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Moûts blancs et rosés : plus d’O2 pour moins de SO2

L’oxygénation contrôlée des moûts blancs et rosés, prônée par la société Vivelys et quelques œnologues, commence à faire des adeptes, pour limiter le SO2 ou pour son intérêt organoleptique. Le point sur les premiers résultats en cave.

On sait depuis plusieurs années qu’un apport d’oxygène sur des moûts blancs ou rosés en sortie de pressurage peut s’avérer bénéfique s’il est maîtrisé. « On réduit à la fois la sensibilité à l’oxydation des moûts, l’amertume et l’astringence, tout en favorisant la fraîcheur aromatique et le gras ", résume Laurent Fargeton, chef de produit chez Vivelys. On augmente même des précurseurs d’arômes thiolés comme l’A3MH (pamplemousse, fruit de la passion). En général les vins obtenus sont valorisés après 6-8 mois d’élevage.

L’oxygène dissous va oxyder et précipiter d’entrée les polyphénols facilement oxydables, le moût ressortira plus clair et plus stable dans le temps, moins sensible à l’oxydation. La technique permet donc de limiter les apports de sulfites, notamment pour les moûts les plus riches en polyphénols comme les fins de presse. La difficulté de la technique réside dans l’ajustement de la dose d’oxygène à apporter pour éviter l’apparition de notes d’oxydation. L’arrivée du Cilyo de la société Vivelys l’an dernier permet maintenant de mesurer cette dose idéale d’apport d’oxygène à partir d’un échantillon de moût prélevé dans la cuve de débourbage. Mais il coûte cher : 19 900 € (avec journée de formation). Vivelys n’a pour l’instant vendu que quelques Cilyo à l’étranger, trois en Suisse et quelques-uns en Californie et au Chili, et poursuit les essais.

De couleurs stables même sans sulfites

Dans le canton du Valais, la maison Les Fils Maye a investi dès 2017. « Nous avions dégusté des essais 2016 d’oxygénation contrôlée et avons de suite été attirés par la fraîcheur des vins ", témoigne Alexandre Gillioz. L’œnologue du domaine a multiplié les oxygénations contrôlées en 2017 sur ses cépages blancs (chasselas, muscat, petite arvine, sylvaner…) et rosés (pinot noir, gamay…) sur premiers jus et sur presses, avec des doses d’oxygène apportées variant de 10 à 40 ml/l. « Et nous avons confirmé nos premières impressions : on obtient davantage de fraîcheur et en plus on élimine le côté végétal de certains moûts, un peu comme avec une micro-oxygénation sur vin. » Les essais ont été suivis par l’université suisse de Changins et les résultats confirmés par une dégustation en février dernier avec un jury de 30 personnes. Un bémol cependant : « On a perdu des arômes sur la petite arvine, un cépage très aromatique type fruits exotiques, agrumes. Nous allons refaire un test comparatif cette année sur petit volume et cette fois-ci, on ne traitera que les presses. »

En Champagne, la maison Bollinger loue l’appareil depuis 2016, quelques jours pendant les vendanges, pour évaluer son intérêt sur chardonnay et pinot noir. « L’objectif est de réduire les doses de sulfites sur nos cuvées, justifie Denis Bunner, chef de cave adjoint chez Champagne Bollinger. Les premiers résultats sont encourageants, nous obtenons de belles choses à 3 g/hl de SO2, voire sans, avec des différences intéressantes en termes de fruité, de fraîcheur aromatique et de finesse. Nous ne traitons que les cuvées (les premiers jus). Je suppose que l’effet doit être encore plus marqué pour les tailles, plus riches en polyphénols. » Les essais seront reconduits en 2018.

Plus au sud, dans le Gard, les Vignobles Guiraud ont évalué le Cilyo lors des vendanges 2017, pour stabiliser les couleurs de leurs cuvées sans sulfite. Alexandre Bozzo, l’œnologue, estime que l’oxygénation contrôlée a bien fonctionné sur les cépages chardonnay, grenache et merlot. « Les couleurs se tiennent mieux qu’habituellement, on évite les blancs qui prennent une robe dorée trop rapidement ou les rosés orangés, avec des profils intéressants. »

Bientôt en prestation de service ?

