En crise, la filière bovine peine à trouver des solutions communes
Les éleveurs du troupeau allaitant et les éleveurs-engraisseurs subissent de graves difficultés économiques. Si le constat est partagé par l'ensemble des maillons de la filière, reste à trouver un consensus sur les remèdes à la crise. Les éleveurs dénoncent le dysfonctionnement des cotations et la faiblesse de l'export tandis que les transformateurs parlent de qualité de la viande et de segmentation.
Nous craignons des gestes désespérés. » Le président de la Fédération nationale bovine (FNB) alertait, le 5 mai dernier, sur la détresse des éleveurs, alors qu'un engraisseur de jeunes bovins venait de commencer une grève de la faim. Deux jours plus tard, les éleveurs bloquaient toutes entrées ou sorties de cinq abattoirs en Bourgogne et Pays de la Loire. La mobilisation s'est ensuite étendue, le 11 mai, à une dizaine de sites dans toute la France, pour viser les trois principaux groupes d'abattage, Bigard, Elivia et SVA. Face à ces actions, Stéphane Le Foll a réuni les acteurs de la filière viande bovine le 12 mai, pour « faire le point sur les difficultés des éleveurs et dresser des perspectives pour la filière », indiquait-il dans un communiqué. « Nous nous sentons totalement soutenus par le ministre », réagissait Jean-Pierre Fleury, président de la FNB, quelques jours après la table ronde. « Mais les éleveurs se sentent seuls. Personne n'a pris la parole lors de cette réunion, à part un abatteur qui nous reproche de nous mêler de ce qui nous regarde pas. Les organisations de producteurs ne montent pas au créneau avec nous. » Le syndicat a donc envoyé un courrier à tous les présidents des organisations de producteurs leur demandant de s'exprimer sur la situation.
Plan de contrôle des cotationsPlusieurs sujets ont été abordés lors de la réunion, dont les cotations. La FNB estime qu'elles ne sont pas le reflet de la fluidité du marché. « Le nombre d'animaux abattus ne correspond pas au nombre d'animaux cotés », déclare Jean-Pierre Fleury. « Certains animaux sont passés sous signes de qualité alors qu'ils ne devraient pas. Cela fait baisser ” les cours. » Le ministre de l'Agriculture a demandé à FranceAgri-Mer de conduire un plan de contrôle, pour « objectiver la situation et corriger les éventuelles dérives ». Autre sujet d'inquiétude, le nouvel étiquetage des viandes. « Je ne dis pas que ce système n'est pas bon, mais il faut s'interroger sur l'impact qu'il a sur la filière », souligne Jean-Pierre Fleury. Apparu en fin d'année dernière dans les rayons libre-service, il définit la tendreté d'un morceau de viande selon un nombre d'étoiles, en fonction du muscle dont il est issu, indépen-damment de la race du bovin. « Le type racial disparaît de plus en plus. Il y a des muscles dont les abatteurs ne savent pas quoi faire », déplore le président de la FNB. À la suite de la réunion, le ministre de l'Agriculture a diligenté une mission pour évaluer l'impact de l'étiquetage des viandes en libre-service dans la grande distribution sur les achats du consommateur et les politiques d'achat des enseignes auprès des abatteurs.
“ Il faut une contractualisation longue
Parmi les différentes pistes évoquées pour améliorer la situation de la filière figure la contractualisation. « Il faut une contractualisation longue, dans laquelle l'ensemble de la filière s'engage, des éleveurs à la distribution », avance Jacques Poulet, directeur du pôle animal de Coop de France. Une solution partagée par la FNB, qui demande toutefois l'intégration du coût de production. « Nous avons un indicateur de l'Idele, validé par l'interprofession. C'est un manque de respect envers les éleveurs de ne pas l'utiliser », s'agace Jean-Pierre Fleury.
Maturation et exportNous savons “ chasser en meute
Autre sujet de discussion, soutenu par Stéphane Le Foll, l'amélioration de la qualité de la viande bovine. Alors que la consommation de steaks hachés augmente en France au détriment du piécé, la FNB estime « que certains types d'animaux, avec des engraissements faibles, n'ont plus rien à faire dans le piécé, car ils le dévalorisent ». Un avis partagé par certains opérateurs de l'abattage. Le syndicat accuse également les procédés français de maturation de nuire à la tendreté de la viande. « En France, les morceaux piécés subissent un choc froid avant d'aller en maturation, comme pour le haché, alors que dans les pays anglo-saxons, les morceaux piécés suivent un refroidissement lent avant la maturation. Ils en font un vrai atout marketing », souligne Jean-Pierre Fleury. Lors de la table ronde, Stéphane Le Foll a demandé la réalisation d'une étude sur le coût de la maturation. ” Enfin, dernière piste pour infléchir la crise : l'export. « Un bovin sur deux est déjà exporté par la coopération », assure Jacques Poulet. « Nous travaillons beaucoup à la prospection de nouveaux marchés. Je peux vous assurer qu'il n'y a pas un seul marché export qui n'est pas regardé par la coopération. Oui, nous savons chasser en meute. On entend régulièrement que les entreprises françaises ne sont pas capables de s'entendre. Mais notre principal problème est la concurrence internationale sur le prix et le cahier des charges imposé. » L'export français devrait bénéficier d'un contexte positif, avec la prochaine obtention du risque négligeable vis-à-vis de l'ESB (voir ci-contre). Face à toutes ces problématiques, Stéphane Le Foll a appelé à un « sursaut collectif ». Il a convié l'ensemble de la filière à un prochain rendez-vous mi-juin, lors duquel il attendra « des propositions concrètes ».