Les géants de la bière se déchirent en Chine
La bataille qui oppose deux géants mondiaux de la bière pour le contrôle d’un brasseur chinois peu connu illustre la nécessité pour ces groupes de trouver de nouveaux débouchés alors que leurs marchés traditionnels en Europe et aux Etats-Unis semblent avoir atteint un trop-plein. Les protagonistes de ce combat de titans sont SABMiller n° 2 mondial de l’industrie brassicole, et Anheuser-Busch, son principal rival et leader mondial qui souhaite entrer dans le capital de Harbin Brewery, le 4e brasseur chinois.
SABMiller, né en 2002 de la fusion entre le brasseur britannique d’origine sud-africaine South African Breweries (SAB) et l’américain Miller, a été piqué au vif et a décidé de contre-attaquer. Lundi, il a lancé une offre sur la totalité de Harbin Brewery pour un montant de 475 millions de dollars. L’offre est généreuse : SABMiller propose d’acheter les actions Harbin à 4,30 dollars de Hong Kong (HKD) l’unité, soit une prime de 65,4 % par rapport à leur valeur moyenne entre l’introduction en bourse en juin 2002 et le 30 avril dernier. Mais la partie n’est peut-être pas terminée : l’offre de SABMiller pourrait être concurrencée par une autre de Anheuser-Busch, qui a lui-même finalisé début mai l’acquisition d’une participation de 29 % dans Harbin pour un montant de 1,08 milliard de dollars de Hong Kong (138 M USD), soit 3,70 HKD par titre.
Cette bataille boursière symbolise l’évolution récente de l’industrie brassicole, selon James Dawson, analyste de la maison de courtage londonienne Charles Stanley and Co. « Les grands brasseurs s’aperçoivent que leurs marchés traditionnels sont en voie de saturation. Pour diverses raisons et notamment un désintérêt croissant pour la bière, leurs volumes de ventes sont même en baisse », note cet analyste. En Grande-Bretagne, pays traditionnellement associé à la bière, la consommation a fortement reculé au cours des vingt dernières années, de l’ordre de -20 %.
Un appétit aiguisé pour la Chine et la Russie
« L’objectif pour les brasseurs, poursuit James Dawson, est donc d’entrer sur de nouveaux marchés où ils partent souvent de zéro en matière de consommation». Les mastodontes de la bière comme SABMiller et Anheuser-Busch, le Belge InterBrew, le Danois Carlsberg, le Britannique Scottish and Newcastle ont pour point commun de se concentrer sur deux marchés : la Chine et la Russie. L’appétit des brasseurs est aiguisé par un chiffre : la consommation de bière par habitant en Chine n’y est que de
19 litres par an, contre 53 litres au Japon, 103,6 litres en Grande-Bretagne. « La présence de SABMiller en Chine est à ce titre exemplaire : ils sont présents dans le capital d’Harbin Brewery et de China Ressources Breweries», relève James Dawson. Mais cette stratégie peut se révéler à double tranchant, estime-t-il. SABMiller n’avait qu’une participation de 29 % dans Harbin, ce qui laissait donc le champ libre à un autre opérateur comme Anheuser Busch.
Pendant que SABMiller et Anheuser Busch (qui détient une participation de 9,9 % dans le leader chinois, Tsingtao) semblent se concentrer sur le marché chinois, leurs rivaux européens ne restent pas inactifs. Le Belge Interbrew s’est allié au Brésilien Ambev pour former un nouveau géant mondial, produisant 14 % de la production globale. De leur côté, Scottish and Newcastle et Carslberg se sont alliés pour former Baltic Beverages qui domine le secteur de la bière en Russie, avec 30 % de part de marché.