En quoi l’alimentation biologique est porteuse d’avenir
La valeur ajoutée des filières biologiques se maintient singulièrement jusqu’au consommateur, a-t-il été constaté au colloque « le bio » des chambres d’agriculture, le 30 novembre à Paris. Les participants en ont appris davantage sur ces consommateurs prêts à payer plus cher, sur leurs motivations, et les perspectives d’expansion du marché.
Les distributeurs prêts à « coconstruire »
« La grande distribution est devenue le premier distributeur de produits biologiques », a rappelé Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir. Il s’est dit d’autant plus stupéfait des marges pratiquées sur ces produits par les grandes surfaces. L’UFC a dernièrement observé des prix à la production deux fois plus élevés sous le signe biologique. « À la consommation, le taux de marge en GMS est le même. Donc la marge est double » ; « les enseignes surfent sur le consentement à payer plus cher », s’est-il indigné.
Audrey Pulvar, présidente de la Fondation pour la nature et l’homme, l’invitée d’honneur au colloque, avait fait allusion dans son introduction à ces « distributeurs indélicats ». Hugues Beyler, directeur agriculture de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), a encaissé les reproches sans faillir et défendu le principe de taux de marge égal. Il a justifié la marge des distributeurs par des surcoûts comme la gestion de la saisonnalité, le renouvellement plus fréquent des produits frais ou le conditionnement différencié. Le représentant des distributeurs a estimé au nom de la FCD que le bio n’était pas mature, faisant référence aux à-coups de production et au manque d’organisation. « Nous sommes prêts à coconstruire ces filières », a-t-il déclaré, considérant le potentiel de contractualiser face à une demande solide. « On construira pour créer de la valeur. On ne fera pas de bio low cost », a-t-il promis.
Les parcours sinueux des « mangeurs bios »
Karen Montagne, spécialiste des comportements alimentaires, a témoigné de l’évolution du profil du « mangeur bio » depuis son « portrait-robot » ébauché en 2005 dans le bulletin Nutrisens du Centre de recherche et d’information nutritionnelles (Cern). Ce profil s’est « démultiplié » depuis quinze ans. Il apparaît que la consommation bio évolue le long de parcours de vie au gré d’évènements : par exemple, une crise alimentaire touchant un produit standard au profit de sa version bio, ou une maladie, ou une rencontre qui amène la personne à des questionnements éthiques, ou encore d’un forum sur les réseaux sociaux.
La prévention coûte moins cher que la décontamination
La chercheuse a signalé que des jeunes seniors passent au bio « pour mieux vieillir », et qu’« une génération de jeunes adultes nés dans le bio » trouve normal d’en acheter en grandes surfaces. À l’issue du colloque, le référent bio de la chambre d’agriculture du Gers a constaté : « les consommateurs comprennent bien les principes de l’agriculture bio ». Il s’est demandé comment ils pouvaient croire en l’agroécologie, voyant récemment des syndicats agricoles prônant des pratiques plus responsables défendre l’usage du glyphosate.
S’agissant des résultats du bio sur la santé, l’étude en cours Bionutrinet sur « les comportements alimentaires en fonction des modes de production » n’a pas détecté d’effet direct de l’alimentation biologique. Emmanuelle Kesse-Guyot, qui coordonne le projet à la suite des études Suvimax et Nutrinet santé, mentionne en revanche une propension des consommateurs de bio à pratiquer une activité physique régulière et une meilleure connaissance des besoins nutritionnels. Elle a mentionné une autre étude, publiée en début d’année, mettant en évidence une réduction de 30 % du risque d’obésité parmi des consommateurs réguliers de produits bios depuis cinq ans.
Rémunérer l’atout environnemental
S’agissant d’environnement, les agences de l’eau encouragent la pratique de l’agriculture biologique dans les bassins ou au-dessus des captages. Ils le font avec divers moyens financiers et parce que « la prévention coûte moins cher que la décontamination », a témoigné Patricia Blanc qui dirige l’agence de l’eau Seine-Normandie. Ainsi a-t-elle abordé une idée plusieurs fois évoquée : plutôt que de compenser les moindres rendements ou coûts de production supérieurs de l’agriculture biologique, il conviendrait de la rémunérer pour ses bienfaits environnementaux. Dans sa conclusion, Étienne Gangneron, ex-président de l’Agence bio et référent bio pour les chambres d’agriculture, a annoncé que ces chambres consulaires allaient contribuer à évaluer les « externalités positives » de l’agriculture biologique sur la société. L’idée est de permettre aux collectivités territoriales d’ajuster leurs politiques de soutien, avec ou sans aide spécifique européenne.