Restaurer une maison pour accueillir des saisonniers viticoles
Jérôme Coursodon, vigneron à Mauves, en Ardèche, a investi dans une maison afin d’y loger des saisonniers. Il croit en cet atout pour fidéliser de la main-d’œuvre même si ces dernières années, cela n’a pas été probant.
Jérôme Coursodon, vigneron à Mauves, en Ardèche, a investi dans une maison afin d’y loger des saisonniers. Il croit en cet atout pour fidéliser de la main-d’œuvre même si ces dernières années, cela n’a pas été probant.
À l’exception d’un hectare, toutes les vignes du domaine Coursodon sont situées sur l’appellation saint-joseph. Environ 80 % d’entre elles sont en pente, plantées en échalas. Le besoin de saisonniers est donc particulièrement prégnant. Compte tenu de la concentration des activités viticoles et arboricoles dans cette partie de la vallée du Rhône, les saisonniers sont très recherchés. Ils viennent de toujours plus loin. Qu’ils trouvent à se loger est donc un problème de plus. « Chacun a son réseau pour recruter », observe Jérôme Coursodon, à la tête du domaine familial. De mi-avril à juillet, il lui faut idéalement une vingtaine de personnes en plus des cinq permanents.
Une capacité de neuf personnes à terme
En 2013, il a eu l’occasion de louer un appartement dans Tournon, à 3 km du domaine. Il a pu y loger quatre ouvriers espagnols qui sont venus quatre ans de suite. Puis il a recruté une personne bulgare qui a fait venir d’autres saisonniers. Constatant que proposer un logement avait contribué à fidéliser ces saisonniers, il a pérennisé cet atout en rachetant l’appartement en 2017. Il y a fait quelques travaux. Mais des problèmes récurrents avec un voisin l’ont amené à penser à une autre solution.
Il a acquis la conviction qu’il fallait pouvoir proposer des logements indépendants plutôt que de type dortoir, même si cela implique un coût supplémentaire, pour limiter d’éventuels problèmes de cohabitation. « L’idéal est d’avoir des gens qui se connaissent. C’est ce que l’on a eu la chance d’avoir avec notre groupe d’Espagnols mais ce n’est pas évident à reproduire. Souvent nous avons des personnes qui ne se connaissent pas et qui peuvent être de nationalités différentes », détaille-t-il.
Des travaux de rénovation en partie faits maison
Pour des raisons de coût et parce qu’une partie des travaux est assurée par lui-même et des membres de l’équipe, l’aménagement est réalisé « au fur et à mesure, selon le temps et le budget disponibles ». Dès l’achat, l’étage a été rénové pour disposer de trois chambres équipées de placards et d’une salle de bains.
Cinq personnes peuvent potentiellement y loger. La cuisine, encore en bon état, n’a pas fait l’objet de travaux pour l’instant. Le rez-de-chaussée, ancien garage, a été mis à disposition gratuitement en mode camping dans un premier temps. Mais profitant d’un peu d’avance dans les travaux à la vigne, Jérôme Coursodon a initié la deuxième phase de son projet : y aménager deux studios indépendants permettant de loger à terme quatre personnes. Il espère être prêt pour mai prochain.
La difficulté de recruter reste majeure
La maison a été achetée à titre privé et elle est louée en meublé à l’exploitation. La possibilité d’accéder à une habitation est spécifiée dans les annonces de recrutement, sans détailler le type de logement. Les détails sont donnés lors du premier contact. Le logement est facturé 100 euros mensuels par personne. « Si le travail s’est bien passé, ce loyer n’est pas retenu le dernier mois, comme une prime », précise le vigneron. Ce loyer couvre les frais d’eau et d’électricité mais ne rentabilise pas l’investissement. Machines à laver le linge et la vaisselle sont à disposition. Le Wifi est aussi disponible. Jérôme Coursodon souligne que c’est un argument absolument essentiel pour ces personnes qui viennent de loin.
