Révolution numérique
Les entreprises de gros vont devoir évoluer
La mise en place d’une stratégie numérique nécessite de la part des grossistes de repenser le rôle de leurs différents canaux de vente et des fonctions au sein de l’entreprise.
Le commerce de gros, notamment alimentaire, doit se préparer à d’importantes évolutions en vue de répondre au développement des pratiques numériques. C’est le constat d’une étude pilotée par l’organisme paritaire du commerce de gros Intergros, la Confédération française du commerce de gros et international (CGI) et la direction générale des entreprises à Bercy. Pour le cabinet de conseil Secafi, qui a rédigé le rapport, il ne fait en effet guère de doute que le recours au numérique va se renforcer dans les années qui viennent parmi les clients des entreprises de gros, du fait « d’une perméabilité croissante entre pratiques privées et professionnelles », d’une part, et « du renouvellement des générations », d’autre part.
Ce changement de comportement ferait peser sur les grossistes un risque de « désintermédiation » au profit de structures commerciales intégrées ou filialisées par les producteurs ou créées par les distributeurs de détail. Les spécialistes du commerce en ligne, comme Amazon, ne cachent pas leur ambition d’étendre leur emprise sur le commerce BtoB.
Pour l’heure, le commerce de gros alimentaire, notamment de produits frais, est cependant moins exposé que d’autres à la concurrence des spécialistes du commerce en ligne, notent les auteurs. Le caractère peu standardisé de l’offre et les comportements d’achat spécifiques des clients, qui reposent encore beaucoup sur le contact direct et la relation humaine, leur assureraient une relative protection. « La fiabilité de la logistique et les services proposés sont également vus (par les grossistes du secteur, ndlr) comme des facteurs forts de fidélisation du client, la logistique revêtant une importance particulière dans le domaine alimentaire », note l’étude.
Repositionner les commerciaux
Ces particularités ne facilitent pas, bien au contraire, le déploiement d’une stratégie numérique par les grossistes alimentaires. Un nombre limité d’entre eux, pour la plupart des généralistes, s’est lancé jusqu’à présent dans la vente en ligne, beaucoup reculant devant l’investissement matériel et humain et l’idée de devoir gérer parallèlement des canaux de vente à la fois traditionnels et numériques sans perspective de retour commercial immédiat. Une défiance qui a conduit le marché de Rungis à mettre en place une plateforme mutualisée spécialisée dans le BtoB alimentaire (voir encadré).
Leur rôle évolue vers des tâches à plus forte valeur ajoutée
Quel que soit le modèle choisi, les grossistes doivent prendre conscience que les répercussions du numérique « nécessitent souvent de repenser les rôles des différents canaux de vente et l’organisation interne du traitement des commandes », insistent les auteurs. Cela implique une évolution des fonctions commerciales, logistiques et administratives et donc le nécessaire accompagnement et la formation des salariés dont le métier change.
Le développement du e-commerce entraîne par exemple le repositionnement des commerciaux, sédentaires et itinérants. « Leur rôle évolue souvent vers des tâches à plus forte valeur ajoutée (analyse et anticipation des besoins du client, conseil, expertise technique…) que la prise des commandes », observe par exemple l’étude.
Rungismarket, un projet de long terme
La plateforme numérique Rungismarket ouverte à l’été 2018 par le marché de Rungis a embarqué à son bord une petite cinquantaine d’entreprises (dont quelques poids lourds comme Le Delas, Carniato ou Blampin Fruits), révélait Stéphane Layani en novembre au salon Equip’hotel. Un chiffre jugé « honorable » par le PDG de la Semmaris, qui insiste sur le caractère « de long terme » de cet investissement qui aura coûté 4 M€ à la société gestionnaire du marché. « Nous sommes encore dans le temps de la mise en place progressive du service par les grossistes que nous accompagnons dans cette démarche », insiste-t-il. « Si l’on pouvait atteindre 5 % du CA du marché sur la plateforme dans cinq ans, ce serait déjà remarquable », évoque-t-il.