le premier charcutier européen est l’américain Sara Lee, propriétaire d’Aoste. Il est l’un des principaux opérateurs au Portugal et possède une filiale en Hollande. Le suisse Nestlé est le deuxième gros groupe, présent en Allemagne et en France. Déjà propriétaire de plusieurs filiales en Europe, Smithfield a une stratégie de prise de parts de marché.
LM : Pourquoi s’intéresse-t-il à Jean Caby ?
Christian Renault : Qu’une entreprise familiale se valorise en entrant dans un groupe, cela arrive tous les jours. Le p-dg Pierre Briet est arrivé à un certain âge et a décidé de vendre sa boîte. Jean Caby a augmenté sa rentabilité et possède de bonnes parts de marché dans les saucisses cocktail, avec une marque. Smithfield achète une usine, avec un peu de savoir-faire. C’est plus rapide que de construire une usine et de la développer. Le rapprochement entre SBS et Jean Caby est sans doute motivé par la grande complémentarité géographique et de production des deux entités. SBS est spécialisé dans les MDD, essentiellement dans le domaine du jambon tranché, et n’est pas positionné sur les gammes de Jean Caby.
LM : Quelles peuvent être les conséquences de l’internationalisation du secteur de la charcuterie ?
Christian Renault : Suite aux accords de Marrakech, l’Union européenne s’est davantage ouverte aux importations de certains produits. Ce qui est arrivé en volaille risque de se reproduire demain en porc. Pour l’instant, l’UE n’importe pas de cochon. Le jambon cuit est fabriqué à partir de viande fraîche. Mais d’autres technologies existent, les bateaux sont rapides. Des produits sous atmosphère peuvent débarquer en une semaine. Faut-il se préparer aux importations de porc ? Les coûts de production présentent d’importants écarts entre les différentes régions du globe. Ils sont plus bas aux Etats-Unis qu’en Europe. Le mouvement d’internationalisation du secteur peut se poursuivre. Notamment en Allemagne, où beaucoup de PME peuvent être reprises. En France, des cibles existent. On peut d’ailleurs se demander pourquoi Madrange ne cherche pas à mieux se protéger de la concurrence en réalisant des acquisitions.