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Election présidentielle : des candidats ont fait le show devant les agriculteurs

Invités par le Conseil de l’agriculture française, au lendemain du congrès de la FNSEA à Besançon, Fabien Roussel, Marine Le Pen, Valérie Pécresse, Eric Zemmour et Jean Lassalle se sont prêtés au jeu du grand oral agricole. Pris par la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron avait réalisé l’exercice la veille devant des caméras. Reportage.

Marine Le Pen au congrès de la FNSEA
Marine Le Pen s'est fait huer par le public quand elle a annoncé vouloir créer un statut pour l'animal.
© Nathalie Marchand

Devant un parterre de quelque 1500 agriculteurs, six candidats sont venus à Besançon exposer leur programme agricole et répondre aux questions du conseil de l’agriculture française. Six candidats ou presque Emmanuel Macron, finalement pris par un conseil de Défense sur la guerre en Ukraine, s’étant prêté à l’exercice la veille au soir devant des caméras. Mais que retenir de ces interventions au-delà des programmes déjà présentés ? Retour sur quelques éléments marquants des échanges.


Fabien Roussel conquiert la salle

Alliant humour et formules percutantes, le candidat communiste Fabien Roussel débute l’exercice dès 9h30 et sait conquérir les congressistes de la FNSEA recevant applaudissements et rires francs du public. Parmi les morceaux choisis, cette sortie sur les dégâts récemment occasionnés par des activistes à l’agriculture : « je condamne sans réserve les dégâts sur la retenue d’eau, c’est un acte de vandalisme. L’attaque du train également est inadmissible », assène le candidat. Il lâche ensuite ce beau lapsus qui fait rire la salle : « arrêtons de nous tirer la balle dans le blé ! ».

Le candidat arrive ensuite à se mettre les responsables de la FNSEA dans la poche en déclarant à propos des « corps intermédiaires » : « vous n’allez pas me faire dire que je suis contre les syndicats ! ». Un peu plus tard, il cite sa tirade préférée : « je défends la gastronomie française, une bonne viande, une bonne bouteille, mais aussi une bonne vieille... Heu, une bonne bière ». La salle rit aux éclats ! Christiane Lambert, présidente de la FNSEA et du Caf, lui vient en aide en parlant de la vieille prune servie la veille au soir lors du dîner de clôture de la FNSEA organisé par la FDSEA du Doubs.

Fabien Roussel reçoit toujours l’adhésion du public quand il déclare : « les végétaliens font ce qu’ils veulent mais qu’ils n’imposent pas leur mode de fonctionnement. Je ne souhaite pas imposer des steaks synthétiques ou aux céréales ». A la question de savoir comment il fera pour embarquer « ses partenaires de gauche sur le sujet », le candidat communiste répond sans se démonter : « je leur ferais goûter ! ». Passage réussi.


Emmanuel Macron précise son programme

Puis vient le président-candidat Emmanuel Macron annoncé présent au grand oral agricole, mais finalement retenu pour un conseil de Défense sur les corridors humanitaires en Ukraine. Il s’est toutefois prêté à l’exercice proposé par le Caf, via un enregistrement vidéo effectué la veille depuis le sixième étage de son QG de campagne. « Le pays vous doit beaucoup, grâce à vous nous n’avons jamais manqué de rien sur nos étals pendant la crise du Covid. Vous êtes le ciment de notre république ». Ainsi commence-t-il son discours. Après un bilan du quinquennat, le candidat évoque les priorités d’un éventuel second mandat. Son ambition : « consolider l’indépendance de la France ». A travers une loi d’orientation agricole « dès le début du quinquennat ».

