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Un référentiel œnologique sur les variétés résistantes en cours d’acquisition

Avec tout au plus dix ans de recul sur la vinification des variétés résistantes, à des volumes confidentiels qui plus est, difficile d’évaluer avec précision leurs aptitudes œnologiques. Pour l’heure, ces variétés présentent surtout un intérêt en assemblage.

Trois millésimes minimum sont nécessaires pour définir l'aptitude œnologique d'une création variétale. Le Domaine de Cazes, dans l'Aude, dispose de la plus importante collection de variétés résistantes en France.
Trois millésimes minimum sont nécessaires pour définir l'aptitude œnologique d'une création variétale. Le Domaine de Cazes, dans l'Aude, dispose de la plus importante collection de variétés résistantes en France.
© J. Gravé

D’après le Contrat de solutions, les surfaces plantées en variétés résistantes ne représentaient que 200 ha en France en 2020. Dont une partie n’est pas encore entrée en production. « On manque de références », pose Thierry Grimal, responsable du domaine expérimental de Cazes. Situé dans l’Aude, le Domaine de Cazes est piloté par la chambre d’agriculture départementale en partenariat avec quatre coopératives, et fait figure de pionnier en matière de variétés résistantes. Les premières variétés Bouquet y ont été plantées en 2009.

Des raisins issus de vignes jeunes, dans un contexte pédoclimatique donné

« Aujourd’hui, on possède une trentaine de variétés issues de la recherche française, allemande, suisse et italienne, sur environ 25 ha », expose Thierry Grimal. Depuis deux ans, la structure, qui se veut être un « maillon entre la recherche et le terrain », a vu affluer les demandes de formation sur ces variétés prometteuses. Producteurs et productrices veulent voir, mais aussi et surtout goûter, et sont prêts à venir de loin pour cela. Mais avant de distiller ses conseils, Thierry Grimal appelle à la prudence. « On est pressés mais il faut faire très attention avec le végétal. Ce que l’on observe ici ne se vérifiera pas forcément sur d’autres terroirs. On a eu le cas sur certaines variétés rouges, qui donnaient des vins frais et aromatiques chez nous, et des vins aux arômes cuits et grillés à l’Inrae de Pech Rouge, à 100 km d’ici », prévient-il. Outre l’influence pédo-climatique, le directeur insiste sur le fait qu’à ce jour, les vins produits sont issus de vignes jeunes, dont les caractéristiques organoleptiques peuvent être amenées à évoluer à mesure qu’elles vieillissent. « C’est pour cela que même si notre rôle en tant qu’organisme de recherche s’achève lorsque les variétés sont homologuées, les retours de la production sont extrêmement importants », pointe Thierry Grimal.

Des profils parfois en rupture, source d’opportunités

Le domaine de Cazes ne formule des conclusions sur les aptitudes œnologiques des variétés résistantes qu’à l’issue de trois vinifications. « C’est un minimum pour lisser l’effet millésime », indique Philippe Gautier, œnologue au Domaine de Cazes. La cave expérimentale permet de vinifier séparément chaque variété, dans des cuves d’un à trois hectolitres. « Chaque résistant est comparé à un témoin, un merlot ou un cabernet sauvignon pour les rouges, et un chardonnay pour les blancs. On les a choisis car il s’agit des variétés les plus répandues dans la région », poursuit l’œnologue. Les protocoles de vinification sont adaptés tous les ans en fonction des résultats obtenus, notamment pour les durées de cuvaison des rouges. « Il y a certains cépages allemands qui donnent des vins très colorés sous notre climat, ce qui nécessite des ajustements sur les méthodes d’extraction », pointe l’expert. De ce qu’il a observé, les arômes foxés tels qu’observés dans les premières générations d’hybrides ont aujourd’hui complètement disparu. « Les variétés Bouquet ont davantage de qualités organoleptiques qui se rapprochent de nos cépages traditionnels », précise Thierry Grimal. Après une dizaine d’années de vinification de variétes résistantes, le premier conseil que les chercheurs donnent à l’unisson est celui d’utiliser ces variétés en assemblage. « Avec un ratio 85-15, on ne modifie pas la typicité du cépage dominant, et dans certains cas on peut même la renforcer », affirme-t-il. Pour Philippe Gautier, le profil atypique de certains résistants, comparé à nos cépages traditionnels, constitue une opportunité. « Le prior donne des vins peu alcoolisés, peu charpentés, avec des notes de petits fruits rouges comme la framboise ou la fraise. Ça correspond aux goûts actuels », explique-t-il. « J’ai fait goûter les résistants à mon fils et ses amis. C’est le saphira qu’ils préfèrent, un cépage allemand très marqué jus d’ananas. Je pense que certaines variétés ont une carte à jouer auprès des jeunes », illustre de son côté Thierry Grimal.

