« La ferme France a besoin d’un choc de compétitivité »
En organisant une table ronde sur la perte de compétitivité durant son assemblée générale, l’UGPVB a mis l’accent sur un processus lent qui met à mal la souveraineté alimentaire de la France.
En organisant une table ronde sur la perte de compétitivité durant son assemblée générale, l’UGPVB a mis l’accent sur un processus lent qui met à mal la souveraineté alimentaire de la France.
« La ferme France décroche » et elle a besoin « d’un choc de compétitivité » pour retrouver sa place de grande puissance agricole européenne, mentionnait un rapport de la commission des affaires économiques du Sénat rendu public le 28 septembre dernier.
Un des rapporteurs de ce document était présent à Saint-Pol-de-Léon, dans le Finistère, lors de l’assemblée générale de l’Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB), le 2 décembre. Pour Pierre Louault, sénateur d’Indre-et-Loire, le recul de la France « du deuxième au cinquième rang des pays exportateurs agricoles mondiaux découle aux deux tiers d’une perte de compétitivité imputable à la hausse des coûts de production (fiscalité, coûts de main-d’œuvre, surtranspositions trop nombreuses), à des fermes plus petites que celles des grands pays agricoles européens, un climat politico-médiatique délétère etc. »
Ne pas tout miser sur la montée en gamme
Le recul de la compétitivité agricole de la France résulte aussi de choix politiques, en particulier la stratégie de la montée en gamme pour le marché intérieur qui a servi de Cheval de Troie aux importations, poursuit en substance Pierre Louault. « L’importation et la compétitivité-prix, c’est le vrai danger pour la souveraineté alimentaire aujourd’hui », souligne Arnaud Degoulet, président du groupe coopératif Agrial et vice-président de la Coopération agricole. À ses yeux, il est risqué de tout miser sur la montée en gamme parce qu’elle ouvre encore plus grand la porte aux importations, poursuit-il en substance. Il n’y a qu’à voir « la restauration hors domicile qui s’approvisionne beaucoup à l’importation. On confond trop souvent nutrition et alimentation ». La montée en gamme ne doit pas être la réponse unique. À ce titre, la filière tomate est un bon exemple. « Le marché est monté en gamme depuis vingt ans en oubliant le créneau du premier prix laissé aux Espagnols et aux Marocains », déplore Pierre-Yves Jestin, président de la coopérative Savéol. Résultat, on sent que le marché se complique passé le 20 du mois quand les consommateurs ont moins de pouvoir d’achat. Alors comment faire de la compétitivité un enjeu de souveraineté dans un marché en évolution constante ?
Améliorer la compétitivité hors coûts
Le rapport sénatorial suggère de réduire le coût de la main-d’œuvre en agriculture et en agroalimentaire, stopper les surtranspositions réglementaires, faire de la France un champion de l’innovation, etc. Cependant, Arnaud Rousseau, président d’Avril souligne qu’il n’est « pas raisonnable d’abaisser le coût du travail en France » pour améliorer la compétitivité-coût. Miser sur la compétitivité hors coûts lui semble en revanche plus pertinent. « Il y a des normes à simplifier, des investissements à réaliser pour réussir des bonds technologiques en matière d’innovation, par exemple dans le domaine de la décarbonation », dit-il. Interrogé sur ce sujet stratégique, le directeur régional de l’agriculture en Bretagne, Michel Stoumboff s’en est sorti par une pirouette. « Dans les années 1950, la Bretagne a inventé l’agriculture dont la France avait besoin. Pourquoi n’inventerait-elle pas l’agriculture dont la France aura besoin demain ? »