Les produits de terroir, une carte à jouer pour les PME
Les Marchés : Les produits du terroir sont-ils un simple fantasme de consommateurs ou une invention de plus du marketing ?
Jean-Louis Rastoin : Non, ils sont une réalité économique patente. Ainsi, on admet que le chiffre d’affaires global de l’industrie agroalimentaire française est d’environ 120 mde par an. Outre les produits standards qui génèrent 75 % de cette somme, il existe deux autres segments de marché : celui des produits innovants tirés par les aliments à allégation santé, qui représentent 5 % du marché avec une progression de l’ordre de 15 % par an, et les produits du terroir composant environ 20 % du chiffre d’affaires réalisé. Il est par ailleurs intéressant de noter que le nombre d’emplois du secteur en France, environ 500 000 est quasi stable depuis 20 ans alors que les grands groupes n’ont cessé de restructurer. Ces emplois ont été maintenus grâce aux petites entreprises positionnées sur ce marché.
LM : Il y a un hiatus apparent entre la mondialisation et le terroir. Pourtant, vous pensez qu’il existe des opportunités de développement pour les petites ou très petites entreprises…
JLR : Oui, il existe des opportunités évidentes, mais à condition que ces entreprises soient « authentiques », c’est-à-dire qu’elles remplissent trois conditions. Elles doivent posséder la symbolique du terroir qu’elles représentent, mais doivent cumuler en plus deux types d’actifs. Les actifs tangibles qui sont constitués par les terres, le climat qui donnent naissance à des produits typiques de l’endroit, et des actifs intangibles, qui sont souvent de vieilles recettes issues du patrimoine local ou des savoir-faire particuliers. Rares sont les grands groupes multinationaux ou les distributeurs au travers de leurs MDD à cumuler ces trois qualités. Ce peut-être à moyen terme, un atout pour les petites entreprises. Surtout si les consommateurs continuent d’évoluer comme aujourd’hui. Car on peut en effet penser que dans quelques années, ils demanderont plus d’informations encore sur les produits, demanderont à « entrer dans les usines », à connaître les recettes… Enfin, il faut ajouter à cela de bonnes compétences en marketing, savoir être innovant et une gestion très rigoureuse…
LM : Pourtant, il est souvent problématique pour de petites unités d’aborder de grands marchés, sans même parler du marché mondial…
JLR : Il y a un exemple parfait de ce qu’il est possible de faire dans ce domaine, c’est celui des caves particulières. Nous connaissons en Languedoc-Roussillon des vignerons qui tirent parfaitement parti de la mondialisation. Ils reçoivent sur leurs propriétés des visiteurs étrangers, car il ne faut pas oublier que 700 millions de personnes visitent un pays étranger chaque année. Et les vignerons continuent de vendre leurs produits à ces visiteurs grâce notamment aux nouveaux outils de communication. Certaines caves réalisent ainsi plus de 90 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation. Sans parler de ces cas extrêmes, il existe des opportunités de commercialisation plus classiques, par référencement auprès de la grande distribution au niveau régional.
LM : On s’interroge beaucoup aujourd’hui sur la pertinence des AOC. Comment abordez-vous cette question ?
JLR : Les Appellations d’origine sont basées sur l’autocontrôle, et tout le monde a constaté comment cela pouvait déraper et générer une baisse de qualité qui profite aujourd’hui aux vins de pays. Il faut absolument qu’il y ait une remise en cause et un travail sérieux engagé sur les AOC. Ce constat n’est toutefois pas valable pour les labels rouges. Toute la question repose sur la crédibilité du signe de qualité, sur le contrôle. Faut-il qu’il soit à la charge de l’État comme le demandent le plus souvent les consommateurs français ou peut-il être assuré par des entreprises privées comme aux États-Unis ? Les deux systèmes ne sont pas inconciliables, il faut simplement éviter qu’il y ait un brouillage inhérent à la multiplicité des signes et des procédures de contrôle.