la minute droit
Vins désalcoolisés : quelle est la réglementation ?
Les vins et boissons à faible degré et sans alcool se développent. Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats experts du droit vitivinicole chez JP Karsenty & Associés, rappellent les bons termes à utiliser pour présenter ces produits.
Les vins et boissons à faible degré et sans alcool se développent. Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats experts du droit vitivinicole chez JP Karsenty & Associés, rappellent les bons termes à utiliser pour présenter ces produits.
Un vin peut-il se définir comme sans alcool ?
Un « vin » sans alcool ne peut en principe être appelé vin. En effet, selon la définition de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), le vin est « exclusivement la boisson résultant de la fermentation alcoolique complète ou partielle du raisin frais foulé ou non ou du moût de raisin. Son titre alcoométrique acquis ne peut être inférieur à 8,5 % vol. ». Mais face au développement de ce type de produit, l’Union européenne a réglementé leur dénomination. Le règlement européen n° 2021/2117 du 2 décembre 2021 prévoit ainsi deux nouvelles mentions d’étiquetage pour les vins ayant subi un processus de désalcoolisation :
- La mention « vin désalcoolisé », pour un vin qui possède un taux d’alcool non supérieur à 0,5 % vol. ;
- La mention « vin partiellement désalcoolisé », pour un vin ayant un taux d’alcool supérieur à 0,5 % vol. et inférieur au titre alcoométrique minimal imposé par son cahier des charges.
Ces mentions concernent les vins tranquilles ainsi que les vins mousseux ou pétillants.
En outre, la réglementation européenne distingue les vins AOP/IGP des vins sans IG (VSIG). Concernant les AOP/IGP, seule la dénomination « vin partiellement désalcoolisé » est autorisée, sous réserve que le cahier des charges le prévoie.
Le règlement européen mentionne également trois processus de désalcoolisation autorisés. Ce sont l’évaporation sous vide partielle, les techniques membranaires (osmose inverse) et la distillation.
Quelle est la position de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur l’étiquetage de ces produits ?
L’administration en charge de la répression des fraudes est de plus en plus vigilante concernant l’étiquetage des vins et des boissons à faible degré et sans alcool. Dans une communication d’avril 2022, la DGCCRF considère que le fait d’indiquer qu’un vin est sans alcool, avec les mentions « vin sans alcool », « sans alcool », ou l’indication « 0,0 % vol. », ne serait pas conforme à la réglementation, sauf si la présence d’alcool n’est pas détectable à l’analyse (teneur en alcool inférieure à 0,1 %). Selon la répression des fraudes, l’usage de ces dénominations pourrait être trompeur pour le consommateur dans la mesure où le produit contient toujours un minimum d’alcool même après le traitement de désalcoolisation.
Par conséquent, si le règlement européen permet l’usage encadré des dénominations « vin désalcoolisé » et « vin partiellement désalcoolisé », les autres mentions sont déconseillées par l’administration.
Comment indiquer le degré d’alcool sur l’étiquette ?
L’indication du degré d’alcool n’est pas obligatoire pour les boissons dont le taux d’alcool est inférieur à 1,2 % vol. Toutefois, pour une meilleure information des consommateurs, l’administration précise qu’il est possible d’indiquer pour un vin désalcoolisé ou partiellement désalcoolisé la mention « alc. inférieur à X % vol. », le « X » faisant référence, selon l’administration, à la limite supérieure constatée par le professionnel.
Quelles sont les règles pour les boissons issues de moûts de raisin mais non fermentées ?
Il existe, à côté des vins désalcoolisés, des boissons sans alcool non fermentées qui sont élaborées à partir de moûts de raisin. Ces boissons, qui imitent le goût du vin et dont le packaging reprend l’univers du vin, ne peuvent pas utiliser les mentions « vin désalcoolisé » ou « vin partiellement désalcoolisé ». En revanche, dans la mesure où ces boissons ne contiennent pas d’alcool, les mentions « sans alcool », ou l’indication « 0,0 % vol. » doivent pouvoir être employées.
« L’administration en charge de la répression des fraudes est de plus en plus vigilante concernant l’étiquetage des vins et des boissons à faible degré et sans alcool »
Pas encore de transposition pour les AOP et IGP françaises
La désalcoolisation partielle est encore à l’état de discussion au sein des comités nationaux viticoles des appellations d’origines et des indications géographiques protégées de l’Inao, qui suivent les travaux en cours à l'OIV sur le sujet. « Aucune décision ni aucune doctrine n’ont été validées », fait savoir l’institut national. À ce jour, aucune AOP ou IGP n’a donc encore pu faire de demande d’introduction dans son cahier des charges.
Retrouvez les précédents articles de la rubrique La minute droit.
Distillation de crise : veillez à bien respecter les règles !
Coopérative viticole : un engagement très encadré
« Les AOP et IGP viticoles bénéficient d’une protection juridique importante »
Faut-il déposer le nom de son vin pour le protéger ?
La jurisprudence des CVO viticoles évolue
Étiquettes de vin : des règles spécifiques pour certains cépages
L’usage du mot nature pour l’étiquetage d’un vin s’est-il clarifié ?
Quelle attitude adopter face à une poursuite pour fraude vitivinicole ?