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Quels cépages planter pour demain

Planter est une décision qui engage assurément l’avenir. Entre cépages retrouvés, cépages européens adoptés et variétés résistantes, de plus en plus de choix alternatifs sont possibles. Tour d’horizon de ces nouvelles voies avec Laurent Audeguin, responsable matériel végétal à l’IFV.

Laurent Audeguin, responsable matériel végétal à l’IFV. © L. Audeguin
Pour Laurent Audeguin, responsable matériel végétal à l’IFV, il n'y a pas d'objectifs et de cibles uniques en matière de cépages.
© L. Audeguin

De nombreux cépages anciens oubliés font l’objet d’un regain d’intérêt sous l’impulsion de vignerons, de conservatoires ou d’associations. Est-ce une tendance durable ?

Laurent Audeguin : Il y a le constat d’un frémissement sans être un chamboulement. Dans le piémont alpin, le Sud-Ouest, la Charente… il y a une vraie curiosité. Il y a des velléités de revisiter le patrimoine à la recherche de cépages qui existaient encore dans les années 1950. Certains de ces cépages ont peut-être une justification qu’on ne leur prêtait pas il y a cinquante ans. Pour la majorité d’entre eux, ces cépages étaient plus tardifs, accumulaient moins de sucre et conservaient une bonne acidité. Il y a un intérêt porté sur leur capacité d’adaptation. Ça coûte moins cher que de réinventer un cépage si on retrouve l’intérêt que ces cépages avaient. Il y a aussi l’histoire qu’on va raconter autour et ça n’est pas neutre. Ça permet d'amener des gens plus avertis et curieux à découvrir d’autres produits. 

Ce qui va être un frein c’est comment ces cépages vont acquérir une notoriété. C’est forcément moins simple puisque ce sont des variétés locales par essence.

La tendance concerne-t-elle l’ensemble du vignoble ?

L.A. : Sous l’égide du centre d’Ampélographie alpine-Pierre Galet, nous avons revisité 10 cépages. Dans le Sud-Ouest, nous avons contribué à la renaissance du tardif à Saint-Mont. Les côtes-du-Jura et arbois ont demandé à intégrer dans leur décret l’enfariné. Il vient de rentrer au classement et va être introduit comme une variété à des fins d’adaptation. Le vidal blanc, variété obtenue au début du XXe siècle en Charente, fait l’objet d’une demande d’inscription car il est adapté à la production d’eau-de-vie. Le vignoble de Fronton redécouvre le bouysselet et se met à faire du blanc. Le mollard, cépages des Hautes Alpes, a été redéveloppé par le domaine Allemand. Aujourd’hui 5 à 6 vignerons en font.

Parmi ces cépages redécouverts, certains ne figurent pas au catalogue national ?

L.A. : La première étape est alors la demande d’inscription. Le bia blanc du piémont alpin et la petite sainte marie de Savoie sont ainsi entrés dans le catalogue récemment car ils n’y figuraient pas. Une fois la demande faite, les spécialistes de l’Inrae, en charge de la DHS (1), vont vérifier que le cépage existe dans la collection de Vassal. Des analyses génétiques, des expertises ainsi que des repérages sont effectués pour savoir si on le rencontre toujours dans sa zone traditionnelle. Rappelons que l’inscription au catalogue donne le droit uniquement de le multiplier tandis que le classement permet de faire du vin, de le vinifier et de le commercialiser. Les demandes se font en parallèle.

La variété peut être inscrite sans qu’il y ait du matériel clonal mais si on veut qu’une pépinière en produise, il faudra que le matériel végétal soit vérifié. Pour le bia blanc du piémont alpin, par exemple, ce qu’avait récupéré le centre ampélographique Pierre Galet était virosé. On a assaini par microgreffage de méristème apical. Maintenant, nous avons un clone indemne de virose grave.

De nombreux cépages européens et même le cépage sud-africain pinotage ont été inscrits au catalogue. Est-ce qu’ils font l’objet d’une appropriation en France ?

