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Des cépages patrimoniaux pour modérer les degrés

Aux côtés de la création variétale ou des essais de cépages étrangers, la redécouverte de cépages locaux est une piste explorée pour produire des vins moins alcoolisés. Les expériences se multiplient.

La collection ampélographique du Centre de ressources biologiques de la vigne (CRB-Vigne) de Vassal-Montpellier à Marseillan-plage (Hérault) est un réservoir considérable de variétés et clones avec plus de 7800 accessions originaires de France mais aussi d'une cinquantaine de pays.     © T. Lacombe/Inrae
La collection ampélographique du Centre de ressources biologiques de la vigne (CRB-Vigne) de Vassal-Montpellier, à Marseillan-plage (Hérault), préserve une collection exceptionnelle de près de 3 000 cépages traditionnels, dont 550 d'origine française. Une richesse complétée par 180 conservatoires régionaux. 20 ont été installés depuis 2014 indique l'IFV dans le bilan 2014-2020 de son programme de recherche.
© T. Lacombe/Inrae

" Depuis quinze ans, il y a un nouvel élan pour revisiter les vieilles variétés. Il y a des raisons diverses, comme la recherche d’identité locale mais aussi des critères techniques. Souvent elles ont été délaissées parce que trop tardives, ayant des acidités élevées, accumulant moins de sucres », observe Laurent Audeguin, expert en matériel végétal à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). Nicolas Gonin, vigneron à Saint-Chef (Isère) et vice-président du Centre d’ampélographie alpine Pierre-Galet de Montmélian (Savoie), cite des dizaines de cépages hier délaissés pour leurs faibles degrés et pourtant dignes d’intérêt. Il se passionne notamment pour le mècle. « C’est un cépage puissant, très tardif, avec une bonne acidité et un rendement correct. En 2019, je l’ai vendangé à 11,5 % avec un ph 3,30/3,40 ».

Changer l’image des vins faiblement alcoolisés

Il évoque aussi la mondeuse, passée de 930 ha en 1968 à 173 ha en 1988 mais remontée à 298 ha en 2018 (1). « Il est rare d’en ramasser à plus de 13 degrés.» Fort de son travail sur de nombreux cépages anciens, il souligne la nécessité de penser le style et l’aspect économique. « La mondeuse à 5 € la bouteille ce n’est pas possible. Le peloursin en vin de France ou IGP à 9/9,5 % vol., à 80 hl/ha, en bio, avec 5 ou 6 traitements, ça peut être un schéma. » Il veut aussi montrer qu’un bas degré n’empêche pas de faire un vin qualitatif et de garde. « J’ai eu de très bons échos d’une bouteille de mondeuse 2012 à 10,2 % qui a été dégustée en 2020. Mais à la dégustation, un vin à 13 degrés aura en général une meilleure note que celui à 10,5 degrés », regrette le vigneron.

« L’offre variétale est en train de s’ouvrir énormément », témoigne Olivier Yobrégat, responsable matériel végétal à l’IFV Sud-Ouest, tout en rappelant que « tous les cépages patrimoniaux n’ont pas forcément de degrés bas ». S’il note que jusqu’à présent, cette redécouverte « se développe dans le cadre de marchés de niche », il constate que les demandes sont croissantes auprès de l’IFV pour aider à en réinscrire certains au catalogue des variétés autorisées ou pour obtenir du matériel végétal. « Grâce au Centre de ressources biologiques de Vassal, nous avons beaucoup de données sur la phénologie, le poids des grappes… On ne part pas de rien. »

 (1) Source : www.plantgrape.plantnet-project.org

 

En Centre-Loire, la résurrection du genouillet

« Il y avait 6 000 ha de genouillet avant le phylloxera », retrace Maryline Smith, ex-vigneronne du domaine de Villalin à Quincy, dans le Cher, avec son mari Jean-Jacques Smith. À partir de 2002, avec l’Union pour les ressources génétiques du centre Val de Loire (URGC) et la vigne conservatoire de Tranzault, les Smith ont contribué à la résurrection de ce cépage abandonné dont il ne restait que 2 ha en 1958. Il a été inscrit au catalogue en 2011. « Il atteint 12,5 degrés à maturité, explique Maryline Smith. Son taux d’acidité est élevé. C’est un cépage de 2e période qui avait du mal à mûrir. » Un profil qui a convaincu les Smith face aux évolutions climatiques. « Dans notre région les pinots mûrissent désormais à 15 degrés en perdant leur acidité », pointe l’ex-vigneronne. Lorsqu’ils ont revendu leur domaine en 2019, les Smith avaient 1 ha de genouillet. Ils ont appris à l’apprivoiser : « Des rendements trop hauts favorisent l’acidité à des niveaux inadéquats ». Ils le vinifiaient en monocépage rouge ou rosé, sans fût, plutôt qu’en assemblage ou en pétillant, « pour le faire découvrir ». Maryline Smith vendait sa cuvée à 12,30 €, bien au-dessus des prix moyens de l’appellation. Aujourd’hui, 4 ha de genouillet sont plantés chez 7 vignerons selon le site de l’URGC (www.tresorsvivantsducentre.com). La municipalité de Sainte-Lizaigne (Indre) envisage d’en planter 3 ha dans le cadre de son projet de biodiversité Oasis Genouillet, développé sur 16 ha de terres agricoles.

À Cairanne, la counoise s’épanouit en assemblage

« Nous menons une réflexion sur les cépages et les degrés alcooliques depuis une quinzaine d’années », explique Claire Richaud du domaine Richaud à Cairanne, dans le Vaucluse. « Le grenache reste la star », lance Thomas Richaud, son frère, mais le domaine a veillé à garder une diversité de cépages. Il a conservé et replanté de la counoise dont il dispose aujourd’hui de 3,5 ha. « Ce cépage a un gros degré de moins ramassé que le grenache », constate Claire Richaud. Le domaine n’a pas non plus lâché les autres cépages secondaires de l’appellation cairanne comme le carignan planté sur 5 ha ou le cinsaut sur 2 ha. Même si l’impact final sur le degré est modéré par le souhait de rester en appellation cairanne, Thomas Richaud constate que la counoise apporte « de la fluidité dans les vins, plus de facilité à boire et des arômes floraux très particuliers ». Il replante du cinsaut, convaincu aussi des atouts de ce cépage juteux à gros grains pour apporter de la fraîcheur. Le domaine ne s’interdit pas de faire une cuvée 100 % counoise mais estime manquer de recul. « On se demande toujours à quel moment il faut décuver et si on ne peut pas aller chercher un profil différent. »

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La création variétale intègre les degrés

« Le changement climatique est pris également en compte dans le choix des parents en vue de réaliser les croisements. Il sera également pris en compte dans les observations conduites en stade 2 où seront retenues les obtentions variétales plus tardives, à potentiel d’accumulation en sucre plus limité », indique l’IFV en présentant son travail sur la création de nouvelles variétés résistantes à typicité régionale initié en 2013. Ainsi, pour le vignoble bordelais, c’est le cabernet franc, plus tardif que le merlot qui fait partie des cépages choisis, illustre Laurent Audeguin à l’IFV. Parmi les variétés résistantes issues du programme Inrae-Resdur, l’artaban se révèle donner des degrés modérés.

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