Élevage du vin : des fûts sous influence maritime pour plus de fraîcheur
La tonnellerie de Jarnac propose une barrique issue de merrains exposés un an à l’air marin et à l’eau de mer. Les premiers essais montrent un impact intéressant sur le profil des vins.
Que peut apporter à l’élevage d’un vin une barrique dont le bois s’est confronté à l’air et à l’eau de la mer ? C’est ce qu’expérimente la barrique Océan conçue par la Tonnellerie de Jarnac. Elle a la particularité d’être réalisée à partir de merrains ayant fini leur élevage durant un an en bord de mer, chez un ostréiculteur. Ils ont été régulièrement arrosés à l’eau de mer et ont séché à l’air marin, après 24 mois de stockage en extérieur sur le site de la tonnellerie, à Jarnac, en Charente.
Un premier essai concluant sur l’élevage d’un cognac
L’inspiration de ce produit est venue du travail de création de cognacs de Fanny Fougerat, vigneronne à Burie, en Charente-Maritime. En échangeant avec un chef étoilé et son sommelier, ainsi qu’avec la Tonnellerie de Jarnac, l’idée d’une barrique sous influence marine a émergé comme une piste pour façonner un cognac d’un caractère frais et minéral plus marqué.
Ainsi en janvier 2022, la vigneronne et distillatrice a pu proposer un cognac ayant achevé son élevage durant treize jours dans deux barriques de chêne affiné en bord de mer. « Ça a bien apporté des notes iodées et salines, du dynamisme, plus d’énergie », rapporte Fanny Fougerat. Elle évoque aussi des notes rappelant « une forêt de pin en bord de mer ».
Des expérimentations sur des vins blancs
Encouragée à transformer l’essai, la tonnellerie a voulu tester son intérêt sur l’élevage de vins blancs. Vigneron du domaine du Cassard, en appellation blaye-côtes-de-bordeaux, Éric Billières s’est livré à l’exercice. Il a élevé un même vin de sauvignon dans une barrique Océan de 300 litres et dans une barrique classique de même contenance durant six mois.
Des échantillons issus de chaque fût ont été dégustés à l’aveugle lors d’une dégustation réunissant une dizaine de professionnels. « Ils ne savaient pas ce qu’ils étaient venus goûter », se remémore le vigneron. Convié, Nicolas Piffre, œnologue chez Enosens Saint Savin, a noté « un boisé un peu plus marqué qu’avec l’autre barrique, plus de fraîcheur, plus de vivacité, plus de minéralité ». Un avis partagé par ses deux autres collègues présents. Autre participant, Jean-Pascal Paubert, maître sommelier, se souvient d’un « boisé plus souple, plus élégant » et de « plus de complexité ».
Éric Billières a lui aussi constaté un « goût différent avec des notes salines, sans que ça change la structure du cépage ». Il a assemblé cette barrique avec le vin qu’il destine à une cuvée prestige immergée un an en mer après huit à neuf mois d’élevage qu’il réalise depuis sept ans. Au-delà de la thématique océanique, le supplément de fraîcheur l’intéresse car le vin immergé a tendance à en perdre sous l’effet du vieillissement prématuré.
Des effets à confirmer sur d’autres millésimes et cépages
« On a ce côté plus frais et plus salin », abonde de son côté Matthieu de Pannemaecker, directeur commercial de la Tonnellerie de Jarnac. Au domaine Alloïs, à Caseneuve, dans le Vaucluse, en appellation Ventoux, François Busi a acquis ce contenant pour y élever un vin issu du cépage marsanne, « sur un terroir assez lourd ». Il en espère de la fraîcheur et des notes salines. « Il y a une vraie différence. On a plus de fraîcheur aujourd’hui mais l’élevage n’est pas terminé, on est en pleine prise de bois », confie-t-il. Un domaine californien teste aussi le fût pour un chardonnay.
« Il faut reconduire l’essai sur deux ou trois ans », considère Nicolas Piffre. La tonnellerie poursuit les expérimentations pendant encore un an avant de donner plus d’envergure à cette production pour l’instant très limitée.
« Nous ne savons pas encore si les notes salines persisteront lors du deuxième passage », admet Matthieu de Pannemaecker. À voir aussi si l’effet est le même sur tous les cépages. Il signale qu’un essai sur sémillon n’a pas révélé de différence aussi marquée, sans que l’on puisse à ce stade expliquer pourquoi.
À ce jour une vingtaine de barriques ont été fabriquées. « Nous préconisons notre chauffe LTS (légère longue à cœur) ou bien notre chauffe LTN (Légère normale) afin de préserver la fraîcheur du fruit et les notes salines », indique le directeur commercial. Les formats disponibles sont de 225 à 400 litres. Le surcoût est de 100 euros HT par barrique.