Fromagerie bio
Altermonts, histoire d’un projet mûrement réfléchi
Neuf paysans se sont associés dans un projet de fromagerie bio au cœur des monts du Lyonnais. Mathieu Gloria, l’un d’entre eux, raconte la genèse de ce projet mûri pendant quatre ans.
Le 4 septembre, la fromagerie collective bio Altermonts, située à Saint-Denis-sur-Coise (Loire), dans les monts du Lyonnais, ouvre ses portes à la presse locale. Le site en fonctionnement depuis le 18 juin n’est pas encore inauguré. Les neuf paysans associés dans cette aventure veulent expliquer les valeurs d’un projet mûrement réfléchi durant quatre ans.
« L’élément déclencheur a été la crise laitière en Europe et en France en 2015-2016. Dans les monts du Lyonnais, zone laitière très conventionnelle située entre 500 et 800 mètres d’altitude, beaucoup se sont posé alors la question de faire du bio, de l’allaitant ou d’arrêter la production », raconte Mathieu Gloria, jeune agriculture, co-associé d’Altermonts.
Un animateur nous a aidés à consolider le groupe
« Quelques-uns étaient déjà en bio et voyaient la crise du lait bio arriver. Plusieurs paysans se sont alors dit qu’il fallait trouver un système entre le 100 % vente directe (déjà répandu dans la région, ndlr) et le 100 % filière longue en conventionnel », explique-t-il. Un projet similaire portant sur du fromage à pâte lactique avait déjà avorté dans la région.
Prudent, un groupe de sept fermes se constitue et organise des réunions ouvertes pendant un an pour mûrir le projet d’une fromagerie qui s’orientera sur des produits peu fabriqués dans la région. Fin 2016, le groupe se recentre autour de quatre fermes (comptant 200 vaches laitières en élevage bio, 280 ha pour 1 million de litres de lait bio), constitué de neuf exploitants, et décide de se faire accompagner par un animateur de l’Association de formation collective à la gestion (Afocg). « Il nous a aidés à consolider le groupe, à se connaître. Aujourd’hui, nous sommes un groupe “béton” capable de prendre des décisions importantes », se félicite Mathieu Gloria.
Un projet permis par Biolait
Fin 2017, l’idée de bâtir une fromagerie se précise. Le groupe fait appel à un expert fromager et fait des tests dans un local provisoire. La production de deux fromages est testée : une meule de 40 kg type gruyère français affiné six mois et une tomme de 2 kg à croûte morgée. Puis s’ajoute la fabrication d’une raclette. « À partir du second semestre 2018, nous avons effectué des voyages d’études d’autres fromageries en Savoie et dans le Doubs, la communauté de communes nous a aussi accompagnés sur le plan financier, et on a travaillé avec Biocoop France », poursuit Mathieu Gloria.
Puis tout s’enchaîne, les premiers plans de la fromagerie sortent en janvier 2019, le montage juridique (une SAS avec quatre associés pour la partie commerciale et une SCI avec neuf associés pour la partie immobilière) et le dossier de financement (avec des subventions du programme Leader, de la Région, une aide de Biocoop sur la partie développement et une campagne de crowdfunding sur Miimosa) sont montés au printemps. La première pierre de la fromagerie est posée en septembre 2019. Plus de 1 million d’euros sont investis dans le projet.
Le bâtiment de 450 m2 peut transformer plus de 1,5 million de litres. « L’objectif au départ est de transformer 45 % de notre volume, le reste étant livré à Biolait qui accepte qu’une part du lait soit transformé dans d’autres fromageries. Sans cela, notre projet n’aurait pas été possible. À terme, on pourra acheter du lait à d’autres exploitations bios », explique Mathieu Gloria.
La relocalisation est possible
Le 18 juin, la fromagerie démarre. « Nous avons embauché un fromager qui s’est formé sur la pâtes pressées cuites durant trois semaines dans le Doubs. Aujourd’hui, nous sommes à 75 % de notre objectif avec 6000 litres de lait transformés par semaine. Avant Noël, nous avons accéléré la cadence », poursuit l’exploitant. La production a commencé par des meules nécessitant 6 mois d’affinage, puis par la tomme et la raclette. Les fromages, à 100 % au lait cru, sont commercialisés à 25 % en vente directe ou locale à moins de 20 km et, pour le reste, dans un rayon de 100 km dans les magasins spécialisés et de petites structures.
Une petite part va en restauration collective d’entreprise. « La fromagerie ne compte qu’un seul salarié, tout le reste – y compris la collecte–, nous nous le partageons entre les associés, et ce, pendant les 2 ou 3 ans qui viennent. Après, on embauchera un second fromager », confie Mathieu Gloria, fier de montrer que « la relocalisation est possible et faisable en collectif ».
Au-delà du bio
Au-delà du bio, les fondateurs d’Altermonts ont inscrit dans leur cahier des charges un maximum d’alimentation à l’herbe. Pour la collecte de lait, un camion Iveco fonctionnant au biogaz a été acheté avec les 40 000 euros récoltés sur Miimosa. Au sein de la fromagerie, la chaleur est récupérée au niveau des groupes froids, 450 m2 de panneaux photovoltaïques vont être installés sur le toit et du biogaz est utilisé pour chauffer le lait. Sur les fermes sont plantées des haies qui sont ensuite valorisées en bois plaquettes.