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Négociations commerciales
La Loi Egalim 2 exacerbe les tensions entre industriels et distributeurs

À un mois de la clôture des négociations commerciales, une faible proportion de contrats était signée. Les tensions sont à leur comble, alors que les distributeurs jouent avec les nerfs des industriels.

Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises, et Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture, à l'occasion du comité de suivi des relations commerciales le 27 janvier 2022.
Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises, et Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture, à l'occasion du comité de suivi des relations commerciales le 27 janvier 2022.
© Twitter

À l’occasion du comité de suivi des relations commerciales le 27 janvier 2022, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a tapé du poing sur la table face à des comportements qui ne respectent pas l’ensemble des dispositions de la loi Egalim 2. À cette date, les négociations annuelles s’enlisaient clairement davantage que les années précédentes. Il faut dire qu’avec l’entrée en vigueur au 1er janvier 2022 des nouvelles dispositions, ces négociations ont également commencé plus tardivement.

Présent lors du comité, Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises, indiquait que « le nombre de contrats signés est plus faible que d’ordinaire et il y a un écart fort entre les demandes tarifaires des industriels et les propositions des distributeurs parfois en déflation ». Entre la hausse des prix des matières premières agricoles, sanctuarisées dans les contrats, et l’augmentation des autres coûts pour les industriels, les discussions sont extrêmement complexes.

Les coopératives laitières ont en moyenne l’équivalent de leur Ebitda à aller chercher. C’est un bon repère pour montrer l’ampleur du sujet

Damien Lacombe, président de La Coopération agricole

Damien Lacombe, président de La Coopération agricole, nous expliquait fin janvier que certaines coopératives laitières étaient encore à enchaîner les rendez-vous. « La situation est bloquée pour certaines. Les rendez-vous se succèdent sans vraiment conclure. Au début, les enseignes refusaient les hausses sur l’amont et l’aval. Depuis, elles sont revenues à la réalité sur la matière première agricole, explique-t-il, mais la situation est très préoccupante. Tout le monde est très anxieux et nerveux sur ces négociations commerciales. Si je parle de Sodiaal, cela serait 180 millions d’euros de hausse de tarif à faire passer. L’agroalimentaire a perdu 1 milliard d’euros ces dernières années. Les coopératives laitières ont en moyenne l’équivalent de leur Ebitda à aller chercher. C’est un bon repère pour montrer l’ampleur du sujet. »

Voir notre dossier : Le point sur Egalim2

Une compétence sur la négociation à développer

À l’occasion d’un webinaire organisé le 13 janvier par le centre de formations de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania Formations) et animé par Nicolas Genty, avocat associé du Cabinet Loi & Stratégie, et le consultant Philippe Duvocelle, Jean-Philippe André, président de l’Ania, note que « la présence de plus de 400 participants montre l’inquiétude de beaucoup d’entreprises qui se trouvent désemparées face à la complexité de la loi et l’attitude à avoir lors de ces négociations ».

Considérant qu’à la toute fin des négociations les distributeurs seront légalistes, il alerte sur « la pression incroyable qu’ils mettent sur les autres intrants non industriels (coût de l’énergie, l’emballage, de l’électricité) qui ne sont pas couverts par la loi qui sanctuarise uniquement les coûts liés à la matière première agricole ». « Revenir à une déflation serait du déni économique », a-t-il insisté, ajoutant que les distributeurs jouent aussi la carte de « la lenteur des négociations ».

Pour Nicolas Genty et Philippe Duvocelle, cette loi remet clairement en avant le besoin de développer une compétence de négociations au sein des entreprises. « Il faut avoir conscience que la loi Egalim 2 change le paradigme de la relation fournisseur - distributeur. L’habitude de la négociation en triple net devient commercialement et juridiquement très dangereuse, pourtant les distributeurs gardent ce principe. La négociation doit se faire sur la base du tarif et non pas sur base du prix n-1. C’est la clé de tout », a expliqué le consultant. « Dans la loi, sont inscrits les principes de déséquilibre significatif, d’avantages sans contreparties proportionnées et désormais de non-discrimination. Ce sont sur la base de ces principes que les contreparties doivent être négociées », a précisé Nicolas Genty.

Un tissu industriel fragile

Derrière ces négociations, le tissu industriel de l’agroalimentaire pourrait continuer de s’affaiblir. « Aucun responsable ne saurait accepter qu’une fois de plus la bataille des parts de marché à laquelle se livrent les distributeurs soit menée en sacrifiant les autres maillons de la chaîne alimentaire », écrivent l’Ania, La Coopération agricole et l’Ilec dans un communiqué commun le 28 janvier.

Il faut sortir impérativement du dogme selon lequel la grande distribution serait responsable du pouvoir d’achat des Français. Cette logique court-termiste fragilise notre tissu industriel et social

Dominique Amirault, président de la Feef

Alors qu’elles avaient réussi à créer des accords avec les distributeurs à la suite de la première loi Egalim, les PME ne semblent pas mieux loties. « À date (fin janvier, NDLR), les distributeurs refusent d’appliquer les demandes de hausse de tarif des industriels PME, d’environ 6 à 8 %. La pression à la baisse est forte sur les produits alimentaires et non alimentaires », nous précise Dominique Amirault, président de la Feef. Il nous confie ses craintes quant aux conséquences sur la vie économique des entreprises. « Il faut sortir impérativement du dogme selon lequel la grande distribution serait responsable du pouvoir d’achat des Français. Cette logique court-termiste fragilise notre tissu industriel et social », estime-t-il.

Un gouvernement déterminé

La loi Egalim 2 met clairement une tension forte au sein des filières. Julien Denormandie estime pour autant qu’elle « a eu l’effet recherché sur la répartition des rapports de force. Sans la loi, la situation serait encore dramatique et encore plus complexe pour le monde agricole. Il y a quand même un engagement clair des industriels et distributeurs de respecter la sanctuarisation de la matière première agricole », a-t-il souligné, lors du point presse suivant le comité. Il a affirmé sa détermination à faire respecter tous les aspects de la loi.

La filière a de nouveau rendez-vous, autour du 20 février, au ministère de l’Agriculture, pour un dernier comité de suivi des relations commerciales, avant la clôture des négociations toujours prévu au 1er mars. Le ministre le souhaitait proche de la finalisation des accords pour « maintenir la pression ».

Pénalités logistiques injustifiées et contrôles renforcés

Des pratiques « indécentes et délétères », aux dires de l’Ania, l’Ilec et La Coopération agricole persistent sur les pénalités logistiques, alors que leur encadrement a évolué avec la loi Egalim 2. Le gouvernement a rappelé que la DGCCRF était mobilisée pour mener à bien les contrôles et les sanctions qui s’ensuivent. Entre le 1er et le 27 janvier, 250 contrôles avaient déjà été menés et le gouvernement vise d’atteindre un millier avant la fin des négociations. « Nous allons mettre une très très très forte pression dans le tube auprès des industriels et des distributeurs pour que la loi soit respectée », a martelé le ministre de l’Agriculture.

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