La baguette Label Rouge ne récolte que les miettes
Adulé ou décrié selon sa qualité, le pain a souvent fait débat en France. C’est ce constat qui a motivé la création de Bagatelle, seule baguette ayant le droit de se prévaloir du Label Rouge. « En 1993, suite au décret qui fixe les règles de fabrication du pain de tradition française, tous les grands groupes meuniers ont lancé leurs références. Pour se démarquer, il fallait viser un saut qualitatif, ce que nous avons fait avec la demande de Label Rouge, obtenu en 2002, au bout de 6 ans», explique Muriel Métard, responsable qualité du Club le boulanger.
Détenteur du cahier des charges de la fameuse baguette, ce club reconnu comme groupement qualité n’a pas manqué de travail pour habiliter les moulins fournisseurs. Avant d’obtenir le produit fini, les étapes sont multiples : le blé certifié (CCP), travaillé pour donner de la farine Bagatelle Label Rouge, abouti en fin de chaîne à la baguette Bagatelle. Depuis 2002, date du lancement, le tonnage de farine a quasiment doublé (7 500 t en 2002, 9 340 en 2003, 11 900 en 2004 et 14 300 l’an dernier).
Remise en cause
Pour autant, la diffusion auprès des boulangers n’est pas facile. « Compte tenu de la démarche Label Rouge, il y a une certaine conduite à suivre, comme la tenue de registres où la traçabilité à assurer. Cela ne prend que quelques minutes par jour, mais il faut le dire, la profession de boulanger a du mal à se remettre en cause. Cela constitue un frein », poursuit Muriel Métard. Pourtant, les boulangers « convertis» à Bagatelle présentent de belles progressions dans leurs courbes des ventes, si tant est qu’ils incrémentent leurs tarifs (en moyenne, Bagatelle est vendue 20-30 centimes de plus qu’une baguette standard, et 10 à 20 centimes de plus qu’une baguette de tradition française). « Autrement, les produits se cannibalisent, et il devient difficile d’expliquer la cohabitation, à niveau de prix identique. »
Bagatelle, qui obéit aux conditions du décret pain de tradition française, a convaincu 120 boulangeries, dont le personnel a suivi une formation avant de recevoir une habilitation. Ce qui, à l’échelle nationale, reste minime (il existe plus de 30 000 boulangeries en France). En amont des points de vente, 14 sociétés de meunerie fournissent la farine (dont 7 appartiennent au groupe Générale des farines de France), et font figure de prescripteurs pour les boulangers. À ce jour, ils sont les seuls à commercialiser Bagatelle, les contraintes de production étant incompatibles avec des réseaux plus étendus, comme la grande distribution. Banette a bien essayé d’obtenir un label Rouge il y a quelques années pour une baguette, mais n’a pas insisté après le rejet de son dossier. Carrefour a pour sa part fait une demande pour un pavé Label Rouge, mais le produit est radicalement différent. Non façonné, moins travaillé, il est moins exigeant que la baguette, exercice de style de la profession. Pour le moment, les Français semblent se satisfaire du pain de tradition française, qui représente aujourd’hui 20% des 10 milliards de baguettes vendues chaque année.