La malo en barrique, un levier pour jouer sur l’aromatique des vins
Une fermentation malolactique en fût permet d’obtenir des profils de vin différents. Au vigneron de tester le couple bois/bactérie qui lui correspond.
Une fermentation malolactique en fût permet d’obtenir des profils de vin différents. Au vigneron de tester le couple bois/bactérie qui lui correspond.
Pratiquer la fermentation malolactique (FML) en barrique ou non est bien souvent, chez les vignerons, une histoire d’habitude ou de praticité. « Cela se fait beaucoup en Bourgogne, car c’est la façon de faire traditionnelle pour les vins qui passent en fût, témoigne Vincent Gerbaux, à l’IFV de Beaune. Les cuvées sont entonnées directement après le pressurage et débourbage. » Et pourtant, l’emploi de cet itinéraire technique ou non est aussi un véritable levier pour jouer sur le profil aromatique des vins. Gilles de Revel, professeur d’œnologie à l’Institut supérieur de la vigne et du vin (ISVV) et à l’université de Bordeaux, a longtemps travaillé sur cette thématique. « La différence fondamentale entre une malo en barrique ou en cuve, provient de la faculté qu’ont les bactéries à activer les précurseurs d’arômes », explique-t-il. En clair, si le vin est mis en fût une fois que la FML est achevée, celui-ci va s’enrichir des arômes du bois présents, mais ne profitera pas des précurseurs. Alors que si la fermentation a lieu au sein de la barrique, l’action enzymatique des bactéries entraînera la production d’arômes de bois supplémentaires.
« Les notes typiques de la malo en barrique, par exemple, sont ceux de café et de moka, qui viennent du furfurylthiol, étaye le professeur. Le bois libère du furfural, inodore. En présence de bactéries, qui créent du H2S, cela donne naissance au composé odorant. » La présence d’autres molécules comme la vanilline (notes vanillées), la whisky-lactone (cuir/noix de coco) ou l’eugénol (épices/clou de girofle) est favorisée par le contact avec les bactéries. De telle sorte que le boisé, lors d’une malo en barrique, est beaucoup plus intense. Un effet visible rapidement, en quelques semaines, et qui le reste jusqu’à la mise en bouteille. « Nous avons démontré ce gain en intensité par les analyses sensorielles mais aussi par les marqueurs chimiques », précise Gilles de Revel. Plus édifiant encore, le professeur et ses collègues ont pu quantifier que l’on obtient, à durée d’élevage égale, la même teneur en vanilline et en whisky-lactone dans un fût d'un vin avec FML en barrique que dans un fût neuf où la malo a eu lieu au préalable en cuve ! Une donnée d’autant plus intéressante que le coût du bois explose.
Des effets différents selon le bois et la souche de bactérie
L’expert constate également une meilleure intégration du boisage grâce à l’action des bactéries. Davantage d’homogénéité, d’équilibre, de sucrosité, et des tanins mieux intégrés. « Attention, cela ne veut pas dire que c’est la meilleure façon de faire, nuance-t-il. Tout dépend du profil attendu. Ces réactions chimiques existent, et sont plus ou moins dominantes. On aime ou on n’aime pas. » Gilles de Revel insiste sur le fait que les effets observés sont plus ou moins marqués en fonction du bois, mais aussi de la souche de bactérie, les activités métaboliques pouvant être très différentes. « Malheureusement il n’existe pas de recette. Le vigneron doit effectuer un travail exploratoire chez lui pour voir le couple type de bois/type de bactérie qui convient. La recherche n’a pas été jusque-là », prévient le professeur.
En ce qui concerne le bon déroulement de la fermentation, travailler en cuve ou en barrique ne change pas grand-chose. « D’un point de vue microbiologique il n’y a pas de différence, relate Vincent Gerbaux. Il n’y a pas de point de vigilance ou de difficulté particulière lorsque la malo se déroule en fût. » Si ce n’est d’un point de vue purement pratique, puisque cela signifie multiplier les petits contenants. C’est donc davantage de travail, de suivi, d’analyses, de temps, d’exigence. Une astuce, pour faciliter et homogénéiser la tache, consiste à lancer la fermentation en cuve et à entonner dès qu’elle est enclenchée. « Ou bien, si l’on souhaite gérer le boisé d’une façon plus globale, d’utiliser des alternatives comme les staves ou les copeaux. Car la logique est la même qu’en barriques », conclut Gilles de Revel.
c’est pratique
En 2016, Lallemand a lancé un produit spécifique pour l’ensemencement des barriques, Malotabs. Il s’agit de pastilles contenant une dose adaptée de bactéries Œnocuccus œni, qui se dissolvent de façon homogène dans le milieu. « Il s’agit de simplifier mais aussi d’assurer le départ en fermentation sur les vins en barriques, qui sont généralement plus structurés et où la malo est moins facile », explique le fabricant.