Recherche et développement
Des viandes persillées dans la filière porcine ?
Faisant fi de ces contradictions, le consommateur fuit le gras apparent lors de ses achats de viande fraîche de porc alors qu’il en apprécie les qualités sensorielles à la dégustation. Après le retour en grâce du gras par les médecins, la filière porcine pourrait jouer la diversification en proposant des viandes persillées.
Dans les produits du porc comme en bovin, le gras joue un rôle important sur les qualités sensorielles et nutritionnelles avec des acides gras spécifiques aux produits carnés (EPA, DPA, DHA). « Or, depuis 40 ans, les lipides animaux ont été la cible de politiques nutritionnelles telles que le gras a été réduit de 45 % sur les carcasses de porc et que le gras intramusculaire est également réduit au point de dégrader les qualités sensorielles des viandes et des charcuteries », explique Gilles Nassy, directeur du pôle viandes à l’Institut du porc (Ifip), en introduction de la session de l’institut technique consacrée aux tissus gras, le 16 janvier à Rennes. Il se réjouit du retour en grâce des gras, encore timide cependant. « Lorsque le gras visible est écarté, la viande de porc est une viande maigre », rappelle Jacques Mourot, directeur de recherche à l’Inra. Le principal acide gras qu’elle apporte est l’acide oléique qui est jugé bon pour la santé.
Segmenter les viandes fraîches
« Mais, explique Michel Rieu, directeur du pôle économie à l’Ifip, au moment d’acheter, la couleur et l’aspect sont cruciaux pour le consommateur » qui fuit le gras, alors qu’à la consommation il en préfère la jutosité et les flaveurs. Le gras intramusculaire est une des composantes majeures de la qualité sensorielle de la viande fraîche de porc : fixée à l’abattage, cette variable exige donc d’être traitée en amont, en élevage. « Le porc frais manque de différenciation en France », regrette l’intervenant. « Les produits persillés sont plus goûteux si on sait les faire cuire ; il s’agit d’un segment à relancer pour donner de la valeur aux filières », précise-t-il. C’est ce qui explique au moins pour partie le succès du porc ibérique dans l’Hexagone.
Le gras est également essentiel pour les technologies charcutières. « Même si la flaveur du gras n’est pas recherchée, il permet de développer, selon le traitement technologique, des composés d’arôme issus de la lipolyse qui viennent en complément des dérivés de la protéolyse, des épices et des arômes en formulation », détaille Jean-Luc Martin, expert à l’Ifip. La technologie peut ensuite dégrader la qualité des gras : mieux vaut par exemple « éviter de saler les gras avant leur mise en œuvre technologique », rappelle Aurélie Promeyrat, expert au pôle viandes de l’Ifip.
Du romarin dans l’aliment du porc charcutier
La génétique mais aussi le mode d’élevage et l’alimentation des animaux influencent le taux et la nature des gras. C’est désormais connu pour les oméga 3 apportés par les graines de lin (et donc pas les graines de lin de teillage…). C’est également de mieux en mieux connu pour les antioxydants : « mieux vaut faire consommer aux cochons en phase de finition des antioxydants comme des polyphénols ciblés (avec du romarin), qui présentent de surcroît des effets bénéfiques sur la santé du porc, plutôt que d’en rajouter dans la charcuterie », expliquent Florence Gondret et Bénédicte Lebret (Inra-UMR Pegase).
La difficile question des mâles entiers
Si le gras porte les flaveurs favorables, il concentre également des odeurs désagréables. C’est le cas des composés odorants des porcs mâles non castrés (androsténone, scatol et, dans une moindre mesure, indole). Génotype et conduite alimentaire peuvent être actionnés en plus d’un tri efficace des carcasses en abattoir. Les fibres fermentescibles riches en oligosaccharides et l’amidon cru de pommes de terre distribués, pendant une voire deux semaines, avant l’abattage réduisent ainsi les taux de scatole dans les carcasses.