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Produire et vendre une marque de vin équitable

Afin d’agir pour une juste valorisation des vins de l’AOP muscadet, les vignerons Christophe Bazile et Vincent Pétard participent au développement d’une marque équitable collective. Une démarche innovante et engagée.

Christophe Bazile et Vincent Pétard ont voulu participer au développement du muscadet Juste de Loire-Atlantique pour agir concrètement même si pour l'instant la démarche est avant tout symbolique.
Christophe Bazile et Vincent Pétard ont voulu participer au développement du muscadet Juste de Loire-Atlantique pour agir concrètement même si pour l'instant la démarche est avant tout symbolique.
© C. Gerbod

Associés depuis 2004 au sein du domaine du Plessis Glain, à Saint-Julien-de-Concelles, près de Nantes, Christophe Bazile et Vincent Pétard misent avant tout sur la vente directe. Comme nombre de vignerons de l’appellation, ils font le constat d’un blocage depuis des décennies sur la rémunération trop faible des vins du Muscadet par le négoce.

« Si on ne devait vivre que du négoce, on ne serait plus là », souligne Vincent Pétard. Membres des Vignerons indépendants nantais, les deux associés ont eu envie d’agir collectivement. Partisans d’une démarche revendicatrice, ils ont rejoint la proposition de Carmen Suteau, leur présidente, consistant à décliner en AOP muscadet la marque Juste de Loire-Atlantique (Juste de LA), déjà lancée pour du lait et de la farine (voir encadré).

« Une marque existante permet de profiter d’une dynamique de réseau. L’organisation était maîtrisée pour les autres filières et semblait tout à fait adaptable au vin », détaille Christophe Bazile. Le projet a conquis pour l’instant quatre autres domaines membres de la Fédération des vignerons indépendants de Loire-Atlantique, mais « ça reste ouvert », lance-t-il. Être syndiqué FNSEA ou JA n’est pas une condition. Les deux vignerons ne le sont d’ailleurs pas.

Des viticulteurs ambassadeurs de leur marque

Christophe Bazile et Vincent Pétard ont pris une part de 300 euros dans la SAS Juste de Loire-Atlantique. Cette société possède la marque et assure la commercialisation via ses membres, appelés « ambassadeurs ». Ils contribuent à la recherche de débouchés et à la promotion de l’ensemble des produits en partageant leurs contacts, notamment dans les grandes surfaces et magasins de proximité locaux. Ils consacrent une ou deux demi-journées par an à de l’animation en magasin. Ils sont rémunérés pour ce rôle commercial, en plus de l’achat du vin s’ils sont apporteurs. Le dispositif inclut Loire Propriétés qui, en tant que partenaire négociant, achète les vins selon un prix fixé, assure l’assemblage, l’embouteillage et le stockage.

 

 
L'étiquette choisie est moderne et colorée.
L'étiquette choisie est moderne et colorée. © Juste de LA

 

Pour la première cuvée d’AOP muscadet Juste, lancée au printemps 2022, Vincent Pétard et Christophe Bazile ont proposé un lot de 20 hectolitres de vin qui a été retenu lors de la réunion décidant collectivement de l’assemblage. Leur vin a été assemblé avec celui d’André-Jean Gourvès, autre vigneron participant à Juste de LA, pour atteindre le profil de vin facile, rond et fruité recherché pour un volume de 60 hectolitres labellisé HVE. L’étiquette choisie adopte un graphisme moderne et coloré. Par souci de transparence, sur la contre-étiquette, un QR code permet au consommateur de savoir qui sont les vignerons l’ayant produit.

Le prix d’achat au producteur au cœur du concept

Point clé de la démarche, le prix d’achat du vin au producteur a été fixé à partir des coûts de revient calculés par la chambre d’agriculture. Il est défini pour être rémunérateur pour le producteur. L’objectif était aussi d’atteindre un prix de vente de la bouteille de 5 euros, niveau jugé acceptable par les consommateurs selon différentes études d’image du muscadet menées par les Vins de Nantes et les Vignerons indépendants nantais. Concrètement, la SAS Pétard-Bazile va recevoir 180 euros par hectolitre en tant qu’apporteur qui lui arriveront par Loire Propriétés et 30 euros par hectolitre de marge ambassadeur via la SAS Juste. Avec au total 210 euros par hectolitre, elle percevra 60 à 80 euros de plus que le cours pratiqué (voir encadré).

 

 
La contre-étiquette explique la démarche.
La contre-étiquette explique la démarche. © C. Gerbod

 

« L’esprit est associatif, solidaire, témoigne Christophe Bazile avec un fonctionnement qui se veut simple  ». Les informations s’échangent via un groupe Whatsapp. Ainsi tous les acteurs du projet sont au courant de ce qui se fait, des nouveaux points de vente, des livraisons à prévoir. La FNSEA 44 gère un stock tampon pour les magasins de proximité, en parallèle du stock localisé chez Loire Propriétés.

