La loi de la jungle règne
Le secteur de l'agroalimentaire va-t-il manquer la reprise à cause de la guerre des prix ? Alors que les premiers signaux passaient au vert, les chefs d'entreprise des industries agroalimentaires ont anticipé en janvier une progression de 1 % de l'investissement au 1er semestre 2015 (contre +3 % réalisé en 2014) pendant que l'ensemble de l'industrie manufacturière avance un +3 %. Un moindre optimiste sur fond de rapprochement des centrales d'achats fin 2014, comme le dénonce une nouvelle fois Jean-Philippe Girard, président de l'Ania, avec 29 autres représentants d'organisation, dans le JDD du 26 avril. Et de marteler que face à cette guerre des prix, les budgets de R&D s'amenuisent, les innovations se font plus rares, les investissements se réduisent, les engagements sociaux et environnementaux sont plus difficiles à financer. Tout ça pour quoi ? « Une économie de quelques dizaines de centimes d'euros par semaine » pour le consommateur, qui ne s'en aperçoit même pas. Le président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, Philippe Chalmin, dresse le même constat dans son 4e rapport au Parlement. « Le consommateur est incontestablement le grand gagnant. Le drame est qu'il ne s'en rend pas compte », a-t-il souligné le 21 avril dernier. En revanche, en amont, tous les maillons de la chaîne sont fragilisés, conclut le rapport, chiffres à l'appui. « Au printemps 2015, il n'y a probablement pas un producteur agricole qui couvre l'intégralité de ses coûts de production », estime Philippe Chalmin qui souligne aussi les difficultés de certaines entreprises de transformation dues à la faiblesse des taux de marge nette. L'industrie sonne l'alarme depuis des mois, voire des années (nous nous en faisons souvent l'écho dans ces colonnes) ; un rapport officiel prouve les faits, après un avis de l'Autorité de la concurrence reconnaissant enfin les dangers de la concentration des grandes surfaces. Si après tout ceci il ne se passe rien, il conviendra de constater que la loi de la jungle règne dans les négociations commerciales et d'en tirer les tristes conséquences.