[Covid-19] Résilience alimentaire : comment la définir et la calculer ?
Définir la résilience alimentaire des territoires, la calculer et promouvoir les moyens de l'améliorer, tels sont les objectifs que se s'est fixé le Conseil national pour la résilience alimentaire qui tenait le 8 avril son premier évènement national.
Définir la résilience alimentaire des territoires, la calculer et promouvoir les moyens de l'améliorer, tels sont les objectifs que se s'est fixé le Conseil national pour la résilience alimentaire qui tenait le 8 avril son premier évènement national.
La crise de la Covid-19 a fait apparaître de nouveaux mots fétiches répétés à l’envi tels des mantras, parmi lesquelles la résilience, souvent associée à alimentaire. Autour de cette notion floue, une association d’intérêt général, le Conseil national pour la résilience alimentaire (CNRA), est née en octobre dernier à l’initiative de Maximilien Rouer, cofondateur de La Note globale. Elle tenait le 8 avril dernier sa première journée parlementaire sur la résilience alimentaire des territoires.
Cela commence par la réduction de nos dépendances aux protéines végétales
Par « résilience alimentaire », « nous entendons la capacité des systèmes alimentaires et leurs entités à fournir une alimentation suffisante, adaptée et accessible à tous, même temps de crise », a défini le président du CNRA en introduction de la visioconférence. La France a fait preuve de résilience alimentaire durant la crise de Covid-19. « Cette crise a joué un rôle de révélateur, pas une seconde nous avons marqué de quoi que ce soit », a déclaré Julien Denormandie dans une vidéo introductive. Mais selon le ministre de l’Agriculture des efforts d’amélioration peuvent être faits. « Cela commence par la réduction de nos dépendances aux protéines végétales pour l’alimentation animale », a-t-il poursuivi, mettant en avant le plan protéines de 100 millions d’euros lancé dans le cadre de France Relance, le « rôle de la Pac pour regagner en souveraineté alimentaire » ou encore l’ancrage de l’alimentation dans les territoires favorisé par les programmes alimentaires territoriaux (PAT), auxquels 80 millions d’euros ont été alloués. « Je vous invite à vous en saisir », a lâché le ministre à son auditoire le 8 avril.
Un baromètre à six indicateurs
Mais pour améliorer la résilience alimentaire des territoires, encore faut-il la mesurer. Pour ce faire, le CNRA a présenté le 8 avril un baromètre faisant la synthèse de données et d’indicateurs existants, avec pour objectif de les rendre lisibles et surtout utilisables par les décideurs et acteurs locaux. Ce baromètre comprend 6 indicateurs (dont les 4 premiers sont issus du projet Crater, établi par les Greniers d’Abondance, et les 2 derniers viennent du projet Ready de l’Inrae) :
- L’adéquation entre la production et les besoins d’un territoire : « Cet indicateur est sorti en octobre 2020 après un an de développement, il utilise les données de Solagro et Parcel », explique Benjamin Cuiller, des Greniers d’Abondance. Il met en regard, pour chaque famille d’aliments, la production agricole du territoire avec les besoins nutritionnels de ses habitants.
- La population agricole : cet indicateur met en lumière la part de la population agricole comparée à la moyenne nationale. La note obtenue par un département est pondérée par un bonus/malus en fonction de l’évolution observée sur les vingt dernières années.
- La politique foncière : cette composante vise à rendre compte de la surface agricole utile disponible par habitant et du rythme d’artificialisation des sols sur les dernières années.
- Les pratiques agricoles durables : cet indicateur évalue le niveau de mise en œuvre des pratiques agroécologiques avec la part de surface en agriculture biologique dans la surface agricole utile du territoire et le score Haute valeur naturelle calculé par Solagro (reposant sur trois indicateurs : diversité des assolements, extensivité des pratiques et densités des infrastructures agroécologiques).
- La présence de réseaux de distribution en circuit de proximité : nombre de points de vente directe pour 10 000 habitants (1)
- La présence d’équipements de transformation : nombre de points de transformation pour 1000 exploitations agricoles (1)
Rééquilibrage entre les circuits courts et longs
Un des postulats du travail sur la résilience alimentaire de l’Inrae est de s’intéresser au « rééquilibrage entre les circuits courts et longs », explique Yuna Chiffoleau, directrice de recherche à l’Inrae. « Il ne s’agit pas de relocaliser mais de reprendre en main les flux alimentaires », poursuit-elle. Et de citer le cas de Montpellier où la moitié des commerçants en fruits et légumes sont dépendants d’un seul maraîcher breton pour l’approvisionnement en tomates. « Il faut s’intéresser aux dépendances : imaginez une perturbation chez ce maraîcher breton, il y aurait beaucoup moins de tomates sur les étals à Montpellier », illustre-t-elle.
20% d’agriculteurs font de la vente directe pour 10 à 15% des volumes alimentaires
« On fait le constat d’une demande de plus de local et de transparence depuis un an, nous accompagnons les producteurs dans ces évolutions pour leur permettre d’évoluer et de s’adapter », témoigne pour sa part Luc Servant, président de la chambre d’agriculture régionale de la Nouvelle Aquitaine.
« 20% des agriculteurs font de la vente directe, mais cela ne représente que 10 à 15% des volumes alimentaires. A côté on a une part très majoritaire qui passe par les circuits longs. Ces filières doivent évoluer pour trouver un équilibre, on pourra avoir cet équilibre au sein même d’une ferme », poursuit-il.
Si déjà on arrive à manger français c’est bien
Dans ce débat sur les moyens d’obtenir une meilleure résilience alimentaire, pas question toutefois de jeter l’opprobre sur les filières longues destinées à la grande distribution, met en garde Christiane Lambert, président de la FNSEA. « Le local c’est au-delà de 50 km, et si déjà on arrive à manger français c’est bien. Les achats en GMS ont aussi un rôle à jouer. Les industries alimentaires durant la Covid-19 ont été capables de répondre à une augmentation de 300% de la demande en pâte ou à une hausse de +44% d’œufs en 15 jours alors que les poules ne pondent qu’un œuf par jour », rappelle la présidente du syndicat majoritaire agricole.
(1) Données collectées par l’observatoire des systèmes alimentaires territorialisé du RMT Alimentation locale en collaboration avec l’Inrae