Le groupe Even poursuit ses investissements
La coopérative Even a maintenu en 2016 son niveau d’activité de l’année précédente à 2,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires en dépit d’une année particulièrement chahutée sur les marchés laitiers. Explications du directeur général, Christian Couilleau, et du président, Guy Le Bars.
Maintenir son chiffre d’affaires n’était pas une sinécure, tant les marchés ont été chahutés. Mais Even est persuadé que sa stratégie de développement « fondée sur l’innovation, l’investissement et l’internationalisation est la bonne », expliquait il y a quelques jours Christian Couilleau, directeur général, lors de la conférence de presse annuelle au siège de la coopérative, à Ploudaniel (Finistère).
Le groupe coopératif transforme – via sa filiale Laïta (58 % de ses ventes) dont il est le premier actionnaire aux côtés de Terrena (Ancenis, Loire-Atlantique) et Triskalia (Landerneau, Finistère) – 1,5 milliard de litres de lait en produits laitiers à marques Paysan breton, Les Recettes de Madame Loïk, Mamie Nova, Régilait et pour bon nombre de marques de distributeurs. Il opère également dans la distribution de produits alimentaires en France pour la restauration collective et commerciale (29 % des ventes) et conserve une activité d’amont pour les agriculteurs (fabrication d’aliments du bétail et vente de produits et services pour 12 % du chiffre d’affaires).
Ses trois métiers participent aussi de sa capacité à résister dans un contexte de grande volatilité sur son premier métier, le lait.
Mise en service de la tour de séchage
Cette phase d’investissement évoquée par Christian Couilleau a démarré il y a trois ans, avec l’annonce d’un ambitieux plan de développement dans les ingrédients secs. Ce programme d’un montant de 80 millions d’euros arrive à son terme. Le principal chantier de ce dossier, la nouvelle tour de séchage de 30 000 tonnes de produits laitiers infantiles et prémium, sera mis en service à Créhen dans le courant de l’été. Elle maintiendra la volonté d’Even de se positionner comme un faiseur de poudres de lait infantiles de haute qualité sanitaire pour le marché mondial. Les investissements vont se poursuivre dans les années futures.
Deux nouveaux chantiers ont été annoncés : « la modernisation de nos deux beurreries d’Ancenis et Landerneau pour 24 millions d’euros sur quatre ans pour segmenter plus notre offre, et celle de Laïta-Ploudaniel spécialisée dans la fabrication d’emmental (34 000 t), notamment pour augmenter son taux de produits râpés », dit sans plus de précisions le directeur général d’Even.
Parallèlement aux investissements industriels, le groupe Even poursuit sa politique d’innovation, autant dans les champs (agriculture de précision avec l’emploi de plus en plus fréquent de drones), dans l’auge (alimentation de précision avec de nouvelles gammes) et dans l’assiette.
Christian Couilleau donne plusieurs exemples : un beurre à la pointe de sel affichant 25 % de sel en moins ; de nouvelles recettes de pâte à tartiner à marque de Madame Loïk, notamment à base de bleu d’Auvergne, dont la marque « a progressé de 24 % en volume sur un marché qui n’a gagné que 5 points », précise le directeur général.
Ouverture de bureaux commerciaux dans le monde
Quant à la conquête de marchés, Christian Couilleau précise que Laïta poursuit l’ouverture de bureaux commerciaux dans le monde (Bangkok et la Nouvelle-Calédonie en 2016 après Shanghai et Hô-Chi-Minh-Ville en 2014 et 2015) pour consolider son internationalisation, Laïta réalisant 40 % de ses ventes à l’exportation. La branche restauration collective d’Even poursuit, quant à elle, l’extension de son marché national, avec la reprise en 2016 de trois sociétés sur le bassin méditerranéen.
Ces annonces sont-elles à même de redonner un peu de baume au cœur aux producteurs d’Even – 1 500 éleveurs répartis dans 800 fermes qui apportent une partie du lait transformé par Laïta – qui subissent une crise sans précédent ? Sur 2016, ils ont dû faire le dos rond dans l’attente de jours meilleurs.
En prix de base, Even n’a pu les payer qu’à 278 euros la tonne de lait. Les éleveurs laitiers n’étaient évidemment pas mieux lotis ailleurs. Ni en France, ni même en Europe où la course à la production après l’arrêt des quotas laitiers il y a deux ans a placé le marché des produits laitiers dans le tourbillon de la volatilité des prix. Il y a cependant quelques raisons d’espérer un retournement de tendance, avec une production laitière en baisse un peu partout, en Europe comme dans les grands bassins de production dans le monde.
En 2016, « bien que les cotations des ingrédients laitiers secs sont restées basses, le prix de la matière grasse a progressé », observe Guy Le Bars, président du groupe. Aussi sur l’année 2017, Even table sur une prévision de prix payé à la production de 300 euros la tonne de lait en prix de base, auquel s’ajoutent en moyenne 15 euros de primes qualité. Conscient de la nécessité d’accompagner ses producteurs dans l’attente d’un redressement des prix, Even consent cette année à leur redistribuer un complément de prix jamais atteint jusqu’alors de 19 euros la tonne de lait (c’était 12 euros la tonne et 8,50 euros la tonne sur les deux campagnes précédentes) pour qu’ils puissent viser une rémunération de 334 euros les 1 000 litres de lait. Le groupe soutient également les jeunes agriculteurs en leur octroyant 13 500 euros pour la mise en place de leur projet.
Un nouveau directeur général chez Laïta
Après presque huit ans à la direction générale de Laïta et d’Even, Christian Couilleau a transféré en toute discrétion, en décembre dernier, le mandat de directeur général de Laïta à son directeur général adjoint, Christian Griner ; ce dernier faisant déjà office de directeur des opérations de Laïta depuis 2011. À 54 ans, il a fait l’essentiel de sa carrière dans le groupe coopératif voisin Coopagri Bretagne devenu depuis Triskalia, actionnaire minoritaire de Laïta, comme directeur de la communication et de la vie coopérative, puis en tant que directeur de la branche lait (2004-2009). Il a donc participé de très près à la naissance de Laïta. Christian Couilleau demeure le patron d’Even.