Hygiène de chai : traiter l’eau pour mieux nettoyer
La qualité de l’eau de lavage, notamment sa dureté, joue sur l’efficacité du nettoyage à la cave et sur le volume d’effluents.
La qualité de l’eau de lavage, notamment sa dureté, joue sur l’efficacité du nettoyage à la cave et sur le volume d’effluents.
Il en va de l’hygiène des chais comme de la lessive : la qualité de l’eau influe sur l’efficacité du nettoyage. « Le premier paramètre à prendre en compte est la dureté de l’eau, c’est-à-dire sa teneur en calcium et en magnésium, explique Francesco Dragotto, manager Food and detergency chez AEB-Group. Les ions minéraux vont se combiner avec des souillures comme les tanins et gêner leur détachement ou leur solubilisation lors du nettoyage. En plus, ils diminuent les propriétés détergentes de certains nettoyants tensio-actifs. » En bref : plus l’eau est dure, moins elle nettoie.
L’autre impact négatif bien connu des eaux dures est le risque d’entartrage des parois et conduits avec le tartre minéral. Distinct du bitartrate organique du vin formé d’acide tartrique et de potassium, le tartre minéral est lui majoritairement composé de calcaire (carbonate de calcium). Pas très dangereux en tant que tel, il va cependant se déposer et augmenter la rugosité des surfaces. « C’est alors une porte ouverte à l’accrochage de souillures organiques (protéines, matières colorantes, polysaccharides…) et de biofilms de microorganismes. » Ces dépôts se forment d’autant plus que la température de l’eau de lavage est élevée et que son pH est basique.
Des séquestrants pour piéger le calcium
Que doivent faire les vignerons pour gérer ces phénomènes ? D’abord se renseigner sur la qualité de leur eau de réseau ou faire une analyse pour les eaux de forage. « Il est conseillé d’agir si la dureté de l’eau dépasse 20 à 25°f, prévient Christophe Duperoux, responsable marché vin chez Diversey. C’est le cas de nombreux vignobles comme les Charentes ou la Champagne par exemple ». L’idéal est alors d’opter pour un adoucisseur d’eau à base de résines qui captent les ions calcium. Les premiers prix commencent à 50 € HT mensuels en location, entretien compris, ou 2 000 € à l’achat. « Beaucoup de gros domaines ou négociants s’équipent d’abord pour les postes clés comme la régénération des filtres cartouche ou la stérilisation du groupe d’embouteillage. Sinon il faut opter pour des produits de nettoyage contenant des molécules qui vont éviter les dépôts de tartre minéral : soit des séquestrants (comme l’EDTA), qui vont piéger le calcium et le magnésium de l’eau, soit des inhibiteurs d’entartrage (comme le gluconate). Le surcoût est de 5 à 10 % par rapport à un nettoyant classique. » On peut cependant espérer une meilleure efficacité de lavage avec moins d’eau.
Réduire la dureté de l’eau permet également des économies d’énergie, par exemple pour les échangeurs thermiques. « Les dépôts calcaires dans les circuits internes font écran entre le fluide et le moût et on perd en efficacité. Détartrer régulièrement les circuits avec des produits acides améliore le rendement énergétique », explique Christophe Duperoux.
Il n’est pas rare non plus de traiter l’eau de lavage des fûts avec un filtre à charbon pour piéger les ions chlore. L’objectif est alors organoleptique : il s’agit d’éliminer au maximum tout risque de contamination des vins par des molécules de type chloroanisoles, responsables de goûts moisis-liégeux.
Décrypter
Qu’est qu’une eau dure ?
La dureté de l’eau correspond à sa teneur en ions calcium (Ca2+) et en ions magnésium (Mg2+). On l’exprime en degré français TH (°f). 1°f correspond à une teneur de 4 mg/l de Ca2+ ou 2,4 mg/l de Mg2+. En France, la dureté de l’eau du réseau varie de 0 à plus de 40°f selon les régions. Des eaux minérales comme Contrex ou Hépar dépassent largement les 100°f.
Projet Minimeau: réduire la consommation d’eau
L’IFV est partenaire du projet Minimeau, lancé en 2018 pour quatre ans et financé par l’ANR, l’Agence nationale de la recherche. Son objectif est de mettre au point des outils pour minimiser les consommations d’eau dans les industries agroalimentaires. Il étudie notamment les possibilités de réutilisation des eaux de rinçage, par exemple pour prélaver une deuxième cuve ou laver les sols, mais aussi les possibilités de leur recyclage par décantation, filtration, traitements membranaires… Les résultats finaux sont attendus en 2021.