Double effet pour l’acide fumarique en vinification
L’acide fumarique commence à se déployer sur le terrain. Inhibition de la malo et légère acidification semblent être au rendez-vous pour ses premiers utilisateurs.
L’acide fumarique commence à se déployer sur le terrain. Inhibition de la malo et légère acidification semblent être au rendez-vous pour ses premiers utilisateurs.
Commercialisé par plusieurs firmes œnologiques telles que Laffort, Lamothe-Abiet ou encore Sofralab (Martin Vialatte, Station Oenotechnique de Champagne et Oenofrance), l’acide fumarique permet de bloquer le départ en fermentation malo-lactique (FML) des vins, et est donc une alternative au SO2 ou au lyzozyme. Recommandé à des doses de 30 à 60 g/hl, ce produit se présente sous forme de poudre, et vaut 8 à 12 €/kg chez Sofralab.
Stefano Nandi, œnologue et directeur technique de la cave italienne Montelvini, a commencé des essais en juin 2022, avec pour objectif de remplacer le froid pour conserver ses vins de base destinés à l’élaboration du Prosecco. « Dans un premier temps, nous avons fait un test sur 900 hl de vin de base afin de vérifier l’impact organoleptique de ce produit lors de la prise de mousse », détaille le directeur technique. 300 hl ont servi de témoin, 300 hl ont reçu 30 g/hl d’acide fumarique, et 300 hl ont reçu 60 g/hl d’acide fumarique.
Une légère acidification en prime
Au final, l’ajout de l’acide a provoqué un léger ralentissement de la fermentation, avec un décalage de deux jours par rapport au témoin à 30 g/hl et de quatre jours toujours par rapport au témoin, à 60 g/hl. Un décalage qui ne pose pas de problème d’un point de vue pratique, la prise de mousse ayant trente jours pour se réaliser. À la dégustation, l’acide fumarique a conduit à des vins plus frais au nez, et avec une présence d’acide supérieure en bouche. Ce qui est confirmé par les analyses chimiques. « L’acidité totale du produit fini était de 6 g/l sur le témoin, de 6,25 sur le lot à 30 g/hl d’acide fumarique et de 6,50 pour celui à 60 g/hl », rapporte Stefano Nandi. Une acidification qui va dans le bon sens puisque le Prosecco joue sur la fraîcheur.
Ce constat de légère acidification est partagé par Hélène Barre, œnologue chez Sieur d’Arques, à Limoux. Elle a ajouté de l’acide fumarique sur des lots de chardonnay 2022, qualité clochers (cuvées haut de gamme), récoltés à la main et microvinifiés en barrique. « Des fûts commençaient à partir en FML, explique-t-elle. Et comme nous ne voulons pas utiliser de produits d’origine animale, j’ai opté pour de l’acide fumarique. Je l’ai ajouté en préventif sur les barriques qui n’étaient pas encore parties, à raison de 30 g/hl. En plus de bloquer la malo, cet ajout a eu un léger effet acidifiant. L’acidité totale est montée d’environ 0,30 g/l. Cela a apporté une petite tension agréable en bouche. » Même s’il est encore trop tôt pour connaître l’effet du produit dans le temps, Hélène Barre est pour le moment satisfaite.
Une solution plus économique que le froid
Tout comme Stefano Nandi, qui s’est lancé à plus grande échelle sur le millésime 2022. Tous ses vins de base ont été additionnés d’acide fumarique à raison de 30 g/hl, la dose préconisée en préventif. S’il est encore trop tôt pour être certain de l’efficacité du produit dans le temps, Stefano Nanti pense que cette solution est intéressante d’un point de vue économique. « Il fait actuellement 23 °C, les cuves sont encore chaudes, décrit-il. Avec le kW qui coûte 0,50 euro, je pense que l’acide fumarique est une bonne alternative. Par ailleurs, ce produit permet une légère acidification, ce qui est nécessaire sur ce millésime très solaire. »
Un avis que partage Hélène Barre, qui estime que le produit n’est pas très cher comparé à ses avantages, surtout pour des vins à forte valeur ajoutée. Elle regrette néanmoins que la mise en œuvre soit compliquée. « Le produit n’est pas très facile à mélanger, déplore-t-elle. Il ne faut pas chercher à bien le solubiliser. Le plus simple est de le dissoudre dans du vin, et non dans de l’eau et de le mettre en mouvement dans une cuve pendant un remontage par exemple, ou lors d’un bâtonnage dans une barrique. »
Pour une meilleure solubilisation, il est en effet recommandé d'incorporer l'acide fumarique dans 20 fois son poids en vin, ce dernier étant à plus de 10°C, et de l'ajouter lors d’un remontage d’un demi-volume de la cuve.