Joseph Daul, ou la pratique de l’Europe au quotidien
Auréolé de son titre de « meilleur député européen français » pour son assiduité et le nombre de ses rapports, Joseph Daul poursuit depuis deux semaines une campagne électorale d’explication et de rassemblement dans la grande Région Est, où il figure en tête de la liste UMP. Inlassablement, il développe son thème de « l’Europe au quotidien » devant des auditoires de quelques dizaines à plusieurs centaines de personnes où se côtoient militants, étudiants, jeunes travailleurs, citadins, agriculteurs. Et parfois aussi des opposants politiques, avec lesquels il noue le dialogue sans problème – deux dames se disant « de gauche » lui ont promis de voter pour lui « parce que vous, au moins, on comprend ce que vous dites et ce que vous voulez faire.»
La presse nationale découvre avec intérêt cette personnalité nouvelle au firmament politique. Joseph Daul a notamment reçu pour un grand meeting de soutien à Strasbourg jeudi dernier non seulement Alain Juppé, mais aussi Helmuth Kohl, l’ex-chancelier allemand CDU. Les journalistes qui le suivent ont souligné sa proximité toujours discrète, mais déjà ancienne avec Jacques Chirac, et les liens étroits, facilités par une commune germanophonie, avec l’actuel commissaire à l’Agriculture. Anecdote : visitant une exploitation agricole bourguignonne l’autre jour, il a beaucoup impressionné les éleveurs présents en étant appelé en direct sur son portable par Franz Fischler, qui s’entretient souvent avec lui des problèmes agricoles en cours.
La sanctuarisation du budget de la PAC, une décision capitale
Joseph Daul qui fût, rappelons-le, président de la Fédération nationale bovine et président d’Interbev, a été au Parlement européen un très efficace président de la commission de l’Agriculture. « Mes interlocuteurs agricoles me demandent de continuer à m’investir dans cette commission, mais ce n’est pas comme ça que les choses se passent», explique Joseph Daul. Qui, comme d’autres candidats, constate sinon le désintérêt, du moins l’ignorance de beaucoup d’électeurs sur le fonctionnement des institutions européennes. Il poursuit : « Si les 78 députés français sont éparpillés entre des petites formations sans poids réel, nous n’obtiendrons aucune présidence de commission importante. Les députés allemands ou anglais, et maintenant les Polonais ou les Hongrois ont mieux compris les mécanismes, et leur poids sera proportionnellement plus important. » Joseph Daul, quelle que soit sa future fonction au Parlement européen, restera en prise directe avec les dossiers agricoles. « Nous avons encore des problèmes importants à résoudre au cours de la prochaine législature : l’OMC bien sûr, mais aussi les dossiers du sucre et des fruits et légumes sont parmi les priorités. » Son rôle au Parlement européen, celui qu’on sait qu’il a joué auprès de Franz Fischler dans la réflexion sur Agenda 2000, ses options en faveur d’un « découplage partiel » des aides, tout cela lui vaut de nombreuses questions sur la réforme de la PAC, et sur l’évolution de celle-ci dans les années à venir. « Le président de la République a rendu à l’agriculture française un service dont on ne mesure pas assez l’importance en obtenant la sanctuarisation du budget agricole jusqu’en 2013», souligne souvent Joseph Daul, qui voit chaque jour se briser sur le mur de cette décision à long terme les assauts de tous ceux qui, y compris en France, œuvrent pour un démantèlement de la PAC et de ses budgets.
Transformation réussie
Ses cinq années passées au Parlement européen ont achevé la transformation de Joseph Daul en homme politique complet - certains lui verraient même un destin plus élevé, mais il s’en défend avec énergie. Lui qui, naguère dans les assemblées agricoles, ne brillait pas particulièrement par les dons oratoires, est devenu à la tribune du Parlement européen un redoutable debater, à la réplique vive et souvent incisive - ses adversaires politiques en savent quelque chose. Mais il est aussi resté un responsable éminent de la filière viande alsacienne comme président du directoire de la Copvial, et président de l’Abiva, la société gestionnaire de l’abattoir de Strasbourg. Donc, la taxe d’équarrissage et la machine à classer, il connaît. Vu l’imbroglio de la première, il pourrait peut-être la mettre aux voix au Parlement, ce serait presque plus simple. Quant à la machine à classer les députés, elle a, en tout cas, parfaitement bien fonctionné pour lui.