La conjoncture a fragilisé les PME de l’alimentaire
Première industrie, deuxième employeur et troisième force exportatrice française, l’industrie agroalimentaire a encore bien résisté, en 2003, dans un contexte économique difficile. Malgré tout, un certain nombre d’indices montrent que les PME sont fragilisées, «et si l’on n’y prend pas garde, cette fragilisation va s’accroître alors que les grands groupes continueront à progresser» a déclaré d’entrée de jeu Victor Scherrer président de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania), hier, lors de la présentation des résultats annuels de l’industrie alimentaire. Certes, à première vue, les chiffres pour l’année 2003 sont plutôt encourageants : le chiffre d’affaires des IAA est passé de 134 à 136 milliards d’euros (+1,6%), l’emploi a progressé de 0,3% pour atteindre 421 000 salariés -faisant ainsi de l’agroalimentaire le 2e employeur en France, devant le textile et derrière la mécanique-, et le solde des échanges agroalimentaires a progressé de 8% (de 7,6 à 8,2 milliards d’euros). Certes encore, les entreprises françaises dominent largement l’industrie agroalimentaire européenne devant l’Allemagne (136 Mds d’Eur de CA pour 82 millions d’habitants). Mais gare aux challengers que sont l’Italie et l’Espagne, prévient Victor Scherrer.
Les exportations françaises en recul
Pour la première fois, en 2003, l’Italie (103 Mds d’Eur de CA pour 57 M d’hab) est passée devant le Royaume-Uni (100 Mds d’Eur de CA pour 60 M d’hab). Et l’Espagne progresse très vite (59 Mds d’Eur de CA pour 40 M d’hab).
A l’échelon national, certains indices montrent un recul clair des PME (qui constituent 98% du nombre des IAA) par rapport au marché global de l’agroalimentaire. Ainsi la part des PME dans le chiffre d’affaires de l’agroalimentaire est passée de 61% en 1995 à 52% en 2002. En sept ans, la rentabilité relative des PME a chu de 55,4% à 48,8%. Au niveau des exportations, le recul s’avère encore plus marqué : la part des PME dans les exportations a perdu 16,5 points sur la même période, pour atteindre 42,5%. « La perte de compétitivité des PME à l’export est très forte», a commenté Victor Scherrer.
Victor Scherrer, qui est aussi président du conseil de surveillance du Sial, a témoigné : « je le vois bien, les PME sont de moins en moins capables de générer des moyens pour être présentes à l’export». D’une manière générale, les exportations de l’agroalimentaire se sont stabilisées (-0,3 %) à 28,6 Mds d’Eur, en 2003, tandis que les importations ont diminué de 3,3 % pour atteindre 20,3 Mds d’Eur. Sur les trois dernières années, l’industrie agroalimentaire française s’est centrée sur l’Union européenne et a perdu des parts de marché dans le reste du monde (à l’exception de l’Europe hors UE). Une situation qui inquiète l’Ania. « L’image que nous avons à l’étranger ne va plus », a estimé Victor Scherrer qui a reposé la question de l’appui à l’export des IAA françaises. Selon lui, « l’État ne fait pas ce qu’il devrait faire dans ce domaine».
Plutôt que davantage de moyens financiers, le président de l’Ania demande une meilleure gestion de l’argent public. Et de rappeler ses positions sur la Sopexa : « la Sopexa doit être privatisée : il faut que les offices s’en retirent une bonne fois pour toute ! L’État doit pouvoir continuer à financer le réseau de manière contractuelle et tout le reste doit appartenir au secteur privé» (lire LM d’hier). Par ailleurs, Victor Scherrer a exprimé son regret d’un dysfonctionnement du conseil supérieur des exportations agricoles et agroalimentaires (CSEAA) tiraillé entre les ministères du Commerce extérieur et de l’Agriculture.
Victor Scherrer, qui cédera sa place à la présidence de l’Ania dans un mois, a ainsi placé son dernier bilan annuel suivant un angle très international et axé sur les PME. Une tonalité qui laisse présager ses désirs de s’impliquer davantage dans son rôle de président du conseil de surveillance du Sial.