Davantage de hauts de gamme grâce au pilotage des FA
Une partie des cuves du site de Mont Aigu, en Champagne, est équipée de capteurs de CO2. Cela permet de suivre, en temps réel, l’évolution des fermentations alcooliques de chaque cuve, afin d’optimiser la qualité des vins.
Une partie des cuves du site de Mont Aigu, en Champagne, est équipée de capteurs de CO2. Cela permet de suivre, en temps réel, l’évolution des fermentations alcooliques de chaque cuve, afin d’optimiser la qualité des vins.
Le service recherche & développement de Moët & Chandon planche depuis 2009 sur le pilotage des fermentations alcooliques (FA). À l’origine de ce projet, se trouve le souhait des œnologues d’améliorer leur savoir-faire "historique de la maîtrise des FA jusqu’à la piloter vers un objectif produit". Pour ce faire, disposer d’une mesure plus continue que la prise de densité biquotidienne était un prérequis. « Dans un premier temps, nous avons testé différents paramètres et avons retenu la vitesse de dégagement du CO2 », introduit Anne Humbert-Goffard, chef de projets R & D chez Moët & Chandon. Plusieurs années de travaux en collaboration avec la société Vivelys ont été nécessaires pour aboutir au déploiement industriel d’un système automatique de pilotage des FA en temps réel. Il est basé sur la mesure "fine" du dégagement de CO2.
Des stratégies de vinification par typologie de moût
Placé sur la conduite de dégagement du CO2 disposée sur la cheminée de la cuve, le capteur (débitmètre massique thermique) plonge dans le flux gazeux pour en mesurer le débit exact produit tout au long de la fermentation. Un logiciel de supervision a également été développé. Il analyse les données acquises, donne une représentation graphique en direct et pilote la FA via le contrôle de la température, l’injection d’oxygène ou encore l’apport de nutriments. Logiquement, il faut être vigilant sur la fermeture des cheminées, sinon toutes les données sont faussées.
« Le point fort de l’outil est sa capacité à détecter le Vmax, c’est-à-dire la vitesse maximale de la fermentation, décrit Anne Humbert-Goffard. C’est la fin de la phase de croissance exponentielle des levures, et le moment optimal pour apporter de l’oxygène aux levures, pour permettre un bon déroulé de la FA. »
En fonction de la composition des moûts, (acidité totale, pH, azote ammoniacal et assimilable, etc.), il est alors possible d’appliquer à chaque cuve une stratégie de vinification propre. Si l’équipe travaille toujours sur le sujet, deux grandes familles ont déjà été définies : les blancs et les pinots (noirs et meuniers). À chaque fois, un arbre décisionnel a été élaboré, avec des actions correctives pour chaque paramètre. « Pour des moûts de turbidité plus faible, on aura la possibilité de réaliser des apports d’oxygène, afin que les levures produisent elle-même les stérols dont elles ont besoin pour mener à bien la FA, illustre la chef de projet. De même, pour des teneurs en azote assimilable faibles, une complémentation azotée est possible. » Ces actions correctives peuvent être appliquées de manière automatique ou manuelle.
Un retour sur investissement intéressant
Malgré le coût important du dispositif, le jeu en vaut la chandelle. Il faut compter environ 1 000 euros par capteur, auxquels s’ajoute l’environnement de pilotage (supervision, système injection d’oxygène…). « Soit un total d’environ 4 500 euros par cuve, sans compter le développement », indique la chef de projet. Mais elle estime que le retour sur investissement est rapide.
L’équipe R & D travaille encore à optimiser l’exploitation du système de pilotage de ses fermentations. Elle souhaite se diriger vers un système non plus uniquement de suivi, mais de prévision du dégagement de CO2 pour pouvoir anticiper le déroulé de la FA.