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Viticulture : connaître ses coûts de production pour les diminuer

Jean-Marie Vergnaud, viticulteur bordelais, a fait calculer ses coûts de production par sa coopérative. Depuis, il passe par le groupement d’achat de la cave et réalise des économies substantielles.

C’est de notoriété publique. Avant de pouvoir réduire ses coûts de production, encore faut-il les connaître. Or c’est souvent là que les affaires se corsent, ce calcul étant souvent fastidieux. C’est ici qu’intervient la cave coopérative.

« Lors d’une assemblée générale de la cave, nous avons comparé les différents programmes des un et des autres sur une dizaine de coopérateurs, se remémore Jean-Marie Vergnaud viticulteur à Lussac en Gironde, et adhérent à la cave coopérative des Vignerons de Puisseguin. Et nous nous sommes aperçus qu’il y avait une grosse différence économique entre certains. »

En 2012, la cave se lance dans le calcul des coûts de production. « Le but était que les coopérateurs connaissent leurs dépenses pour ensuite se regrouper et économiser sur les achats », poursuit-il. À cet effet, en 2006, la cave avait mis en place une commission gérant un groupement d’achat, avec trois administrateurs et le service technique vigne. Et ce, en vue de négocier avec les fournisseurs les produits phytosanitaires, le fioul, les petits matériels, les extincteurs, etc. En dix ans, elle regroupe près de 55 adhérents.

Une démarche pas si facile à lancer

Bien que membre du conseil, Jean-Marie Vergnaud a mis une dizaine d’années avant de sauter le pas. « Quand on a un fournisseur, c’est dur d’en changer, explique-t-il. Il y a le poids de l’habitude, le lien qui se crée. En plus, pour les produits phytos, mon distributeur me faisait des facilités de paiement (paiement en cinq fois), ce que le fournisseur de la coopérative ne faisait pas jusqu’à il y a deux ans. Et il était situé à 3 km de chez moi, ce qui aide lorsqu’on a immédiatement besoin d’une pelote de rafia par exemple. »

Néanmoins, en 2016, il se décide à passer sa comptabilité au crible. Il se rend auprès de Noémie Tanneau, la personne de la cave en charge du calcul des coûts économiques de production. Il lui fournit son bilan comptable et ses factures pour trois années, de 2014 à 2016. Elle compile le tout et en déduit ses coûts pour chaque poste : achats, charges de fonctionnement, charges financières, personnel, charges d’exploitants et autres charges ; qu’elle met en regard avec la moyenne des 55 autres viticulteurs de la cave, dont une partie s’était déjà prêtée à l’exercice les années précédentes.

Une différence de 2 218 euros par an sur les phytos

Et le résultat est sans appel : « ce qui m’a le plus surpris, c’est la différence sur les produits phytos », s’exclame-t-il. Pour un an de couverture, le devis de son fournisseur s’établit à 6 412,90 euros ; celui de la cave à 4 194,82 euros. Soit une différence de 2 218 euros par an pour l’exploitation !

Il met un an à se décider, mais quitte son fournisseur historique en 2017, malgré une bonne entente. « Car la relation ne fait pas le prix, relativise Jean-Marie Vergnaud. Je me suis senti gêné, mais en fait, c’est à eux de se remettre en question ! » Au niveau de l’élaboration du programme de traitement, ce changement ne lui pose aucun problème, les techniciens de la cave étant disponibles pour l’aider si besoin. Pour lui, le seul bémol est géographique : s’il omet la moindre fourniture dans sa commande, il doit parcourir 10 km au lieu de 3.

Un an plus tôt, il a également modifié son circuit d’achat de piquets. « Jusque-là, j’achetais des piquets en pin, de 1,80 m, à raison de 2,80 euros l’unité, décrit-il. En 2016, je suis passé par le groupement d’achat de la cave et ai pris des piquets fer de 1,80 m, à 2,20 euros. » Sur l’année, le différentiel est là : il économise 456 euros.

De même, il se fournit désormais en fioul auprès du groupement d’achat de la cave, ce qui lui procure une économie de 200 à 300 euros par an. Il faut dire que c’est l’un des postes où il se situait au-dessus de la moyenne du groupe, avec 281,78 euros/ha en 2016, contre 162,54 pour ses confrères. Il achète également ses petites fournitures, rafia, agrafes, fil à plier, gants, EPI, huile, filtres, etc. par ce biais, tout comme les petits matériels, à l’image du sécateur électrique sur lequel il a économisé 5 à 10 %.