Mais aussi des évolutions au niveau de l’Union européenne. « Je me battrai pour les clauses miroirs et si Bruxelles tarde trop, je prendrai mes responsabilités en interdisant la viande issue d’animaux nourris aux hormones de croissance » lâche-t-il. Emmanuel Macron parle aussi de la place de la France dans la sécurité alimentaire mondiale. « Ce qui devait être planté en Ukraine n’est pas produit. On doit produire plus ». « Produire plus n’est pas un tabou », ajoute-t-il. Il prône la révision de la stratégie de la Ferme à la table tout en respectant la transition agroécologique grâce à l’investissement dans l’innovation. « On a longtemps opposé agriculture et écologie : je pense que collectivement la profession agricole a montré qu’il y avait possibilité de nourrir avec exigences ».

Pour un deuxième quinquennat, il affirme vouloir travailler avec les représentants agricoles de la même manière que pendant la crise de la Covid : « une mobilisation intense, la guerre de mouvement en permanence », résume-t-il. Au passage Emmanuel Macron annonce aussi une loi de simplification pour accélérer les projets de méthanisation. « Il faut accélérer les autorisations et le raccordement au réseau de gaz », précise-t-il ajoutant vouloir aussi développer l’agrivoltaïsme.


Marine Le Pen sur la réserve

La candidate du Rassemblement national monte ensuite sur l’estrade dans un climat plutôt froid et attaque son discours de manière abrupte : « mon projet c’est la souveraineté de notre pays ». Marine Le Pen critique la Pac que « les trois dernières réformes ont envoyé aux pâquerettes », le travail de Julien Denormandie, sans recevoir l’adhésion du public qui apprécie particulièrement le ministre de l’Agriculture, avant d’annoncer la création d’un ministère de la lutte contre les fraudes ou encore l’exonération de la succession à condition de garder l’exploitation agricole pendant 10 ans. Pour lutter contre la pauvreté en France, la candidate annonce une TVA à 0% sur un panier de 100 produits de première nécessité. Puis elle retrouve ses thèmes de prédilection : « les campagnes sont victimes d’une délinquance itinérante bien souvent d’origine étrangère qui font des razzias, il faut renforcer nos frontières et cesser avec le laxisme judiciaire ».

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, la reprend en lui disant que « ceux qui taguent les exploitations ne sont pas des étrangers ». « Oui il y a des activistes politiques mais il y a aussi une délinquance de droit commun », répond la candidate. Marine Le Pen est ensuite emmenée sur le terrain de la protection animale. Mal à l’aise elle explique que « le terme d’élevage intensif ne veut rien dire » et que les agriculteurs sont comme elle : « j’ai des chats, vous des vaches, quand on élève des animaux on les aime ». Quelques applaudissements. Puis elle enchaîne « je souhaite donner un statut à l’animal » et se fait huer ! « Mais arrêtez !….nous travaillerons ensemble pour trouver des solutions », tente-t-elle…


Valérie Pécresse collée sur le foncier

C’est au tour de Valérie Pécresse, candidate Les Républicains, qui reçoit également un accueil assez frais. « Moi présidente, il n’y aura pas de décroissance de l’agriculture, je mettrai fin à Farm to Fork », affirme-t-elle d’entrée de jeu. Et de s’assurer que l’idée de lever les 4% de jachère obtenue par la France à Bruxelles était la sienne. La candidate déroule son programme et annonce la défiscalisation à 95% de la transmission des exploitations dans le cadre familial. « Je veux aussi permettre la féminisation du métier », poursuit-elle annonçant des mesures de remplacement pour les mères et un meilleur accueil des jeunes enfants en milieu rural. Vient le tour des questions, les membres du conseil de l’agriculture française lui demandent comment on valorise l’alimentation avec des repas à 1 euro dans les cantines. « Mais ce ne sera que pour les familles les plus pauvres. On doit connaitre le prix réel de l’alimentation c’est pour ça que je ne veux aucun repas gratuit », répond-elle.