À l’usage, cette offre d'hébergement satisfait Jérôme Coursodon, soucieux de proposer des bonnes conditions et d’avoir un atout de plus. Mais il constate que ça n’est pas magique. Cette année, il avait réussi à recruter trois saisonniers en Espagne. Mais au final, entre problème de santé et de motivation, une seule personne est restée dans le logement de 90 m2. Le vigneron continue tout de même d’espérer avoir plus de chance les fois prochaines. Pour lui, l’idéal reste de trouver des personnes en petits groupes.
D’autres utilisations envisagées pour le logis
Le logement fait partie de différents moyens qu’il développe pour gérer la pénurie de main-d’œuvre. Un autre axe est la souplesse. Il y a quelques années, il refusait des personnes disponibles seulement en demi-journée ou sur une période plus courte que souhaitée. Aujourd’hui, il accepte. Il a ainsi un saisonnier retraité qui travaille à mi-temps ou des jeunes en formation, qui viennent « quand ils ont le temps ».
Depuis quatre à cinq ans, Jérôme Coursodon observe que le recours à des sociétés de prestations se développe dans le vignoble. « Je n’ai pas envie d’y faire appel », confie-t-il. Au-delà de l’aspect éthique, il fait le constat qu’au final, ça ne sera pas moins cher « si je compare le surcoût horaire par rapport à l’achat de la maison sur dix ou quinze ans ». Il continue donc de croire en cette solution même s’il reconnaît que c’est à chaque fois un stress de savoir comment ça va se passer : problèmes éventuels de cohabitation, gestion de situations humaines parfois difficiles…
Pour l’instant, l’occupation se concentre sur le printemps et l’été car les travaux de taille sont gérés par l’équipe de permanents. Mais le vigneron n’exclut pas de devoir un jour également recruter et loger pour la taille, voire de louer à des permanents. Il imagine aussi que ce logement lui permettra d’accueillir des stagiaires venant de plus loin que la région. « Pour eux trouver un logement pour seulement un ou deux mois est un frein », souligne-t-il. Son investissement n’est donc pas forcément rentable selon les canons de la finance mais il le considère comme rassurant.
repères
Domaine Coursodon
Surface 17 ha
Dénominations AOP saint-joseph rouge et blanc ; vin de France
Encépagement syrah, marsanne, roussanne, viognier
Salariés 5 permanents + saisonniers
Gamme : 5 cuvées, de 17 euros à 50 euros
Comment intégrer la mise à disposition d’un logement sur la feuille de salaire ?
Deux modes d’évaluation
Le chiffrage de manière forfaitaire se réfère à un barème distinguant huit tranches de revenus et variant selon le nombre de pièces comprises dans le logement (1). Les avantages accessoires (eau, gaz, électricité, chauffage, garage) sont intégrés au montant du forfait.
Un autre mode de calcul consiste à partir de la valeur locative servant à l’établissement de la taxe d’habitation (selon les articles 1496 et 1516 du Code général des impôts) et d’après la valeur réelle pour les avantages accessoires (eau, électricité, gaz, chauffage et garage), précisent aussi les experts de la MSA.
Si le salarié logé verse une redevance au titre de l’occupation du logement et qu’elle est égale ou supérieure à l’évaluation, il n’y a pas d’avantage en nature.
En cas de logement partagé
Lorsque le logement est partagé entre plusieurs salariés (deux ou plus), si l’employeur opte pour une évaluation forfaitaire l’avantage est calculé en prenant en compte uniquement les pièces principales, destinées au sommeil et au séjour, mises à disposition du salarié concerné. S’il choisit un calcul à partir de la valeur locative servant à l’établissement de la taxe d’habitation, la valeur locataire réelle est divisée selon le nombre de salariés hébergés.
Un seuil pour la prise en compte
Quel que soit le mode de calcul retenu, lorsque l’évaluation mensuelle de l’avantage en nature est inférieure à la première tranche du barème forfaitaire pour un logement comptant une pièce (au 1er janvier 2022, en dessous de 72,30 euros), « l’avantage en nature du logement peut être négligé », souligne la MSA.