Les polymères à empreinte moléculaire prêts à révolutionner la filtration du vin
La clarification du vin pourrait passer un nouveau cap avec l’apparition des polymères à empreinte moléculaire. À la clé, une sélectivité étonnante, mais aussi des économies de temps et de matière.

Imaginez un filtre pour le vin qui cible et retienne seulement les molécules indésirables. Comme les phénols produits par Brettanomyces, par exemple. Eh bien vous ne rêvez pas ! Cette prouesse est rendue possible grâce à l’utilisation de polymères à empreinte moléculaire (PEM, ou MIP en anglais). L’entreprise néo-zélandaise Amaea travaille sur cette technologie depuis une dizaine d’années, et vient de lancer une gamme de solutions spécialement destinée au vin.
Les PEM sont des matériaux synthétiques renfermant des cavités spécifiques à l’image d’une molécule. De façon plus schématique, il s’agit de petites billes en plastique sur lesquelles sont imprimées à l’échelle microscopique les formes des composants à éliminer. Une fois que le vin circule dans les tubes remplis de ces billes, les molécules ciblées viennent s’encastrer dans ces empreintes. Ne reste plus ensuite qu’à nettoyer le filtre pour régénérer les milliards de minuscules pièges. « Cette technologie n’est pas nouvelle, mais elle n’était utilisée qu’à très petite échelle dans des laboratoires, explique Jonathan Engle, l'un des cadres dirigeants d’Amaea. Notre défi a été de changer de dimension pour pouvoir traiter des cuves entières. » Les travaux sur le vin ont débuté en 2021 en Californie à la demande d’un important groupe viticole, faisant suite à un millésime 2020 marqué par les feux de forêt et l’ampleur des goûts de fumée dans les vins.
Piéger les phénols odorants et les protéines instables
« Nous avons cherché puis identifié la molécule responsable de ce défaut, et les résultats des PEM ont été satisfaisants, relate Torey Arvik, en charge de la recherche appliquée chez Amaea. Notre traitement impactait moins le vin que les autres procédés existants. » L’entreprise a ensuite développé une solution pour cibler les phénols volatils issus des Brettanomyces, et plus récemment pour le collage des vins. « Cette dernière technique a l’avantage d’être beaucoup plus rapide que les pratiques classiques, vu qu’il n’y a plus à attendre que les composés sédimentent. De plus elle élimine les allergènes, donc des mentions sur l’étiquette, et améliore le rendement puisqu’il y a moins de matière à jeter », argumente Jonathan Engle.
La firme assure que le coût de traitement avec cette technologie est comparable à celui d’une filtration classique. En pratique, un technicien échantillonne les vins à traiter et effectue des tests en laboratoire sur de petites quantités. C’est au vigneron ensuite de déterminer le compromis entre le débit de traitement et le résultat gustatif. « Pour les phénols par exemple, nous retirons généralement entre 25 et 30 % des molécules, c’est assez pour modifier le profil du vin », illustre Torey Arvik. La commercialisation a débuté aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande. Amaea cherche pour l’heure à s’implanter en Europe.