Christiane Lambert l’interroge ensuite sur le sujet du foncier et l’objectif de zéro artificialisation des terres. « Cela ne peut pas se concevoir de la même façon en zone urbaine et en zone rurale. Le zéro artificialisation des terres agricoles peut s’avérer contreproductif si on veut faire des plans filières. Il faut des dérogations en zone rurale. Il faut des logements aussi », tente-t-elle d’expliquer sans recevoir l’adhésion du public. Relancée un peu plus tard sur une éventuelle loi foncière, elle botte en touche : « il faut me dire ce que vous voulez dedans ! ». Son objectif est de faciliter la transmission familiale des exploitations mais elle prévoit aussi une bonification de la retraite pour tout exploitant qui accueille un jeune hors cadre familial sur son exploitation. La candidate termine l’exercice en exprimant sa solidarité avec cet agriculteur de Charente qui a tiré mortellement sur un des quatre cambrioleurs entrés chez lui par effraction !


« Vous aurez le droit de vous défendre » promet Eric Zemmour

Après un court intermède, Eric Zemmour, candidat pour le Reconquête, monte sur la scène et sans un bonjour entame : « l’Etat a fait de vos existences les plus dures qu’il soit. Il vous a trahi parfois jusqu’au désespoir et au suicide ». Et poursuit « il a fait de vous les victimes de l’arrogance parisienne, vous a étouffé sous les taxes, vous êtes pris au piège mais grâce à votre héroïsme discret vous avez tenu bon ! Votre situation me révolte ». La salle reste stoïque. Eric Zemmour annonce vouloir arrêter de signer des traités de libre-échange avec le monde entier, mettre fin à la surtransposition, supprimer les droits de succession sur la transmission familiale d’une exploitation agricole, augmenter la dotation jeunes agriculteurs ou encore simplifier les procédures d’installation. Il annonce aussi « un Patrie-score », pour aider le consommateur à trouver les produits français.

Puis arrive le thème de la sécurité. Comme Marine Le Pen, il déclare : « des gangs, des mafias sont parmi vous, ils menacent la vie à la campagne ». « Avec moi, vous aurez le droit de vous défendre. Vous avez été trop trahis c’est fini », affirme-t-il ensuite. Samuel Vandaele, président des Jeunes agriculteurs, lui demande ce qu’il entend par là. « Il y a de plus en plus d’attaques, par des bandes étrangères qui viennent voler vos outils, vos bijoux, je promets la défense excusable comme cela existe en Suisse depuis 1937 », explique-t-il. Une mesure permettant au juge d’apprécier une légitime défense qui ne soit pas strictement proportionnée à l’attaque. Puis un agriculteur lui demande d’expliquer sa théorie « du grand remplacement de la main d’œuvre saisonnière par des robots ». Eric Zemmour raconte avoir discuté avec un producteur de gariguettes sur le sujet. « Si cette main d’œuvre vient pour une saison et repart, j’autorise ! Mais mieux vaut privilégier la main d’œuvre européenne et il faut absolument essayer d’attirer la main d’œuvre française », répond-il, poursuivant « on peut régler cette question à moyen terme avec de l’innovation ».


Le show de Jean Lassalle

La matinée se termine par Jean Lassalle, plus enclin à faire un show en soulevant rires et applaudissements dans la salle, qu’à délivrer un discours structuré. Il ira jusqu’à susciter des fous rires du côté des représentants du Caf. Le candidat du Parti résistons ! appelle les agriculteurs « mes frangins » leur déclare sa reconnaissance : « l’agriculture a toujours nourri la France et bien au-delà » et reçoit les acclamations du public. Il se montre virulent contre Emmanuel Macron « qui n’a même pas trouvé une minute pour venir voir [les agriculteurs] ». Difficile d’y voir clair dans son projet, il est interrogé sur son projet de ticket paysan et s’étonne que son programme ait été lu !

Le grand oral agricole est fini : Christiane Lambert remercie les candidats venus débattre et les pas moins de 80 journalistes qui ont suivi l’évènement.

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