Choc de compétitivité pour la Ferme France : 25 solutions proposées par des sénateurs
Le Sénat a adopté le 10 mai en commission la proposition de loi transpartisane « pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France ». Retrouvez ses 25 mesures.
Le Sénat a adopté le 10 mai en commission la proposition de loi transpartisane « pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France ». Retrouvez ses 25 mesures.
[Mis à jour le 11 mai à 10h25]
Trois sénateurs, de tous bords politique, Laurent Duplomb (LR), Serge Mérillou (Socialiste) et Pierre Louault (Union centriste) ont présenté hier au Club de la table française leur proposition de loi « pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France ». Une proposition de loi adoptée dans la foulée par la commission des affaires économiques du Sénat après de menus amendements.
Un texte faisant suite à leur rapport publié en septembre 2022 dans lequel les parlementaires constataient : « la Ferme France décroche ». Constat s’appuyant sur l’étude de cinq denrées alimentaires parmi les plus consommées par les Français (pomme, tomate, blé, lait, poulet).
📢 La #ComAfEcoSénat a adopté la proposition de loi transpartisane "pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France".
— Sénat (@Senat) May 11, 2023
Par cette adoption, elle réaffirme son soutien à l’#agriculture française, à sa compétitivité et à sa résilience.
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Face à ce constat, les sénateurs proposent l’adoption d’un plan Compétitivité de la Ferme France à l’horizon 2028. Un plan poursuivant trois objectifs :
- Défendre le cadre normatif et lutter contre les surtranspositions
- Améliorer le cadre fiscal pour favoriser l’investissement
- Encourager l’innovation au service de la productivité et de l’environnement
Un haut-commissaire dédié et un plan quinquennal
Pour y parvenir, la proposition de loi se décline en 26 articles et 25 propositions pour la plupart issues du rapport de septembre 2022.
Ainsi les trois sénateurs proposent sur le premier axe normatif :
- D’instituer un haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires françaises
- La création d’un plan quinquennal de compétitivité pour les filières agricoles et agroalimentaires
- La création d’un fonds spécial, alimenté par une fraction de la taxe sur les surfaces commerciales, destiné à soutenir l'investissement et la recherche des petites filières agricoles, des filières en manque de compétitivité ainsi que la relance de filières en état de crise
Création d’un livret Agri et d’un crédit d’impôt mécanisation
Pour favoriser l’investissement et la production locale, Laurent Duplomb, Serge Mérillou et Pierre Louault avancent :
- La création d’un livret Agri, sur le modèle du livret de développement durable et solidaire
- La mise en place d’un crédit d’impôt pour les investissements de mécanisation dans l’agriculture ou l’agroalimentaire en faveur de la réduction des coûts de production, de l’amélioration de la compétitivité-prix, de l'adaptation au changement climatique ou de la lutte contre les aléas climatiques
- L’augmentation des plafonds de la dotation pour épargne de précaution
- L’expérimentation d’une déduction pour épargne de précaution supplémentaire en cas de contractualisation entre les filières animales et végétales
- L’autorisation de faire usage d’aéronefs sur les terrains agricoles pour permettre une pulvérisation aérienne de précision de produits phytopharmaceutiques
- La possibilité pour les structures agricoles d’effectuer un diagnostic carbone et de performance agronomique des sols cofinancé par l’Etat
- L’amélioration de l’information du consommateur sur la provenance des ingrédients des produits alimentaires transformés
- L’élargissement de la liste de produits éligibles pour l’atteinte du seuil de produits de qualité et durables devant composer les repas en restauration collective aux produits bénéficiant d’une démarche de certification de conformité des produits (CCP).
Surrèglementation, Anses et réserves de substitution
Pour lutter contre la « surrèglementation en matière agricole », la proposition de loi transpartisane instaure :
- Un principe de non transposition sauf motif d’intérêt général suffisant qui complète les missions du Conseil d’Etat
- Une mission complémentaire à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) afin qu’elle dresse dans ses décisions un bilan « bénéfice-risque » en matière de santé humaine, environnementale et économique, de sa décision (avec mise en place délai de grâce dans le cas d’un retrait d’autorisation de mise sur le marché d’un produit)
- La remise par le Gouvernement sous un an d’un rapport établissant un bilan depuis 2017 des mesures d'encadrement des pratiques agricoles
- Le statut d’intérêt général majeur pour les ouvrages ayant vocation à prélever et stocker de l'eau à des fins agricoles
- Une concertation large en amont des projets d’envergure dans le cadre des PTGE (projets territoriaux de gestion de l’eau)
- Une durée réduite des contentieux relatifs aux projets d’ouvrages de prélèvement et de stockage d’eau à usage d’irrigation
Phytos : la séparation de la vente et du conseil remise en cause
Par ailleurs, la PPL revient sur l’interdiction des remises, rabais et ristournes à l’occasion de la vente de phytopharmaceutiques et remet en cause le principe de séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques.
