Se lancer dans le négoce pour vendre du vin malgré le gel
Pour préserver son potentiel commercial malgré un épisode de gel, la voie du négoce est empruntée avec succès par certains domaines viticoles. C’est une stratégie à long terme plus qu’un outil ponctuel.
Pour préserver son potentiel commercial malgré un épisode de gel, la voie du négoce est empruntée avec succès par certains domaines viticoles. C’est une stratégie à long terme plus qu’un outil ponctuel.
Suite à la perte de 90 % de la récolte pour cause de gel en 2016, le domaine Grosbois implanté sur l’AOP chinon, s’est résolu à aller chercher du raisin ailleurs. « J’ai fait le tour de France », raconte Nicolas Grosbois, le vigneron. C’est à Gaillac qu’il a trouvé le rouge d’un profil « assez léger, avec de la fraîcheur » dans la lignée de sa cuvée d’AOP chinon entrée de gamme, « La cuisine de ma mère ». Ainsi est née la cuvée « La cousine de ma mère », vendue en vin de France sur le marché français.
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Dialoguer avec son réseau commercial
Nicolas Grosbois se rappelle des réserves de son entourage, jugeant l’aventure risquée. Il a interrogé son réseau commercial qui a trouvé ça osé mais a adhéré au résultat. Le succès commercial a été au rendez-vous et la cuvée s’est installée dans la gamme. Mais le domaine développe aussi ses achats de raisin sur Chinon. « Notre marché a besoin d’avoir du chinon, considère le vigneron. Il faut être fort chez soi ».Amélie et Vincent Dugué, à la tête des Frères Couillaud, à La Regrippière, en Loire-Atlantique, ont surmonté le même genre de doute commercial lorsqu’en 2012, ils ont réactivé une structure de négoce en sommeil. Une petite récolte menaçait leur dynamique commerciale. « Nous n’étions pas sereins d’opter pour du négoce car nous étions dans une logique de vignoble familial, propriétaire récoltant », témoigne Vincent Dugué. Mais leur importateur américain les a encouragés. Dédiée à l’export, l’activité négoce a permis de développer d’autres marchés comme le Canada ou la Suède. Elle représente désormais la moitié des volumes commercialisés.
Préserver la philosophie du domaine
Pour Nicolas Grosbois, le défi est d’assurer des volumes conséquents tout en gardant la même philosophie. « C’est ça qui fait que l’on est droit dans ses bottes et que les distributeurs suivent. » Il a par exemple voulu des vendanges manuelles. Les raisins sont vinifiés sur place, dans l’esprit de ses propres vins. Vincent Dugué alerte aussi sur l’exigence qualitative. « Ce n’est pas que du prix. Il faut être en phase avec les vignerons. » Les Frères Couillaud travaillent de façon stable avec cinq vignerons représentant les trois quarts de la production. Il n’y a pas de contrats écrits mais « des contrats moraux, récurrents ». D’autres vignerons complètent les achats selon les années.
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Une activité qui se gère à long terme
« L’activité de négoce s’organise avec un stock », alerte Nicolas Grosbois. Il considère qu’il faut pouvoir financer deux ans de stocks. Même constat pour Vincent Dugué. « C’est un engagement financier », admet-il. Tout en stockant lors de beaux millésimes, il dit aussi éduquer ses acheteurs à ne pas être sur le dernier millésime. Face à sa demi-récolte de 2021, le domaine estime ses besoins couverts grâce aux achats réalisés dès 2020 et avant le gel.
Dans le contexte d’un aléa généralisé comme en 2021, le négoce comme arme ponctuelle devient d’un secours limité comme en témoigne Robert Martin du domaine de la Denante, à Davayé, en Saône-et-Loire. Le domaine recourt régulièrement au négoce mais uniquement en complément pour quelques appellations. « Nous aurions aimé monter un peu en puissance sur le négoce cette année », confie le vigneron. Mais face à une hausse des prix de 30 à 40 %, le domaine se résout à compter sur ses stocks pour répondre à ses marchés.
Chez Les Frères Couillaud, le prix est fixé par rapport au millésime « mais si ça flambe trop, on lisse le prix sur deux ou trois millésimes », détaille Vincent Dugué. La fidélité des liens permet aussi au domaine d’être privilégié par rapport à d’autres en cas de tension sur les volumes.
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Quelle structure juridique envisager ?
Pour développer une activité de négoce, le vigneron doit demander un second numéro d’entrepositaire agréé. Créer une société spécifique n’est pas obligatoire mais présente plusieurs avantages : séparation plus claire, davantage d’opportunités fiscales, indépendance financière des deux structures, valorisation de chaque activité plus facile en cas de vente, possibilité d’inclure d’autres associés…
Une exception à la demande d’un autre numéro d’entrepositaire agréé est définie par l’arrêté du 4 août 2017. En cas de sinistre climatique, il permet d’acheter des vendanges ou des moûts pour compléter la production. Le volume final ne peut dépasser 80 % de la production moyenne de vin déclarée au cours des cinq dernières années. Les vendanges achetées doivent être notées sur la déclaration de récolte et de production du viticulteur acheteur, et retracées dans son registre vitivinicole, indique l’arrêté.