« Maintenant, c’est simple : je passe par le groupement de la cave pour tout », témoigne-t-il. Il aimerait d’ailleurs que ce dernier négocie les achats de plants, afin de pouvoir opter pour la qualité supérieure à moindre frais. « Le cabernet franc a beaucoup souffert en raison du gel ; mon taux de mortalité a doublé par rapport à l’an dernier, indique-t-il. J’achète des petits plants à 1,30 euro, car les grands valent 2,30 euros. Mais j’aimerais bien, à l’avenir, avoir des grands plants. »

En revanche, pour ses réparations de matériel, et autres pièces d’usure, il continue à travailler avec son forgeron local.

Délaisser l’entreprise de travaux agricoles au profit de CDD

Malgré ces belles économies, les plus grosses marges de manœuvre de l’exploitation ne sont pas sur les postes achats, mais sur la main-d’œuvre. Il se situe bien au-dessus des autres coopérateurs dans la catégorie « travaux par tiers ».

« J’ai donc changé de stratégie, annonce le viticulteur. Auparavant, je passais par une entreprise de travaux agricoles. C’est une solution intéressante et reposante, car on est sûr que le travail sera fait. Mais cette sérénité a un coût : j’en avais pour près de 25 000 euros par an. » Après mûre réflexion, il se résout à embaucher des saisonniers en CDD (Tesa) par an, « pour un coût annuel d’environ 16 000 euros avec les charges », complète-t-il.

Le premier salarié, embauché de janvier à mars, est chargé de tirer les bois, caler et plier. Le second, de mai à juillet, l’appuie dans les travaux en vert. « Cela faisait un moment que ça me travaillait, confie-t-il. Mais cela me stressait de me retrouver seul. » Et de fait, en 2017, il s’est retrouvé le bec dans l’eau « deux ou trois fois, se remémore-t-il. Le salarié ne s’est pas présenté. J’ai dû trouver quelqu’un d’autre. Et en attendant, il faut travailler beaucoup plus ».

De même, employer des CDD implique davantage de formation, de sécurité et d’encadrement. Mais le jeu en vaut la chandelle. Et ce d’autant plus qu’en 2017, Jean-Marie Vergnaud a été fortement touché par le gel. Les économies tombent donc à pic.

Les frais de comptabilité et assurance en ligne de mire

Et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il dépense plus que le groupe pour le comptable et les assurances. Il souhaite donc s’y atteler sans tarder. Pour le premier, il débourse environ 2 400 euros par an. « Or certains adhérents de la cave sont en dessous des 2 000 euros, note-t-il. Je vais aller voir mon comptable pour essayer de passer sous cette barre des 2 000 euros. » De même, il lui semble possible de diminuer son poste assurances : en 2016, il payait 426,20 euros/ha/an, contre 326,91 euros/ha/an en moyenne pour les 25 viticulteurs de la cave. « Bien sûr, comparons ce qui est comparable. Mais je vais négocier toutes mes assurances, que ce soit pour l’exploitation, le tracteur, les utilitaires, dévoile-t-il. J’espère bien diminuer cette charge de 15 à 20 %. » De son côté, la commission du groupement d’achat travaille sur une assurance gel pour les adhérents.

Des économies sont aussi envisageables sur le poste « frais postaux et téléphone », où il débourse actuellement 1 434 euros par an. « C’est essentiellement mon fournisseur internet et téléphonie, décrypte-t-il. Il faut que je renégocie le contrat. »

Enfin le fermage qu’il paie est élevé. « Auparavant, le rendement autorisé était de 62 hl/ha, mais il est à présent de 55 hl/ha. Théoriquement, je pourrais donc passer d’un fermage de 9 à 7 », analyse le viticulteur. Pour ce faire, un passage devant le notaire s’impose. Ce qu’il ne se résout pas à faire, les propriétaires s’avérant être ses parents. « Ma mère est d’accord, confie-t-il. Mais je ne le fais pas. »

Au final, pour Jean-Marie Vergnaud, le bilan est 100 % positif. « Je suis soulagé d’avoir fait cette démarche, et j’incite tous les coopérateurs à la faire. C’est un gros coup de pouce d’avoir pu réaliser cette étude. Et je me suis aperçu que je n’étais pas si mal placé sur certains postes, alors même que je ne suis pas un négociateur né. J’avais peur d’être plus haut. »

« Maintenant, c’est simple : je passe par le groupement de la cave pour tout »

repères

Superficie 10 hectares

Cépages 70 % de merlot, 20 % de cabernet franc et 10 % de cabernet sauvignon

AOC lussac saint émilion

Installation en 1992

En cave coopérative depuis 1992

Nombre de salariés lui et deux CDD de trois mois par an

Production environ 550 hl par an

Chiffre d’affaires en moyenne 125 000 euros par an

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