L. A. : Notre propos c’est de dire, voilà les résultats qu’offrent les cépages dans leur zone de culture historique. Essayez-les ! Mais il faut une volonté collective. L’alvarinho a été le premier à être introduit il y a une dizaine d’années. Il y a désormais de l’assyrtiko dans les Pyrénées-Orientales, du pinotage, du montepulciano, du fiano blanc plantés en Languedoc. Ça commence à prendre. Des vignes mères se mettent en place. Nous avons développé une collaboration avec un pépiniériste grec, Vine Nursery Bakasieta, pour la sélection de cépages locaux. Une réflexion va être menée pour partager les expériences de plantation de ces différents cépages en France.

L’offre de variétés résistantes s’est élargie avec l’inscription au catalogue en 2018 de quatre variétés résistantes ResDur-Inrae artaban, voltis, floreal et vidoc. Quelles sont les perspectives ?

L.A. : Les quatre variétés vidoc, floreal, artaban et voltis du premier programme Resdur sont en cours de déploiement. Les variétés issues de Resdur 2 sortiront fin 2021. Pour le programme Resdur 3, les expérimentations sont en cours et les sorties sont prévues pour 2024/2025.

Où les variétés résistantes vont-elles s’implanter ?

L.A. : Pour ces variétés, c’est une stratégie de création variétale opportune. C’est après avoir acquis les références en matière de profil que l’on pourra dire sur quels terroirs elles sont les plus adaptées, avec quels cépages elles s’assemblent le mieux. En termes de notoriété, ça peut aller assez vite car ces variétés sont nationales.

Le vignoble français a souhaité développer des variétés à typicité régionale. À quel horizon seront-elles disponibles ?

L.A. : Toutes les régions viticoles se sont engagées avec des strates intermédiaires. L’urgence sociétale est là mais le développement dépendra aussi de l’urgence des professionnels. Nous avons une échéance en 2032 pour aller vers une inscription avec les connaissances scientifiques d’aujourd’hui. Au préalable, il faut un tri des variétés greffées plantées en stade dit intermédiaire et le passage pour la vingtaine de génotypes retenus par la phase de Vate (Valeur agronomique technologique et environnementale). Il faut bien souligner que les variétés que l’on va obtenir ne seront pas des syrahs ou des grenaches résistants mais des nouvelles variétés que l’on espère le plus proches des cépages emblématiques.

Mais le frein est aujourd’hui que toutes ces variétés ne sont pas des pures Vitis Vinifera. La porte des appellations leur est pour l’instant fermée. Cette disposition européenne pourrait rapidement évoluer. Sinon il y aura une différence entre les VSIG et les IGP qui y auront accès et les appellations AOP qui elles n’auront comme possibilité que d’avoir un pulvérisateur plus performant ou le recours aux modèles prédictifs… Ça voudrait dire qu’on aurait une viticulture à deux vitesses.

Des réflexions vont s’engager sur les cahiers des charges qui devront indiquer les caractéristiques physicochimiques des cépages. Il faudra donner des règles.

Dans toutes ces différentes voies, y en a-t-il une qui paraît plus prometteuse pour les cépages de demain ?

L. A. : Il y a deux grands challenges à relever : le changement climatique et la réduction des phytos. Il n’y a pas d’objectif et de cible uniques. D’ici quinze à vingt ans, oui les cépages auront évolué, les mentalités auront évolué mais dire dans quelle proportion, c’est impossible de prédire aujourd’hui.

(1) Etude de distinction, homogénéité et stabilité.
 

repères

Les variétés résistantes se déploient

2,40 millions de plants de variétés résistantes ont été mis en œuvre en 2019, et 2,79 millions en 2020, selon les données FranceAgriMer communiquées par la FFPV.

Le réseau Oscar (Observatoire national du déploiement des cépages résistants) comptait en 2019 87 parcelles réparties sur 43 sites. Il observe 23 variétés résistantes.

 

 

 

 

 

 

 

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