En Suisse, dans le canton de Vaud, Philippe Corthay, œnologue-conseil, veux développer l’oxygénation des moûts de chasselas, un cépage riche en polyphénols. « Mais un Cilyo coûte cher pour les petits vignerons, beaucoup ne vont pas pouvoir investir. Comme ils sont déjà équipés en diffuseurs pour apporter l’oxygène, l’idée est de faire des mesures de besoin en oxygène en laboratoire, en prestation, pour les faire bénéficier de la technique. » Le prix n’a pas encore été fixé. Selon Vivelys, l’idéal est de faire la mesure 45 minutes maximum après prélèvement. L’appareil est cependant transportable.

La Provence va également lancer la prestation : Gilles Baude, œnologue conseil au laboratoire Provence Oenologie, met en place des essais en 2018 dans plusieurs caves à partir d’un Cilyo basé au laboratoire. « L’oxygénation contrôlée des moûts nous intéresse pour vinifier sans intrants nos presses de grenache facilement oxydables, c’est une alternative au sulfitage des moûts et au collage. »

Pas de SO2 et un débourbage sévère

En pratique, l’opération d’oxygénation contrôlée débute par le prélèvement d’un échantillon de moût dans la cuve de débourbage. Le moût ne doit pas avoir été sulfité au préalable afin que l’oxydation à suivre des polyphénols ne soit pas bloquée. On peut tolérer 3 g/hl de SO2. Le traitement peut porter uniquement sur les jus de presse ou à la fois sur jus de goutte et jus de presse.

La mesure par le Cilyo prend environ vingt-cinq minutes, elle donne la quantité d’oxygène nécessaire, de 0 à plus de 40 ml/l, ainsi que la durée d’apport, souvent de trois à six heures. L’oxygène est alors ajouté directement dans la cuve de débourbage par un diffuseur classique, adapté à un apport, sur quelques heures. Attention, l’apport rapide via un cliqueur est à proscrire ; il favorise les oxydations.

Pour beaucoup de vignerons, il faut passer un cap psychologique à ce stade, à savoir accepter de voir le moût brunir, jusqu’à la couleur café parfois, sans crainte. Ensuite seulement un sulfitage est possible pour son effet antiseptique, mais pas obligatoire.

Toutes les options de débourbage sont possibles, statique ou par flottation, mais il faut s’assurer de débourber à moins de 70 NTU, pour éliminer la totalité des polyphénols bruns oxydés. Sinon il y a risque de redissolution en cours de fermentation.

Aux Vignobles Guiraud, un débourbage statique est effectué à 10°-12 °C, pour calmer les levures sans les stresser. « Le process de débourbage est décalé de quelques heures, car le bullage remet un peu les bourbes en suspension ». Alexandre Bozzo, l’œnologue, a en plus collé aux protéines de pois à faible dose pour limiter la couleur des rosés. Les bourbes ont été filtrées classiquement au tangentiel. « Nous n’avons pas eu de soucis de départ en fermentation pendant les débourbages sur les lots oxygénés non sulfités, sauf sur une vendange qui avait été bioprotégée avec un mélange de levures. Il nous faudra vérifier si bioprotection et oxydation ménagée des moûts sont compatibles ou pas. »

En Suisse, Alexandre Gillioz débourbe par flottation à l’azote à 17 °C. « La flottation est décalée d’autant d’heures que dure l’oxygénation. En général nous n’apportons pas de SO2 après oxygénation sauf s’il commence à fermenter. Le premier sulfitage est souvent reporté fin fermentation. »

Oxygénateurs et doseurs d’oxygène

Pour oxygéner un moût :

une bouteille d’oxygène et un oxygénateur capable de diffuser plusieurs milligrammes d’oxygène par litre de moût en trois à six heures (Visio de Vivelys, OxyGénius Macro ou Evo 1000 de Parsec…)

Pour mesurer les doses d’apport en oxygène sur moût :

le Cilyo de Vivelys ou des oxymètres (Nomasens de Nomacorc ou OxyLevel de Parsec…) ou à partir d’abaques plus empiriques

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