Restauration collective
« 330 M€ pour un bonus bio et local, ça se trouve ! »
Audrey Pulvar, présidente de la Fondation pour la nature et l’homme, explique les motivations et l’ambition de la proposition de bonus bio et local pour les cantines scolaires, soutenue par Restau’co, et promue sur les réseaux sociaux sous le slogan #Letsbio.
Les Marchés Hebdo : Comment vous est venue cette idée de bonus cantine bio et locale ?
Audrey Pulvar : Cette idée résulte du succès de Mon restau responsable, démarche dans laquelle s’engagent les établissements de restauration collective pour plus de bio et de local dans l’offre aux convives. Il s’agit d’une démarche progressive qui touche aujourd’hui 400 établissements, cela représente 300 000 repas livrés par jour. Ces établissements travaillent avec les producteurs locaux, départementaux et régionaux, les équipes des cantines (aussi bien dans les écoles, les hôpitaux, les crèches et bientôt à l’Assemblée nationale) mettent en place des procédures différentes. Ils ont un autre contact à la matière. La planète est contente et les convives ravis ! Nous sommes un peu victimes de notre succès, les engagements se font désormais à une échelle plus large, comme en Anjou ou en Seine-Saint-Denis. Mais la difficulté, c’est qu’il faut former les différentes équipes, investir dans des équipements (légumerie, recyclage des cartons, cuisson à haute pression…), changer les habitudes de travail, et tout cela a un coût. Dans la mesure où dans la loi des états généraux de l’alimentation, il n’y a pas beaucoup de mesures pour aider au développement du bio, nous proposons un bonus bio et local pour les cantines scolaires.
LMH : Combien coûterait la mesure ?
A. P. : Cette mesure représenterait 164 millions d’euros par an sur trois ans, juste pour les cantines scolaires, et 330 millions d’euros si l’on intègre les Ehpad et hôpitaux. Ce que l’on a ramené à 20 euros par convive et par an.
LMH : Quelle condition poseriez-vous à l’octroi de ce bonus aux établissements ? Comment définissez-vous le local ?
A. P. : Les établissements devraient s’engager dans des démarches Mon Restau responsable ou d’autres ayant pour vocation de sortir des centrales d’achats proposant des plats cuisinés tout prêts pour produire différemment les repas. Le local est défini dans la démarche Mon Restau responsable (voir encadré, ndlr).
On l’a présentée plusieurs fois au ministre de l’Agriculture, sans succès
LMH : Avez-vous présenté la mesure au gouvernement ? Comment avez-vous été accueillie ?
A. P. : Il s’agit d’une mesure que l’on a présentée plusieurs fois au ministre de l’Agriculture, sans succès. Et c’est pour cela que nous faisons appel au grand public.
LMH : Avez-vous reçu le soutien de la restauration collective concédée ? Pourquoi ?
A. P. : Non, ils ne sont pas du tout sur ce créneau-là, ils sont sur la livraison de plats cuisinés tout préparés, le bio ne les intéresse pas !
LMH : Sur fond de restriction budgétaire, il est difficile de croire que la mesure va intégrer le budget 2019, non ?
A. P. : Au début de son quinquennat, Emmanuel Macron a annoncé un fonds de 5 milliards d’euros pour relancer l’agriculture. Mais on ne sait toujours pas quand et comment ce fonds va être débloqué. On pense que dans ce cadre, 330 millions d’euros en faveur d’une restauration collective plus bio et plus locale, cela peut se trouver !
Quelle définition de la proximité
La démarche Mon restau responsable encourage entre autres à développer les produits de proximité « bon pour l’emploi, bon pour le climat », selon la FNH. Pour la fondation, c’est l’endroit où est produit l’aliment qui détermine son niveau de proximité. Derrière cette notion, la démarche encourage des « productions au plus près possible des lieux de consommation pour celles qui se font partout – à moins de 150 km –, mais pour les productions disponibles uniquement dans certaines régions, on sera sur de l’origine France », commente-t-on à la FNH.