Le TO-DE élargi aux Cuma et à la collecte de lait en zone de montagne
Sur la question des charges sociales des structures agricoles et agroalimentaires, le texte prévoit :
- D’établir le secteur agricole comme secteur prioritaire en tension au regard des obligations de recherche d’emploi des demandeurs d’emplois
- De mettre en place une expérimentation dans les départements volontaires et dans des conditions précisées par décret, permettant un cumul limité dans le temps d'une activité rémunérée et du bénéfice du revenu de solidarité active
- De pérenniser le dispositif d'exonération applicable pour l'emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d'emplois (TO-DE), et d’étendre le champ des bénéficiaires aux Cuma aux travailleurs effectuant la collecte de lait en zone de montagne.
- D’exclure les entreprises agricoles et agroalimentaires de l’application du bonus-malus sur les contrats courts
- De pérenniser et d’augmenter le taux du crédit d’impôt pour dépenses de remplacement.
Enfin en matière fiscale, les sénateurs préconisent :
- L’indexation sur l’inflation de seuils d’exonérations de l’impôt sur le revenu
- La sécurisation du taux de TVA applicable à toutes les prestations d’équitation
85 amendements et une motion de rejet
Les sénateurs qui avaient déposé 85 amendements sur le texte l'ont légèrement modifié après discussion en commission, le texte devant désormais être examiné en séance plénière à partir du 16 mai Opposés au texte, les sénateurs du groupe Écologiste-Solidarité et Territoires ont déposé une motion de rejet préalable. Selon le sénateur écologiste Joël Labbé, le groupe parlementaire considère que la PPL « n’a pas lieu d’être » alors que des consultations sont en cours sur le projet de loi d’orientation agricole, porté par le gouvernement et qui doit être déposé à l’automne, rapportent nos confrères d'Agra Presse. Ils avaient, par ailleurs, déposé plusieurs amendements de suppression sur des articles, dont l’autorisation de l’usage de drone pour la pulvérisation de produits phytosanitaires et la reconnaissance des ouvrages de prélèvement et de stockage de l’eau comme étant « d’intérêt général majeur ».
Oui, avec Daniel et nos collègues, on fera tout ce que l’on peut pour défendre un autre modèle agricole, respectueux des paysannes et paysans, de la biodiversité, des pollinisateurs et de l’ensemble des équilibres environnementaux. Certes, on est minoritaires, mais on se bat ! https://t.co/x3AKlx5hJO
— Joël Labbé (@JLabbeSenat) May 10, 2023
Malgré ces oppositions, le texte a été adopté sans grand changement par la commission des Affaires économiques. Laurent Duplomb cosignataire de la proposition de loi s'est félicité auprès de nos confrères d'Agra Presse d'ajustements destinés à "affiner le texte".
Deux amendements complètent l’article 13 portant sur les missions de l’Anses. Le premier donne la possibilité au gouvernement de suspendre une décision de retrait de mise sur le marché de produits phytosanitaires prononcée par l’agence. Et le second prévoit que le directeur de l’Anses puisse se dessaisir et renvoyer une décision au ministre de l’Agriculture.
Une « lettre au père Noël de la FNSEA » dénoncée par Que Choisir
Des ajustements qui ne devraient pas calmé la colère d'Alain Bazot, président de l’UFC Que Choisir, qui dénonçait la veille dans un billet « la profonde régression consumériste et environnementale », que constituerait selon lui d’adoption de ce texte. Le président de l’association consumériste y voit « une véritable lettre au Père Noël de la FNSEA avec en rayon une batterie de mesures que le lobby du « toujours produire plus » défend de longue date, son auteur, le Sénateur Laurent Duplomb qui se fait ainsi le porte-voix d’une agriculture toujours plus intensive ».
Proposition de loi « Ferme France » : Alain Bazot exhorte les Sénateurs à rejeter cette proposition de loi dévastatrice pour l'environnement et la santé des consommateurs ! https://t.co/XhwxI4kCsr @MFesneau @PatrickKanner @ElianeAssassi @f_patriat @ClaudeMalhuret… pic.twitter.com/MU7Lqffdgq
— UFC-Que Choisir (@UFCquechoisir) May 10, 2023
Deux propositions de loi également déposées par des députés
A noter que des députés du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale ont déposé, le 25 avril, une proposition de loi « visant à améliorer la compétitivité des fermes françaises », reprenant certaines propositions du texte des sénateurs. Parmi elles : la création d’un « livret Agricole » pour financer des investissements dans les exploitations ou encore un article visant à « lutter contre les transpositions excessives des normes européennes par la création d’un haut‑commissaire chargé de les identifier ».
Par ailleurs ce jeudi 11 mai, l'Assemblée examine en séance publique la proposition de résolution visant à lutter contre les sur-transpositions en matière agricole, portée par le député Renaissance et ex-ministre de l'Agriculture Stéphane Travert. Un texte qui vise à instituer le principe "pas de suppression sans solutions" pour les produits phytosanitaires.