Une montée en puissance progressive

Sur les 6 200 bouteilles de la première cuvée, plus de 4 000 étaient vendues mi-octobre, et le solde devait l’être d’ici la fin de l’année. La prochaine mise est prévue pour mi-janvier, avec un assemblage de vins du millésime 2022. La cuvée sera de 100 hectolitres pour une montée en puissance progressive. Il n’y aura qu’une seule étiquette contrairement à la première cuvée qui prévoyait une version différente pour le réseau caviste et pour la GMS. À l’usage, cette distinction ajoute une complexité inutile.

 

 
Les ambassadeurs de la marque Juste assument une démarche militante.
Les ambassadeurs de la marque Juste assument une démarche militante. © C. Gerbod

 

Les deux associés proposeront à nouveau leur AOP muscadet. Le volume est symbolique mais ils considèrent que « ce n’est pas une démarche à côté de la plaque ». Vincent Pétard estime que « la démarche a besoin d’être expliquée aux consommateurs ». « C’est un outil, on sait que c’est long à se lancer. Il faut se donner deux à trois ans pour voir ce que cela donne avec d’ici là un investissement pour donner sa chance au projet », abonde Christophe Bazile. Mais il a le sentiment que « cela prend ». Faire une demi-journée d’animation au contact des consommateurs l’a convaincu qu’il y a un fort intérêt pour du local à un prix accessible.

Témoignage : Carmen Suteau, présidente du Syndicat des vignerons indépendants nantais (SVIN)

« Nous n’avons pas peur d’afficher la rémunération »

 

 
Carmen Suteau, présidente du Syndicat des vignerons indépendants nantais (SVIN)
Carmen Suteau, présidente du Syndicat des vignerons indépendants nantais (SVIN) © Juste de LA
« Il y a une souffrance sur les prix depuis des décennies. Cela pèse sur l’avenir des exploitations. Nous n’avons pas peur d’afficher la rémunération. La valeur perçue est de 210 euros l’hectolitre aujourd’hui, alors que le négoce veut acheter le même produit à 130-150 euros l'hectolitre. Il faut pouvoir moderniser, replanter, vivre normalement, transmettre et installer de nouveaux vignerons. On a un vrai produit, un muscadet d’un bon niveau de qualité et d’un profil que l’on a travaillé pour être facile d’accès, sur la fraîcheur, les agrumes, les fruits frais. Ce profil, on peut l’obtenir de façon constante en assemblant différents vins. Si on atteint 30 000 bouteilles, on aura besoin de cinq, six ou sept vignerons. »

 

Témoignage : Jean-Philippe Bouin, accompagnateur du développement de la marque Juste

« Il faut être humble sur les volumes et surtout patients »

 

 
Jean-Philippe Bouin, accompagnateur du développement de la marque Juste
Jean-Philippe Bouin, accompagnateur du développement de la marque Juste © INFAGRI 85
« Nous avons lancé la marque Juste & Vendéen à la FDSEA Vendée avec les JA pour du lait en décembre 2020, puis pour des œufs, du miel et du fromage. Puis la FNSEA 44 et les JA ont créé Juste de Loire-Atlantique pour du lait et de la farine. La démarche « C’est qui le patron ? » nous a inspirés. La marque Juste de LA appartient à une SAS dont la FNSEA 44 et les JA ont chacune une action. Les 85 autres parts sont détenues par des ambassadeurs, qui livrent ou pas de la marchandise. La bouteille d’AOP muscadet est vendue 3,23 euros à la GMS si on n’assure pas le transport, 3,43 euros si on livre. Le prix d’achat n’est pas négociable. Le prix de vente conseillé est de 5 euros. Si un acteur vend en dessous, il ne gagne pas sa vie. La marque est un outil pour faire respecter les coûts de production. Elle répond à une demande de produits locaux et tracés. Il faut être humble sur les volumes et surtout patients. Nous travaillons à la sortie d’un steak haché surgelé sur le même principe. Notre but est d’élargir le nombre d’ambassadeurs pour drainer plus de volume. »

 

repère

Domaine du Plessis Glain

Surface 38 ha

Encépagement melon de Bourgogne, sauvignon gris, chardonnay, pinot gris, merlot, cabernet franc, pinot noir, gamay

Certification HVE, conversion bio sur le tiers de la surface

Salariés 2 équivalents temps plein

Dénominations AOP muscadet et muscadet-sèvre-et-maine-sur-lie, IGP val-de-loire, méthode traditionnelle, vin de France

Distribution 60 à 70 % vente directe, 5 à 10 % export

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