Des suivis qui s’ouvrent tout juste aux vinifications en rosé et mousseux

Pour la première fois en 2021, toutes les variétés rouges seront vinifiées en rosé. « On l’a fait sur le prior l’année dernière. Ça donne un rosé très épicé, un peu lourd. Les résistants donnent des profils de rosé un peu anciens. C’est peut-être l’occasion de les remettre au goût du jour », imagine Philippe Gautier. Le domaine développera aussi lors des prochaines vendanges un projet pour l’AOC limoux. Objectif, évaluer le potentiel du voltis en tant que base de mousseux. « Ce n’est pas un cépage très aromatique mais ça donne des vins avec beaucoup d’acidité, ce qui peut être intéressant en assemblage », commente Philippe Gauthier. Le champ d’exploration est donc encore immense. Les trois autres variétés Inrae-ResDur1 sont elles aussi bien connues des deux chercheurs. Philippe Gautier présente l'artaban et le vidoc comme des variétés « passe-partout ». « Sur nos terroirs tardifs, le floréal peut se suffire à lui-même. Il donne des vins aromatiques, fruités, floraux et légèrement épicés », complète-t-il.

Au Domaine de Cazes, une expérimentation impliquant 10 variétés rouges issues du programme Inrae-Resdur2, est en cours. Elle devrait permettre d’aboutir à des classements fin 2022-début 2023. « On est prêt à démarrer une évaluation de la Valeur agronomique technologique et environnementale (VATE) avec Pech Rouge sur 13 variétés Bouquet », complète Thierry Grimal. Partout en France, des programmes de création variétale en collaboration avec l’IFV, l’Inrae et les interprofessions sont engagés. Ils doivent permettre de créer des variétés résistantes à typicité régionale. Les plus prometteuses pourraient être déployées dans le vignoble en 2030.

Témoignage : Mickaël Reynal, vigneron au domaine de Revel, dans le Tarn-et-Garonne

"J'ai sorti ma première cuvée issue d'une variété résistante en 2014"

« En 2014, je sortais ma première cuvée à partir d’une variété résistante, un blanc sec IGP comté tolosan composé d’un assemblage de 85 % de souvignier gris et 15 % de sauvignon gris. Le souvignier gris a une peau très dure, ce qui complique un peu le pressurage pour faire un blanc. Une année, je l’ai vendangé fin novembre et j’en ai fait un blanc doux. La pellicule était intacte, mais le vin n’était pas équilibré. En pressurage direct, le souvignier gris donne un moût rosé clair, type Provence, mais la couleur s’estompe pendant la fermentation alcoolique. À terme, je prévois de ne faire que du rosé avec ce cépage. Je trouve que l’aromatique, qui se rapproche un peu du mauzac pour comparer à un cépage local, n’est pas assez exubérante pour un blanc. Je pense que dans la vague de résistants qui va arriver, notamment dans les Bouquet, il y aura des variétés bien plus intéressantes pour faire du blanc. Cette année je sors mon premier rouge, un assemblage de 85 % de cabernet cortis et de 15 % de marselan. Je récolte tard le cabernet cortis, soit début octobre, car il est meilleur concentré. Attention à ne pas vinifier avec la rafle parce que ça peut vite virer sur le poivron vert. De mon expérience, si les variétés résistantes offrent de belles opportunités, les cépages qui ont les meilleurs potentiels agronomiques et œnologiques dans le contexte actuel sont les métis comme le marselan et le caladoc."

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